2.3.2.1. Une fête réussie

  • Les critères cités

Remarquons d’abord que nous ne pouvons ici donner de recettes ou d’astuces pour qu’une manifestation soit réussie. La ‘«’ ‘ réussite’ » de la manifestation dépend de nombreux facteurs non renouvelables d’un endroit à l’autre et qui sont fonction de la population, de la municipalité (de ses priorités, du budget consacré…) et de la structure porteuse (de sa nature et de ses objectifs ou de sa vigilance à faire respecter un règlement). On soulignera qu’elle repose aussi sur un mélange plus ou moins secret et plus ou moins contrôlable qui donnera une ambiance sympathique et conviviale. Néanmoins, c’est aux organisateurs que reviendra la tâche de favoriser cette ambiance par les exposants qu’ils choisissent, les animations qu’ils proposent et, comme cela est souvent évoqué, la manière de créer la ‘«’ ‘ foire’ » par un éclectisme, un aspect hétéroclite et un ‘«’ ‘ bazar »’ savamment dosé et contrôlé. De plus, manifestations de plein air pour la plupart (le concours de Saulieu se déroule sous une halle et les concours de Bresse ont droit de cité dans des lieux couverts, salles des fêtes ou autres), une variable non maîtrisable angoisse les organisateurs jusqu’au dernier moment : la météo. Même si elles ont lieu en été, les organisateurs ne sont pas à l’abri d’une averse, rendant déserte la manifestation. Un organisateur remarque que le choix pour un produit alimentaire comme objet fêté est plutôt judicieux car ‘«’ ‘ dès qu’il y a d’la bouffe, c’est bien ’», ça attire du monde.

Plusieurs critères sont pris en considération pour tester la réussite de la manifestation : le nombre de visiteurs, le nombre d’exposants, le chiffre d’affaires réalisé par les commerçants ou l’équilibre du budget des organisateurs, la reconnaissance de la fête par des personnes extérieures et sa notoriété.

  • La reconnaissance publique ou la qualité des animaux

Les priorités ne sont pas les mêmes partout, aussi la réussite de la manifestation n’est pas mesurée à l’aide de critères identiques. Les fêtes à thème doivent d’abord satisfaire le public alors que les concours sont jugés sur la qualité des bêtes exposées.

A Saint-Aubin, les organisateurs ne souhaitent rien changer à leur fête car elle plaît aux visiteurs. Ce qui leur convient et ce qui, d’après eux, attire les visiteurs, c’est la diversité des produits régionaux et la décoration originale du village qu’ils souhaitent changer tous les ans pour rester attractifs. Ils jugent aussi de sa réussite par la reconnaissance qu’elle acquiert auprès du public mais aussi auprès des élus locaux comme si le fait qu’ils soient présents attestait de la valeur de leur fête. On se plaît ainsi à annoncer qu’on dénombre 6000 visiteurs sur la fête. Les organisateurs ne souhaitent pas la développer car Saint-Aubin n’aurait pas les capacités pour accueillir plus d’exposants ou plus de visiteurs.

A Espelette, les organisateurs estiment également que la fête est réussie car elle touche tout le monde (de tous âges et de toutes catégories sociales), satisfaisant l’idée qu’ils se font d’une fête traditionnelle basque. ‘«’ ‘ Tout le monde joue le jeu’ », c’est-à-dire que tout le monde est acteur de la fête. ‘«’ ‘ Elle n’est pas un folklore pour touristes’ ». Elle est aussi une réussite car elle participe à la notoriété d’Espelette et du piment qu’on lui a associé. On se félicite également des retombées économiques qu’elle a eues. Ces retombées, non envisagées au départ, apportent les remerciements des commerçants, restaurateurs et hôteliers sur une dizaine de kilomètres à la ronde (certains commerçants – exemple d’un restaurateur – font en un jour le chiffre d’affaires d’un an). Même s’ils reconnaissent s’être améliorés avec le temps, donc avec l’expérience, et avoir conquis un large public, les organisateurs ne souhaitent pas s’ouvrir plus au tourisme et préfèrent conserver une certaine qualité, considérant que ‘«’ ‘ le succès risque de nous étouffer »’. De plus, le village n’a pas la capacité d’accueillir plus de monde et tous les hébergements sont complets dans tous les environs proches.

A Romans, organisateurs et mairie se félicitent qu’elle soit devenue une grande fête populaire, simple, sympathique, proposant diverses animations, et qu’elle soit très attendue par les populations locales. On ne souhaite rien changer puisque tout va pour le mieux, qu’elle amène environ 10 000 personnes dans la journée et qu’elle plaît à presque tout le monde, visiteurs et commerçants locaux.

Dans le cas des foires professionnelles, les notions de réussite ou d’échec ne sont pas prioritairement dépendantes du lien aux visiteurs. Les sentiments de satisfaction ou de déception reposent sur le nombre de bêtes présentées et leur qualité. On souligne que, cette année, le nombre de bêtes a augmenté et qu’elles sont vraiment exceptionnelles. Sur ces concours, la qualité de ces bêtes hors du commun n’est jamais remise en cause. A Saulieu on nous fait remarquer : ‘«’ ‘ cette année, c’est un bon millésime’ ». ‘«’ ‘ Enfin, tous les ans, on dit que c’est un bon millésime, mais cette année c’est vraiment un bon… Au niveau de la qualité des bovins présentés, et de la satisfaction aussi bien des exposants que des acheteurs’ . »

Au sein des Quatre Glorieuses, on relève que les savoir-faire sont comparés entre l’Ain et la Saône-et-Loire puisqu’est demandé aux éleveurs de Louhans d’égaler voire de surpasser leurs confrères de l’Ain. A Saulieu on nous rappelle que le concours doit défendre une image de qualité, c’est pourquoi il doit être ‘«’ ‘ propre’ ». Ainsi à la grande satisfaction des éleveurs – qui peuvent prouver qu’ils font du bon travail et qu’ils n’ont rien à se reprocher – les bêtes sont contrôlées par la DSV 288 (des tests d’urine et de poils sur un échantillonnage).

Les organisateurs se montrent donc satisfaits. Les populations présentes sur la place marchande sont ravies de l’animation. C’est aux marges de la manifestation que nous rencontrerons les failles. Un commerçant, un éleveur, un producteur témoigneront ainsi s’être retirés de l’organisation car ils ne se retrouvaient pas dans l’idée de la fête. Ils estiment en particulier que la qualité de certains produits est insuffisante et ne souhaitent pas y associer leur travail. A Saulieu, un commerçant déplore l’éloignement de la manifestation, nuisant à l’animation du centre ville. Ces reproches sont, d’après les organisateurs, le fait de dissidents qui n’ont pas su travailler en groupe et qui sont des ‘«’ ‘ fortes têtes’ ». Au sein même des manifestations, on enregistre quelques critiques. Pour l’essentiel, elles émanent de commerçants non-sédentaires qui constatent que les chalands achètent de moins en moins. Les organisateurs relèvent néanmoins quelques points faibles, en formulant les objectifs à atteindre.

Notes
288.

DSV = direction des services vétérinaires.