2.3.1. Les objectifs motivant la création des manifestations

Si l’on excepte les marchés hebdomadaires, deux raisons principales ont favorisé la création des manifestations : la valorisation d’un produit (Quatre Glorieuses, Saulieu), et l’animation d’un lieu, auquel cas le produit n’était qu’un prétexte – opportun – pour donner un thème à la fête. Dans le premier cas le milieu professionnel est non seulement très présent au cours de la manifestation, mais il est au centre de l’animation qui est l’exposition de la filière. Dans le second cas, les professionnels sont présents mais ils sont invités par les organisateurs. Parfois peu convaincus au départ, ils saisissent après quelque temps l’intérêt commercial à venir et, souvent, la fête va accompagner les démarches de labellisation (en particulier à Billom et à Espelette) en favorisant la reconnaissance du produit et son expérimentation (concours et dégustations).

Dans un cas la manifestation est faite en pensant aux professionnels, dans l’autre, elle a été pensée pour le public ; les professionnels n’y étaient qu’‘»’ ‘ accessoires’ » mais ils ont su la transformer en un outil de reconnaissance, de communication et de réappropriation de leur production et de la commercialisation de leurs produits, comme nous l’avons vu au cours de la deuxième partie.

Le marché, la foire ou la fête n’ont pas que des retombées directes au moment de la manifestation et l’organisateur n’est pas le seul à en bénéficier ou à en faire le bilan, d’autant plus qu’autour de l’organisateur principal participent différents autres groupes (de commerçants, de producteurs, etc.). Aussi, aux objectifs premiers, viennent s’en greffer de nouveaux, répondant aux attentes de chacun. Les partenaires financiers comme la municipalité, le département ou la région ont ainsi leur droit de regard sur ce qui se fait ou non. Les bénévoles issus des populations locales sont également fortement impliqués, en particulier à Saulieu (organisation de la manifestation, préparation et distribution des repas…), à Saint-Christophe-en-Brionnais (lors de la soirée pot-au-feu : organisation de la manifestation, préparation et distribution du repas) et à Saint-Aubin (organisation et confection des guirlandes de fleurs). L’appropriation de la manifestation par les populations locales, qui s’impliquent dans l’organisation, leur permet de contrôler l’image qui est donnée de leur territoire et de leur identité collective.

Dans l’identification des rôles et enjeux de ces manifestations, l’origine, l’organisateur et ses attentes apportent de précieux renseignements. Pourtant, on ne saurait se contenter de ne tenir compte que des résultats qu’en retirent les organisateurs. En effet la manifestation ne se déroule pas en lieu clos, hermétique à tout lien social, symbolique ou culturel. Trois entités sont particulièrement concernées par ces manifestations publiques : les professionnels appartenant à la filière, les populations locales et la ville – en tant que lieu physique et que groupe politique. A travers les fêtes, les foires et les marchés, les liens entre ces trois entités sont renégociés. Les places marchandes permettent de réactualiser les liens internes à chaque entité (resserrer le lien social et l’appartenance à un groupe professionnel) et de resserrer les liens entre chacune (en affirmant une appartenance au ‘«’ ‘ local’ »). Inversement, ce sont ces trois entités qui font vivre les fêtes, les foires et les marchés et leur donnent leur caractère et leur personnalité. L’intérêt que peut avoir la place marchande dépasse donc celui que peuvent en espérer les organisateurs. Du moins chacun peut y percevoir son propre intérêt et le valoriser pour qu’il lui profite encore plus. A travers les fêtes, les foires et les marchés, c’est l’ensemble d’une région qui est concernée. Ils favorisent l’ensemble des activités économiques, valorisent l’image d’un territoire et participent à reconstituer un lien social et une identité collective par l’appropriation de la manifestation.