5.2.2.1. Chercher la preuve d’une qualité

D’un côté les producteurs transmettent des informations, de l’autre, les consommateurs sont à la recherche de celles-ci. Devançant une demande ou y répondant, nous avons vu que les actions d’information et de communication de la part des producteurs se développent, trouvant un large écho auprès des consommateurs. Chacun sollicite cet échange. De part et d’autre en effet se profile le souhait d’évincer les intermédiaires qui créent une masse opaque entre la production et la consommation. Chacun voit donc son intérêt dans ces échanges qui rendent plus claires les différentes étapes qui conduisent les produits jusqu’à leur consommation.

Nous ne pouvons pas dire que le touriste-consommateur vient sur les manifestations pour avoir des informations et recevoir un apprentissage sur le produit, la manière de le préparer. Cela ne peut être la raison de la venue sur une foire ou un marché. Elle peut expliquer des démarches de prises d’informations auprès d’experts, ou à travers la lecture de magazines, mais on ne va pas sur une fête ou un marché dans cet objectif. Néanmoins, les gens qui viennent pour le produit souhaitent mieux le connaître et la venue sur la foire ou le marché induit un type de comportement qui vise à s’informer. C’est la promenade sur la manifestation, la découverte visuelle du produit et parfois seulement son achat qui favoriseront la prise de renseignements ‘«’ ‘ techniques’ » sur le produit. On notera que les comportements, comme les questionnements des consommateurs seront différents selon le type de produit. Ainsi pour un ail, une brioche… on s’informera sur la conservation, les ingrédients, les conseils d’utilisation, de préparation. Sur la viande bovine en revanche, les consommateurs poseront des questions précises sur les techniques d’élevage et la traçabilité, montrant qu’ils sont déjà informés et qu’ils s’intéressent à ce qu’ils mangent. La crise agro-alimentaire est un sujet particulièrement évoqué sur les foires aux bovins vifs. Les touristes ne viennent pas dans l’objectif d’être rassurés puisqu’ils sont déjà conscients de l’existence de différentes qualités de viande. En effet, nous avons pu remarquer que, sur ces manifestations, les personnes présentes n’étaient pas à convaincre quant à leur choix de consommer de la viande bovine. Dans les environs de Saulieu, nous avons rencontré une touriste qui manifesta, dans un premier temps, un intérêt pour le concours, dans l’objectif d’occuper son jeune fils qui ‘«’ ‘ adore les animaux’ ». Dans un second temps, en apprenant plus sur la manifestation, elle marqua un profond dégoût et expliqua qu’en tant que végétarienne convaincue, il était hors de question de montrer un tel spectacle à un enfant et de lui apprendre que la vache qu’il caresse sera bientôt transformée en beefsteak. Les personnes qui viennent sur ces manifestations ne traduisent pas un rejet total pour un ensemble d’aliments. Bien au contraire, ils distinguent des catégories (bonnes/mauvaises) et traduisent une volonté de se réapproprier la consommation. Leur souhait est d’obtenir une meilleure compréhension du produit qu’ils achètent et mangent. Savoir ce que l’on mange devient une réelle préoccupation. J.-P. Poulain souligne néanmoins que trop d’informations engendre l’effet inverse à celui recherché, qui est de rassurer et d’être rassuré. ‘«’ ‘ Celle-ci [l’information au consommateur] les rassure car elle donne des critères de choix, de sélection et d’orientation dans l’offre alimentaire, mais, dans le même temps, leur fait prendre la mesure de nouvelles zones inconnues qui deviennent des sources d’inquiétudes.’ ‘ 197 ’ » De plus, un discours qui joue la transparence se trouverait ainsi amplifié. ‘«’ ‘ Le raisonnement implicite fonctionne sur le mode : "si l’on prend tant de précautions, c’est donc bien que c’est dangereux’ !" 198  » Une sélection du contenu à transmettre ou une transformation de la manière de l’énoncer seraient-elles les bienvenues ?

Les consommateurs offrent néanmoins une bonne réception aux démarches d’information. Dans le cadre de ces manifestations, c’est l’aspect ludique qui est privilégié, en particulier sur les fêtes où ne s’exprime pas d’inquiétude, comme sur les marchés aux bovins vifs. Tout en proposant une animation au touriste, on sensibilise le consommateur. Les enjeux ne sont pas les mêmes pour les producteurs et les consommateurs, et pourtant chacun se montre satisfait de l’échange, comme réponse à ses attentes. On voit d’ailleurs se développer un attention portée aux touristes-consommateurs dans la mesure où ils participent à la valorisation des produits et des lieux.

Notes
197.

J.-P.Poulain : Sociologies de l’alimentation, 2002, p.80.

198.

Ibid., p.79.