5.3.4.1. Une esthétisation du monde rural

Les touristes sont très sensibles à la mise en scène des produits, à leur théâtralisation, que ce soit leur esthétisation par une présentation soignée (tresses d’ail…) ou la folklorisation de la fête. Quelles que soient les polémiques qui agitent les milieux scientifiques, il faut bien reconnaître que le public – les touristes comme la population locale – est très réceptif aux mises en scènes folkloriques : costumes à Saint-Aubin, danses à Romans, scène de fenaison à Saulieu. Quelques-uns déplorent ces aspects passéistes, comme ce retraité agricole rencontré à Saulieu qui nous fait remarquer à propos de la reconstitution des fenaisons : ‘«’ ‘ C’est du folklore pour Parisiens »’, en insistant sur le côté reconstruit et inauthentique de la scène, avant de commenter chaque étape en se rappelant les gestes qu’il a pratiqués. La seule différence qu’il constatera réellement c’est : ‘«’ ‘ nous, y avait des bouteilles et des casse-croûtes au bout des rangs ’». Un imaginaire du traditionnel et du rural est mis en scène par les organisateurs ou les producteurs eux-mêmes dans le but avoué de séduire le public, de faire une belle fête ou de créer une animation. Celle-ci ne se limite pas au folklore local puisqu’à Saulieu un groupe flamenco proposait, en 2000, des danses. En 2001, le Québec fut l’invité d’honneur de la manifestation. A cette occasion, Fabienne Thibeault a chanté ‘«’ ‘ La Charoline »’ ‘ 232 ’ ‘.’

Avant d’être ‘«’ ‘ exportables’ », les fêtes, les foires et les marchés sont à consommer sur place. Si on peut emporter ou se procurer un produit de terroir précis n’importe où en France, une foire ou un marché reste unique et n’a d’existence que compris dans un environnement social, culturel et économique. Chaque fête, foire ou marché évoque une activité économique, une histoire et une vie locale.

Une esthétique est recherchée pour proposer une ‘«’ ‘ belle fête’ » ou un ‘«’ ‘ beau marché’ ». Au sein de ces mises en scène, on observe une démarche particulière qui consiste à construire une image du rural, du traditionnel et du régional. Il s’agit de mettre en scène une certaine idée esthétique. C. Delfosse a montré, à travers l’exemple de la création d’une cuisine picarde, comment une fête participe à lui donner une profondeur historique et une valeur culturelle en construisant ainsi une identité. Les fêtes de création récente apportent ainsi de la valeur symbolique aux productions en création, ou en cours de relance. On observe que l’origine des fêtes étudiées est concomitante à une demande de labellisation du produit dont elles font la promotion. Il s’agit alors tout à la fois de créer une animation locale qui puisse être appropriée par les populations et de valoriser une production qui, par ailleurs, cherche un nouveau souffle économique. La mise en scène esthétique du produit et de la culture locale est susceptible de répondre à ces deux exigences tout en construisant une image identitaire saisissable de l’extérieur.

Si de manière générale, tous les sites visités contiennent de telles démarches, deux sont dans l’exacerbation identitaire. Saint-Aubin et Espelette ne s’arrêtent pas à la production de quelques éléments, tels une scène de fenaison ou un spectacle de danses, elles s’inscrivent dans une reproduction totale des marchés qui constituent les traditions locales. Néanmoins ces deux villes répondent à deux optiques opposées puisque l’une est tournée vers une ouverture sur l’extérieur alors que l’autre marque un retour sur soi.

Notes
232.

Fabienne Thibeault, chanteuse québécoise, encourage depuis quelques années l’organisation de fêtes à thème et participe souvent aux comices agricoles nationaux, départementaux et cantonaux. Investie aux côtés du monde agricole, elle vient de créer une comédie musicale « agriculturelle » dont le personnage central est une vache charolaise : « la charoline ».