2.4. Une fête pour soi ou pour les autres

Les fêtes, les foires et les marchés trouvent leur intérêt dans l’échange (économique, social ou symbolique). Il se réalise un dialogue entre différents groupes d’individus. La question du public visé est primordiale pour comprendre l’enjeu de la manifestation et le contenu des animations ou des mises en scène.

Les marchés hebdomadaires s’adressent à une population locale. Par contre, nous avons souligné qu’ils peuvent servir dans la construction d’une image de marque. Les concours professionnels touchent les populations locales et même souvent seulement une partie, celle qui est concernée par la filière au niveau de la production, de la commercialisation ou de l’encadrement technique et scientifique. En Bresse, comme à Saulieu ou à Saint-Christophe-en-Brionnais, on rencontre en majorité des professionnels éleveurs qui sont connaisseurs mais qui ne possèdent pas de telles bêtes parce qu’ils jugent qu’ils n’en ont pas les capacités ou la patience. On rencontre également des éleveurs retraités qui retrouvent là toute leur vie passée et qui viennent pour se faire plaisir ou pour aider un parent, des négociants, des bouchers ou des restaurateurs. Ces professionnels viennent de l’ensemble du département concerné voire des départements voisins. Depuis quelques années, les Quatre Glorieuses et plus encore le Comice agricole de Saulieu cherchent à s’ouvrir au grand public, compris dans la catégorie ‘«’ ‘ touriste’ », en tant qu’il est aussi consommateur.

Il est intéressant de remarquer que, lorsque nous parlions de ‘«’ ‘ public’ » dans ces lieux-là, les interlocuteurs entendaient les ‘«’ ‘ professionnels’ ». Ce qui est désigné par eux comme « grand public », ce sont les ‘«’ ‘ personnes’ », les ‘«’ ‘ consommateurs’ », les ‘«’ ‘ vacanciers’ ». C’est ce grand public que l’on cherche aujourd’hui à attirer par la mise en place de diverses animations. C’est aussi pour lui que l’on souhaite offrir une belle image. D’abord pour le faire venir. Ensuite pour qu’il garde un bon souvenir de son passage et qu’il revienne ou recommande le lieu. On cherche à faire venir ces personnes parce que la foire est un moyen de valoriser le produit, de le faire entrer dans les habitudes de consommation et parce que c’est aussi une ‘«’ ‘ promotion de l’élevage, de l’agriculteur au travers de ses animaux. (…) C’est la promotion d’un secteur professionnel’ ». De plus, cela permet de faire la promotion de la région, nous informe-t-on à Saulieu.

A Espelette où l’on valorise l’esprit des fêtes traditionnelles basques où on privilégie l’entre soi, on ne cherche pas à attirer les touristes. Par contre, toute personne souhaitant ‘«’ ‘ faire la fête »’ est la bienvenue. Nous verrons que cette fête a bénéficié d’une grosse couverture médiatique qui a fait augmenter le volume des visiteurs en quantité toutefois acceptable. Le président de la confrérie regrette pourtant la venue en masse, en voyage organisé, des personnes du 3e âge pour la cérémonie : ‘«’ ‘ comme les gens vieux sont toujours à l’heure, ils arrivent tellement tôt qu’ils ont déjà réquisitionné la moitié de l’église. Donc ils dénaturent complètement la messe puisqu’elle perd son caractère original, c’est-à-dire des beaux chants cantiques basques ’». Malgré tout, il se félicite qu’il n’y ait pas trop de touristes. ‘«’ ‘ Il n’y a plus de spectateurs (…) On se vend moins, on fait moins la respectueuse, là. On est nous-mêmes pour nous mêmes. Ce n’est plus le tourisme, le folklore à offrir (…). C’est de l’action entre nous. C’est pas de l’exclusif ni de l’égoïsme. C’est un moment où on se retrouve davantage entre nous après le rush de l’été. »’ Les personnes présentes sont des locaux. Si, avant, elles étaient des proches environs, du pays Basque (Bayonne, Biarritz), elles viennent aujourd’hui de tout le Sud-Ouest, de l’Aquitaine. ‘«’ ‘ Mais j’aimerai que ça en reste là’ » avoue le président de la Confrérie.

A Romans comme à Billom, on cherche à animer la ville pour les populations locales, pour donner une image dynamique et pour drainer du monde de tous les environs. Ces fêtes voient arriver leur public des départements limitrophes. D’autres, en moindre quantité, sont venus, de beaucoup plus loin, ‘«’ ‘ par hasard’ » ou en visite chez de la famille ou des amis. A Romans tout le monde est convié à participer à cette fête populaire. L’un cherche à créer une animation et à proposer une image dynamique et conviviale de la ville. L’autre cherche en plus à valoriser les produits régionaux de l’Auvergne, et à en faire la promotion touristique.

A Saint-Aubin où la fête vise à valoriser le pruneau, il s’agit de toucher des personnes extérieures n’ayant pas accès au produit. La fête reste avant tout régionale puisqu’elle a lieu à une période peu touristique, respectant plutôt la saisonnalité du produit. Le département Lot-et-Garonne cherche à encourager le tourisme et Saint-Aubin qui se vide peu à peu – bien que des nouveaux résidents rachètent les fermes –, aimerait trouver de nouvelles ressources à travers le tourisme. Ce qui apparaît surtout est que Saint-Aubin organise une fête régionale où sont valorisés les produits régionaux.

Certains souhaitent freiner les arrivées des visiteurs et d’autres subissent des contraintes extérieures. En effet, le nombre de visiteurs peut être limité pour des raisons de sécurité ou pour des problèmes de capacité d’accueil. A Saulieu et Saint-Christophe-en-Brionnais, l’arrivée en masse des touristes fait craindre quelques accidents, ce qui bien heureusement ne s’est jamais produit. Les organisateurs observent que les visiteurs se postent devant le déchargement des bovins, curieux du spectacle mais non conscients qu’une bête de cet acabit, lâchée dans les allées, peut s’emporter à tout moment en créant de sérieux dégâts. Là où on organise des fêtes annuelles, on observe un intérêt particulier pour le développement touristique, mais les villes déplorent leur manque d’équipements. On soulignera la taille du village qui ne permet pas d’accueillir plus de voitures – et encore moins de cars –, de visiteurs ou de commerçants. Se pose aussi le problème de l’hébergement, évoqué plus particulièrement à Saint-Aubin et à Espelette. A Saint-Aubin, on ne compte que quelques chambres d’hôtes et un gîte d’étape, le camping ayant dû rapidement fermer pour cause de non mise aux normes, ce qui n’a pas été jugé nécessaire étant donné son manque de fréquentation. A Espelette, tous les hôtels des villages environnants sont déjà complets au moment de la fête. A Billom, on déplore également l’absence de restaurant digne de ce nom. ‘«’ ‘ On a une crêperie dans le quartier médiéval, on a… Je pense qu’y a des gens qui recherchent un restaurant plus traditionnel (…) On a réellement besoin d’un cuistot (…) et qu’il puisse trouver une spécialité à l’ail ou une préparation qui inclut de l’ail, ça serait bien, pour les touristes… Qu’on puisse leur recommander une adresse. » ’A Billom, on souhaite que se crée un lieu gastronomique pouvant mettre en valeur l’ail.