5.3.3.1. Visiter une région

En donnant une explication à leur venue, les touristes évoquent plus ou moins implicitement la raison d’une visite de la région. Nous avons vu plus haut comment, en consommant un produit, les visiteurs imaginaient aussi s’imprégner des vertus du lieu. En venant découvrir un produit de terroir lié au lieu et en s’imprégnant d’une ambiance particulière, c’est la spécificité d’un lieu voire son identité qu’ils signalent et dont ils cherchent la trace. L’ambiance dans laquelle ils se plongent semble d’autant plus conviviale qu’il leur semble assister à une animation purement locale. Certains diront : ‘«’ ‘ Les gens, ici, ils sont sympas’ ». Ils verront les populations locales échanger de manière conviviale ce qui, d’une caractéristique propre aux fêtes, aux foires et aux marchés (mais pas seulement), deviendra une caractéristique propre aux locaux. Ils se rendront ainsi sur le marché pour découvrir et se donner l’impression de participer momentanément à un tableau vivant de la vie rurale. Les fêtes, les foires et les marchés, qui sont des lieux de réunion d’une communauté, deviennent aussi des lieux où une autre partie de la population – urbaine, celle-ci – vient observer la première.

Ainsi, les fêtes, les foires et les marchés qui font sens pour les populations locales deviennent des lieux symboliques pour les touristes. On va visiter ces places marchandes comme on pourrait visiter les salles d’un écomusée. Cependant, elles se présentent comme étant encore vivantes ; elles ne présentent pas des objets ‘«’ ‘ morts’ » derrière des vitrines ; on en ressent la force et la vitalité. La population anime ces lieux, conserve leur utilité et leur raison d’être. Par ailleurs, l’aspect typique est parfois renforcé volontairement par des effets de mise en scène. Les produits en premier sont présentés comme étant ‘«’ ‘ du coin’ » et les étiquettes font ‘«’ ‘ couleur locale »’ ‘ 228 ’ ‘.’ Quelques producteurs-exposants portent le costume typique du lieu ou de leur profession. Sur les marchés aux bovins la tenue des marchands de bestiaux semble pittoresque aux touristes, mais elle n’en a pas moins un usage pratique. Par contre certains n’adoptent le costume que pour l’image. Le plus souvent, il ne s’agira que d’un chapeau, parfois d’une blouse ou de sabots. A Saint-Aubin, le règlement de la fête préconisera le costume agenais. Sur ce site, on enregistre une esthétisation des éléments de la fête qui, en mettant en valeur des éléments ‘«’ ‘ typiques’ », tentera d’élaborer une image des marchés d’autrefois. A Saint-Aubin comme à Espelette, on notera d’ailleurs une volonté de produire une représentation identitaire à travers la fête. Nous développerons cette idée plus loin, mais nous pouvons déjà observer que de manière générale, les fêtes et les foires de création récente façonnent une image ‘«’ ‘ typique »’ en valorisant les notions de ‘«’ ‘ tradition’ », de ‘«’ ‘ terroir’ » et de ‘«’ ‘ région’ ».

Notes
228.

Cf. Annexe XIII.