5.3.2. Un retour aux sources

Quelques individus présentent un lien étroit au lieu et au produit, qui s’exprime par un sentiment de nostalgie. Les personnes issues du milieu rural mais qui n’y vivent plus interprètent leur venue, à l’occasion de fêtes de famille ou lors de vacances, comme un retour aux sources.

Ils se revoient, enfants, avec leurs parents. Souvent, ils le montrent à leurs propres enfants, et ce d’autant plus que là où ils habitent il n’existe pas de tel marché, en particulier lorsque sont présentés des animaux. A Louhans, un homme parti en Belgique s’attache à expliquer le marché à son fils car, ‘«’ ‘ des marchés comme ça, yen a très peu (…). En Belgique, y a pas de marché comme ça. »’ Le marché prend de l’importance pour eux parce qu’il leur semble rare, parce qu’il leur paraît être au cœur de la vie locale et aussi parce qu’il conserve leur origine. Les foires et les fêtes annuelles, même récentes permettent également d’expérimenter ces notions car ce n’est pas seulement une manifestation donnée qu’ils viennent retrouver, mais aussi ce qu’elle peut évoquer de leur lieu d’origine. Ainsi, on se rappellera avoir donné un coup de main, enfant pour rentrer le bétail ou pour lui donner à manger. On se souviendra d’images, d’odeurs marquantes qui évoqueront des souvenirs du passé. On y replongera en exhalant les arômes qui montent des étaux ou en retrouvant le goût des aliments, des pognes par exemple. C’est aussi parce qu’ils retrouvent des produits dont ils connaissent l’importance dans l’économie et la vie locale. Ce à quoi les individus semblent attacher le plus d’importance, c’est de retrouver « l’esprit » du lieu, les éléments qui tendent à le représenter. C’est aussi partager et retrouver la convivialité de la communauté. Ces personnes veulent ainsi transmettre des émotions qu’ils ont ressenties, inculquer des valeurs, présenter une part de leur enfance et une part d’eux-mêmes. Bien qu’ils connaissent la foire ou le marché, la vision qu’ils en ont est déformée par la nostalgie de leur enfance et d’un mode de vie qu’ils ont idéalisé. On vient donc retrouver une part de soi, de son histoire personnelle, et de l’histoire de sa généalogie, car souvent le produit exposé était élevé ou cultivé par les parents, les grands-parents. Peut-être le marché est-il une forme de transmission des valeurs acquises ? Même s’il ne fait plus partie du quotidien des jeunes générations, celles-ci ont l’impression de découvrir une partie de la vie des générations précédentes et d’y participer un peu. Le faire découvrir à son conjoint où à ses enfants devient aussi un moyen de transmission d’une culture non pour la mettre en acte, mais pour la faire connaître. Le marché fait donc un peu partie de l’histoire de leur famille et de leurs origines.

Ces individus semblent accepter moins facilement les compromis nécessités par la modernisation. En effet, c’est une image conforme à leurs souvenirs qui doit apparaître devant eux. Les changements seront ainsi évalués comme simplement ‘«’ ‘ dommages’ » ou comme ‘«’ ‘ dénaturants’ ». On remarquera par ailleurs que les personnes hors de leur culture d’origine, sont les premières à vouloir la conserver, à travers des pratiques traditionnelles (croyances, contes, mets...). Les personnes souhaitent ainsi garder un lien avec leurs origines, le lieu dont ils sont issus. Les fêtes, les foires et les marchés participent à cette démarche où l’on se retrouve momentanément plongé dans une culture dont on se dit relever mais à laquelle on n’appartient plus vraiment.