6.2.2. Une rencontre délimitée à des lieux précis

La rencontre entre les deux mondes est de plus en plus médiatisée, par le texte, comme l’observe M. Augé 268  (dépliants touristiques) et par des ‘«’ ‘ médiateurs’ » (guides accompagnateurs). Cette médiatisation se retrouve aussi souvent sous la forme d’une publicisation de notions et d’idéologies associées au rural. Images, slogans, exposent un certain art de vivre que reflètent les traditions, les paysages, les particularités ‘«’ ‘ à voir’ ». C’est une certaine idée d’une région qui est valorisée à travers la mise en scène de quelques éléments choisis non pour leur représentativité mais pour leur capacité à évoquer telle région, et à l’identifier selon l’angle choisi. Des images significatives sont développées, comme par exemple : ‘«’ ‘ Espelette, le village basque au goût piment’ », ‘«’ ‘ Corrèze, pays nature’ », ‘«’ ‘ Aveyron, retrouvez la sérénité’ », ‘«’ ‘ la Drôme, vivre et se sentir vivre’ », ‘«’ ‘ Romans, une histoire à vivre »,’ ‘«’ ‘ la vraie vie est ici’ » (devise du Conseil général de Saône-et-Loire pour caractériser ce département et en faire sa promotion). Les slogans, associés à des représentations visuelles (photographies), esthétisées, combinent des images relatives à un certain mode de vie, naturel, harmonieux… On assiste aujourd’hui à l’explosion de discours et de processus de valorisation des sites en brandissant des symboles représentatifs de la région, qui frappent l’imaginaire. On parle ainsi souvent ‘«’ ‘ d’image de marque’ » pour des produits mais aussi pour des sites, des villes et des régions. Tout transite aujourd’hui par des mises en scène, des mises en exposition, des mises en valeur des sites, à partir de quelques symboles qui peuvent toucher le sens commun. Le lieu n’est plus traversé de pratiques qui expriment l’inscription dans un espace d’appartenance, mais par des pratiques d’expérimentation de l’espace. On peut parler d’une véritable consommation des lieux. On pioche par-ci par-là dans ce que l’espace peut nous apporter. Un jour une randonnée, le lendemain la visite d’un lieu patrimonial historique ou culturel, ensuite la visite d’une exploitation, la découverte d’une ville de ‘«’ ‘ caractère’ », une route à thème (route des vins, ‘«’ ‘ route de la lavande’ », ‘«’ ‘ route du comté’ »…), la participation à une fête locale… L’espace est instrumentalisé pour répondre aux attentes touristiques. L’élaboration de produits touristiques à vocation culturelle – à laquelle participent les produits de terroir – s’intègre dans des projets de développement local.

Si développement local et développement touristique ne sont pas identiques (à commencer par le public visé qui n’est pas le même), ils peuvent être complémentaires puisque, tous deux participent à construire l’image d’un territoire en valorisant ses atouts et en créant des actions qui le transforment. Nous développerons au cours de la prochaine partie comment les fêtes, les foires et les marchés en tant que médiateurs entre le monde agricole et les touristes-citadins et en tant que lieux de rassemblement d’une population locale à qui ils permettent de resserrer les liens sociaux et de retrouver une identité collective, sont sollicités pour devenir acteurs du développement local et du développement touristique. Ils agissent comme vecteurs opérant dans la conciliation populaire et dans la construction d’une image de marque valorisée et valorisante pour l’ensemble du site – la ville, la région.

Notes
268.

AUGÉ M. : Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, 1992.