Des cadres de réflexion pour optimiser la production

Les demandes d’A.O.C. qui exigent la réalisation d’un dossier complexe sont portées par un ‘«’ ‘ syndicat’ » ou ‘«’ ‘ groupement de défense des producteurs’ » qui en ont la charge et qui, souvent, se constituent à cet effet. Il ne s’agit plus seulement d’aider à la production et à la commercialisation mais aussi de réfléchir ensemble pour défendre un produit spécifique et de se rallier derrière une charte qu’on s’est soi-même donnée. Cette charte, qui peut être celle d’une appellation – mais pas seulement –, vise essentiellement à établir une sorte de ligne de conduite, une manière de travailler que l’on veut de qualité. Il s’agit aussi d’établir des normes de commercialisation en particulier par une identification et un conditionnement communs. Le piment d’Espelette vendu en poudre doit par exemple être conditionné en pots de verre de 50 g maximum ou en sachets de 250 g ou de un kg. Il doit mentionner l’appellation, la date d’utilisation optimale, le poids net, le numéro du lot et l’identification de l’opérateur. Le système d’étiquetage est délivré par le syndicat après obtention de l’agrément. Le bureau interprofessionnel mise ses actions sur un plan économique. Il observe et régule les cours, réalise la promotion du produit.

Pour bénéficier de leurs actions, les producteurs doivent adhérer aux groupements. Ainsi par exemple les pruniculteurs de Saint-Aubin sont obligés de cotiser au bureau interprofessionnel du pruneau d’Agen. De même, les éleveurs de volailles de Bresse doivent être adhérents du Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse (C.I.V.B.) pour pouvoir bénéficier de l’appellation et obtenir les marques d’identification.

Les groupements peuvent donc avoir des avantages non négligeables, en particulier pour valoriser un produit, mais il leur faut acquérir l’adhésion des producteurs qui doivent y trouver leur intérêt – financier en priorité – et une reconnaissance. On observe également une multitude de groupements qui fonctionnent comme des systèmes d’entraide. A Espelette on enregistre ainsi un groupe qui s’appelle H.C.F. (hors cadres familiaux) qui aide les jeunes producteurs qui n’ont pas d’exploitation familiale à s’installer, ou la F.O.G. qui aide à optimiser la gestion des exploitations et ses rendements.

Depuis quelques années, se créent des associations où des producteurs fermiers vendent, à tour de rôle, dans un magasin, les produits de chacun (Arrapitz, dans le Pays Basque, la ferme Livradoise en Auvergne). Ces lieux sont réunis sous l’appellation ‘«’ ‘ points de vente collectifs »’ (P.V.C.). En Rhône-Alpes, 19 magasins 155 réunissant environ 200 producteurs appartiennent à l’association A.V.E.C. (agriculteurs en vente collective). Ce réseau leur permet d’échanger des expériences, des conseils et d’élaborer une éthique commune. En 1999, on en dénombrait 200 sur l’ensemble de la France 156 . Ce système permet de tirer de meilleurs bénéfices que par le circuit de la grande distribution et, ‘«’ ‘ à la différence de ce qui se passe souvent dans le système coopératif conventionnel, de reposer sur la maîtrise effective par chaque agriculteur d’un outil collectif. »’ 157 Ce système aide les agriculteurs à exercer une activité commerciale qu’ils connaissent peu et à laquelle ils n’ont pas toujours du temps à consacrer. Cela permet aussi de proposer une diversité de produits. Souvent ils établissent des normes de commercialisation et une identification commune (même logo ou étiquettes). Ces groupements privilégient l’ensemble de ce qui est appelé ‘«’ ‘ remise directe au consommateur »’. L’intérêt est de tirer un certain bénéfice, mais non de faire acte de commerce au sens juridico-économique du terme, c’est-à-dire en achetant les produits pour revendre avec des bénéfices. ‘«’ ‘ Ce serait tomber sous l’accusation de concurrence déloyale car la fiscalité de la vente directe agricole est nettement plus favorable que celle du commerce. »’ 158 Leur statut les classe dans les réglementations de la vente directe et les normes d’hygiène sont les mêmes que celles en vigueur pour les marchés. Ces points de vente, qui ont chacun leur propre mode de gestion (G.I.E, coopérative, société), partagent un même règlement. Il doit y avoir entre 4 et 15 adhérents par point de vente. Un producteur ne peut réaliser à lui seul 49% du chiffre d’affaire. Tous favorisent l’information aux consommateurs par l’intermédiaire d’un ‘«’ ‘ cahier de transparence’ » dans lequel photos et textes permettent de voir l’élaboration du produit acheté. Des journées ‘«’ ‘ portes ouvertes’ » sont également organisées par les adhérents. Ceux-ci, proches de la Confédération paysanne (avec qui ils partagent la même vision du monde agricole et se retrouvent sur des projets communs) ne commercialisent leurs produits qu’en circuits courts (marchés, P.V.C., restaurants). Certains ont privilégié les P.V.C. pour des raisons de commodité et de confort, d’autres souhaitent conserver leur fidèle clientèle du marché. Le bilan de ces lieux est très positif. Ils ont su trouver une clientèle fidèle et attentive aux conditions de production. Leur succès est la source de leur principal inconvénient puisque, s’agissant de petites exploitations agricoles, les stocks sont limités et les produits suivent les saisons (on ne trouve donc pas tous les produits toute l’année), ce qui les distingue définitivement de la grande distribution. Leur gestion est exigeante et n’est pas toujours aisée à réaliser dans un contexte collectif.

Notes
155.

Par exemple Un dimanche à la campagne à Thurins, Le panier enchanté à Vienne.

156.

L’association nationale n’existe plus faute de trouver quelqu’un à sa tête, mais des réseaux existent dans différentes régions, qui n’ont aucun contact entre eux.

157.

« En direct du terroir », Bima, n° 1476, p.16.

158.

Ibid.