4.2.2. De l’exceptionnel et du festif

Les fêtes et les foires se font plus rares ; elles ont donc un caractère exceptionnel favorisant leur aspect festif. De plus, elles marquaient et marquent encore parfois le rythme de travail annuel en ponctuant le début ou la fin du travail saisonnier ; elles accompagnaient les saisons et les étapes importantes de la vie des hommes, lorsque ceux-ci dépendaient des travaux agricoles. Aujourd’hui, le plus souvent, la tenue des fêtes et des foires tient compte du calendrier ‘«’ ‘ moderne’ » et ont lieu lors des périodes de vacances, périodes qui permettent de rompre avec le quotidien. En effet, ce sont des périodes qui sont largement considérées comme temps de repos, de liberté, d’épanouissement individuel et qui se placent en opposition au temps social contraint. Le public lui-même se trouve dans un état ‘«’ ‘ exceptionnel’ ». Etant en vacances, il a envie de prendre son temps et de se laisser aller à la découverte. Doublement en rupture avec le quotidien, il est ainsi en attente d’extra-ordinaire et placé dans une situation festive qui l’amène à transformer le produit par son regard.

Sur les fêtes et les foires, le produit alimentaire acquiert une nouvelle dimension. Non seulement la fête peut lui être entièrement réservée mais en plus, toute une série d’animations lui sont dédiées telles des consécrations. Le produit est honoré et c’est autour de lui, pour lui, quasiment que l’on fait la fête. Il devient alors exceptionnel, grandi, magnifié.

Une dimension ne peut être négligée, c’est le rapport au temps historique, linéaire. En effet, ces manifestations, qui trouvent leur origine au Moyen-Age, sont souvent présentées comme des survivances d’un lointain passé, une forme d’archaïsme… qui les relie non pas forcément à une histoire locale mais à une histoire globale, nationale. Parmi les manifestations observées, beaucoup sont de création récente. Pourtant, toutes font allusion à un passé, en mettant en scène une époque où le monde agricole était encore dominant. Ainsi, sont sollicités à participer aux festivités les groupes folkloriques, les ‘«’ ‘ anciens’ » qui retracent les moissons d’antan…, quand ce ne sont pas les jeux et les danses traditionnels qui sont réactualisés pour l’occasion. Nous pouvons d’ores et déjà avancer que cette résurgence supposée du passé est d’autant plus affirmée qu’elle permet d’ancrer encore plus le produit agro-alimentaire dans la culture locale, dans les traditions locales.

Nous avons déjà distingué au cours de la description deux types de manifestations annuelles en leur donnant deux appellations distinctes : ‘«’ ‘ foires professionnelles’ » et ‘«’ ‘ fêtes à thème’ ». Si les deux prennent un caractère festif, on saisit nettement une différence au niveau des enjeux, des discours et des objectifs. Pour saisir ces enjeux, il faut cerner qui est à l’origine de la fête et quel type de public est visé. Ici, on distingue deux catégories : les manifestations organisées par les professionnels pour les professionnels (Saint-Christophe-en-Brionnais, Saulieu, les 4 Glorieuses) où ce sera le produit et la filière qui seront valorisés et les manifestations organisées par des confréries ou des comités des fêtes qui utilisent un produit phare pour créer une animation ouverte à tous.

Ainsi, les foires professionnelles ont avant tout un intérêt pour les professionnels de la filière alors que les fêtes s’adressent à un public de non-professionnels. On peut néanmoins remarquer que les fêtes ont souvent partie liée avec des interlocuteurs de la filière (syndicats de professionnels ; techniciens des Chambre d’Agriculture ou de l’I.N.R.A…) et que sur les foires professionnelles viennent se greffer des enjeux touristiques touchant un large public ou demandant la participation conjointe d’un comité des fêtes, des unions commerciales… A Saint-Christophe-en-Brionnais, la fête du pot-au-feu est organisée conjointement par le Comice agricole et par le Comité des fêtes (l’un organise le concours bovin, l’autre la soirée). A Saulieu, les animations folkloriques ou ‘«’ ‘ Grand public’ », comme les dégustations commentées, occupent une place toujours plus importante. De même, pour les 4 Glorieuses, on remarque un intérêt grandissant pour les non-professionnels et des animations sont organisées pour eux : danses folkloriques, visites guidées du marché de Louhans, des Glorieuses, du centre de reproduction de Béchanne, démonstration de cuisine autour du poulet…