1.2. Un choix de vie

Les personnes qui optent pour un commerce itinérant font le choix, véritablement, d’un mode de vie. Ceux qui voyagent au quotidien expriment un besoin de liberté. Ils se montrent aussi très attachés à la dimension relationnelle. C’est le contact avec les individus que viendront chercher, de manière ponctuelle, les exposants non professionnels.

M. de la Pradelle distingue deux sortes de forains : les forains de tradition, qui reprennent la succession des parents et exerceront durant toute leur vie active sur les marchés, et ceux qui ont choisi un mode de vie qui souvent, pour eux, est provisoire, car une ‘«’ ‘ impression de précarité est associée à ce travail’ » 145 . L’avantage de ce type de commerce est son accessibilité, puisqu’il est ouvert à tous. L’investissement de départ est moins important que pour l’acquisition d’un commerce sédentaire, et il n’est besoin d’aucune formation professionnelle spécifique. Ce type de commerce est donc parfois choisi pour démarrer une activité, ou de manière transitoire.

Divers auteurs 146 relèvent que, plus que le choix pour le commerce non-sédentaire, c’est celui d’un mode de vie qui est fait – que ce soit à long terme ou provisoirement. Celui-ci est souvent défini par une liberté ressentie et revendiquée. Cette impression émane du côté ‘«’ ‘ nomade’ » des déplacements, présentés comme dégageant l’individu de toute contrainte, de toute attache. Cette notion s’exprime par le mode relationnel, particulièrement oral, établi entre les commerçants et leurs clients, mais aussi entre les commerçants eux-mêmes. Liberté de ton, liberté de vocabulaire allant jusqu’à une certaine familiarité établissent une sorte de convivialité généralisée qui permet de traiter tout le monde de la même façon, sans distinction, mettant chacun à égalité. Les commerçants mettent en scène leur liberté et, en particulier, ils invitent à s’approcher de leur étal, à toucher, voir, sentir leur marchandise. ‘«’ ‘ L’essentiel est d’apparaître détaché de tout souci de rentabilité et plus animé par le goût de la rencontre et le plaisir de ’ ‘«’ ‘ galéjer » que par l’obsession du tiroir-caisse ’» 147 .

Pourtant, cette liberté est toute relative puisque, outre le fait que les commerçants non-sédentaires sont dépendants du temps et en particulier des intempéries, ils doivent se soumettre aux règlements des villes dans lesquelles ils s’installent, et où la plupart ont un abonnement, ce qui les oblige à venir régulièrement. La répétitivité du circuit de déplacement semble diminuer l’espace de liberté. Les règlements sur l’hygiène – en particulier alimentaire – sont de plus en plus contraignants et leurs applications contrôlées. Les douanes, souvent présentes, ne manquent pas de vérifier que le commerçant, comme ses produits, sont bien en règle.

La liberté revendiquée semble essentiellement se retrouver dans les relations avec les individus. En effet, plus que tout, ce qui est valorisé par l’exposant, ce qu’il recherche prioritairement, c’est le ‘«’ ‘ contact’ ». Voir du monde, échanger, retrouver les habitués… semble être sa principale motivation, d’autant plus que l’échange se fait de manière plus conviviale qu’en magasin. Cette dimension relationnelle a aussi l’avantage de permettre d’aller à la rencontre de nouvelles clientèles. De plus, nous verrons plus loin comment elle sert d’atout aux producteurs pour valoriser leurs productions sur lesquelles ils peuvent apporter divers types d’informations.

Notes
145.

M. de la Pradelle, op.cit., 1996, p.143.

146.

En particulier M. de la Pradelle et R.Bonnain.

147.

Ibid., p.152.