3.2.1. Les fêtes, les foires et les marchés, éléments d’un tourisme gastronomique

Dès 1990, parallèlement à la réalisation de l’inventaire du patrimoine culinaire de la France, la Direction du tourisme demande au C.N.A.C. d’encourager le tourisme gastronomique en milieu rural. Cette commande s’appuie largement sur l’inventaire du patrimoine culinaire dont elle est en quelque sorte la mise en tourisme. Cette mise en valeur touristique s’est étendue à la réalisation de circuits du goût comme par exemple : ‘«’ ‘ l’itinéraire gourmand en Pays de la Loire »’ ou le circuit commandé par l’association de la Vallée de la Gravona en Corse. Ces circuits s’appuient sur une association de différents acteurs participant à la production, à la valorisation (restaurants) ou à l’exposition des productions locales (marchés, boutiques). La sélection et la désignation de sites remarquables du goût s’insèrera pleinement dans ce programme liant tourisme et gastronomie « de terroir ». On assiste ici à la mise en valeur touristique du patrimoine culinaire de la France.

Depuis quelques temps, on entend parler de ‘«’ ‘ tourisme gastronomique’ ». Il s’agit d’un tourisme qui, d’après la dénomination, est voué à la recherche, à la découverte d’une gastronomie, c’est-à-dire des règles du bien-manger. Le plus souvent, il s’agit d’aller découvrir sur place les produits propres à une région. Quelle que soit la raison du déplacement, y compris lors des voyages d’affaires, on se dit qu’il serait dommage de ne pas y goûter les produits et les plats locaux. Les consommateurs éloignés des lieux de production, de plus en plus attentifs à la qualité de leur consommation, profitent de leurs temps de loisir pour s’en rapprocher. En Alsace, on mangera une choucroute, en Bresse, une volaille à la crème…

Pourtant, peut-on vraiment parler de tourisme gastronomique ? En effet, rares sont ceux qui se déplacent uniquement pour la gastronomie. Ce type de déplacement s’intègre plus généralement dans un tourisme culturel, en plein essor, qui s’exprime par la découverte et la compréhension de sa culture ou de celle des autres. Sarlat, par exemple, ‘«’ ‘ capitale du Périgord noir’ », est renommée pour sa gastronomie. Son nom évoque particulièrement le foie gras, les truffes, les magrets de canard… Et l’on y vient pour bien manger ! Le nombre de restaurants, de fermes-auberges… prouve l’intérêt porté à la gastronomie, de même que les visites d’élevages d’oies et les accueils à la ferme qui satisfont la curiosité des visiteurs. Néanmoins, la gastronomie est-elle le seul motif du déplacement ? En fait, nous pouvons dire que même là où l’image de la gastronomie est très forte, comme à Sarlat, le critère de la gastronomie prend place dans un mode d’appréhension de l’ensemble de la région. Le Périgord noir offre ainsi une multitude d’intérêts touristiques que ce soit sur les plans architecturaux, historiques voire archéologiques. Dans ce cas précis, l’offre touristique est importante et diversifiée. Les touristes sont nombreux, surtout en été. Saint-Christophe-en-Brionnais, simple zone d’élevage ne pourrait être attractive sans son marché ou son intérêt environnemental. La gastronomie ne peut seule prétendre à créer une force d’attraction. Il faut pouvoir offrir autre chose que ce soit de l’ordre architectural, environnemental ou même évènementiel. Pourtant aujourd’hui, ce genre de tourisme tend à s’organiser et à devenir autonome en proposant ses propres ‘«’ ‘ produits’ ». Nous verrons plus loin qu’un des projets de l’association des S.R.G. est de mettre en place et de développer de véritables produits ou accueils touristiques autour du thème de la gastronomie, de la découverte du goût et des produits. Pour l’heure, quelques sites proposent déjà des circuits de quatre ou cinq jours autour de cette thématique.

Les visites à la ferme, les routes à thème (les routes des vins, par exemple), les fêtes, les foires et les marchés constituent autant d’animations qui peuvent être intégrées à un programme touristique, opérant comme distraction, découverte d’une région, d’un produit et de leur apprentissage. Le patrimoine gastronomique des régions devient un atout pour communiquer sur une région et les fêtes, foires et marchés permettent de valoriser un site particulier, de le rendre attractif, de l’animer. Combiner les deux éléments, c’est construire une identité du lieu qui, dans certains cas, devient produit marketing, image de marque. Différents auteurs (comme V. Patin, M. Thiard, C.O. du Cluzeau, S. Rebillard) observent que l’offre touristique passe nécessairement par l’élaboration d’images qui recourent, le plus souvent, à un imaginaire collectif.

‘« L’image d’une ville, et c’est un lieu commun, n’est pas seulement la belle photo ou le joli dépliant où se déclinent visuellement les images des sites à visiter. Nous parlons ici d’une image (ou d’une représentation mentale), de l’idée que se font les gens, souvent sans y avoir été, de New York, de Brive-la-Gaillarde, ou de Venise. Idée et donc image qui détermine l’acte touristique plus qu’on ne l’imagine. » 295

Dans le domaine touristique, chaque région, ‘«’ ‘ pays’ » ou commune entre en concurrence et doit faire valoir sa spécificité et son originalité. Prenant l’exemple de la marque d’un territoire comme un Parc Naturel Régional, P. Chazaud remarque : ‘«’ ‘ il s’agit donc de doter un territoire d’une personnalité, d’un univers culturel, d’une image, d’une mentalisation, qui lui permettra de se distinguer autrement que par des critères géographiques et climatiques.’ ‘ 296 ’ » Les marques et les labels touristiques procurent une identité à un espace en lui permettant de trouver une spécificité propre, valorisante, qui le distingue des autres. Répondant à cette démarche tout en la suscitant, les producteurs, trouvant là un complément de revenus appréciable, ont ouvert les portes de leurs exploitations pour des visites ou des repas. Ces formules connaissent un réel succès même si depuis l’été 2002 on enregistre une baisse de fréquentation, les consommateurs ayant oublié leurs dernières peurs alimentaires. Toutes les régions ne se sont pas investies de la même façon dans ce phénomène. Certaines proposent un grand choix de visites, d’‘»’ ‘ accueils à la ferme’ » ou de ‘«’ ‘ tables d’hôtes’ » comme en région Alsace, dans le Sarladais ou dans les Alpes. A l’inverse, en Ariège (ou en Corse), il est difficile de trouver une ferme où il est possible d’acheter des produits ou de manger un repas préparé par le producteur. L’Ariège se dépeuple, connaissant l’exode rural, et les bergeries disparaissent car elles ne sont plus assez rentables. La tomme des Pyrénées connaît une certaine notoriété alors que des productions propres à certaines vallées disparaissent silencieusement et que la transhumance diminue, discrètement.

Notes
295.

C.Origet du Cluzeau « tourisme rural, tourisme bavard » in Les Cahiers d’Espace, n°42, 1995, p.21.

296.

P.Chazaud : « Le territoire et la marque face aux enjeux de la destination touristique » in M.Thiard (dir), Marques et labels touristiques, 1998, p.91.