4.1. Des labels touristiques pour construire une image

Les labels s’inscrivent dans le cadre de l’essor de l’industrie touristique. Le temps consacré aux loisirs augmente et les séjours de courte durée et de courte distance sont plus nombreux. Dans un objectif de développement économique, les territoires (villes, ‘«’ ‘ pays’ », régions…) se sont engagés dans des procédures de communication qui reposent sur de l’identification et de la distinction. ‘«’ ‘ La stratégie de labellisation est un moyen de se positionner sur un secteur concurrentiel, en développant des stratégies d’amélioration des conditions de la prestation par la différentiation, afin de s’adapter aux changements environnementaux.’ » 315 Dans le cas qui nous concerne, ce sont des territoires, des communes qu’il s’agit de valoriser pour leur lien reconnu à une production locale.

L’affiliation à des labels est très appréciée des petites villes car elles ont peu de moyens techniques et financiers. C’est pourquoi elles s’investissent souvent dans ces démarches, le label se comprenant comme une aide à leur développement. Cette démarche permet aussi de mettre en commun des biens et des expériences. A partir du label, il leur est possible d’acquérir un poids, une crédibilité qui leur permet d’associer l’appui de partenaires ou de bénéficier de financements au nom de leur association. Cette mise en commun de moyens et de ressources permet à chacun de communiquer.

Au cours de l’étude, nous avons rencontré différents labels d’appel touristique qui parfois se croisaient avec celui des S.R.G.. On observe en effet que des villes combinent plusieurs appellations valorisant leurs atouts. Recoupant une même thématique ou se complétant, le choix ‘«’ ‘ stratégique’ » des labels vise à étendre la mise en valeur touristique et les ‘«’ ‘ produits’ » d’accueil. Un adjoint au maire de Sarlat qui travaille pour un cabinet d’études pour le développement local et qui anime le réseau des ‘«’ ‘ plus beaux détours de France’ » fait observer que les labels sont complémentaires, et qu’ils ont un intérêt dans l’appel touristique. Il signale au passage que, de plus en plus, les touristes veulent voir des choses insolites (par opposition à des bâtiments touristiques traditionnels comme des cathédrales…) et qu’ils sont de plus en plus attirés vers l’intérieur des terres ‘«’ ‘ vers des villes sympathiques, avec un marché…’ » Il observe aussi l’augmentation des demandes de tourisme gastronomique et de tourisme industriel.

Parmi ces labels, certains émanent des instances publiques (ministères), d’autres des villes, d’autres encore des offices de tourisme. Parmi ces labels, il existe deux procédures distinctes selon que le label est demandé, voire créé par le site, ou qu’il est imposé de l’extérieur. Dans le premier cas, l’apposition de la marque distinctive s’inscrit dans une démarche volontaire. Il s’agit de communes qui se réunissent autour de projets communs pour mettre en valeur un type d’atouts. Hormis quelques critères distinctifs, le plus souvent, il suffit seulement de cotiser pour justifier l’appellation. Dans le second cas, le label est octroyé par des instances autorisées (tels les ministères). Prenant l’exemple du label ‘«’ ‘ paysage de reconquête’ », duquel ils rapprochent celui des S.R.G., L. Bérard et Ph. Marchenay précisent que ‘«’ ‘ cette démarche visait avant tout à sensibiliser l’opinion publique, sans trop s’embarrasser de rigueur méthodologique »’ 316 . Les sites sont choisis autour de thématiques à valoriser ou valorisantes. Lorsque le label est créé par les sites eux-mêmes ou par un organisme touristique, l’objectif est de se faire reconnaître, d’avoir plus de poids dans la communication face à des destinations plus prisées ou historiquement plus touristiques. Il s’agit de souligner une spécificité et d’imposer sa marque au public. Citons ceux que nous avons rencontrés le plus fréquemment et qui ont une portée nationale.

  • «  Les villes d’art et d’histoire »

Parmi les S.R.G. qui ont ce label, nous trouvons Menton et Najac. En 1996, l’association comptait 58 villes d’art, 51 villes d’art et d’histoire et 12 pays d’art et d’histoire. Cette association qui regroupe des villes et sites possédant un patrimoine architectural intéressant a pour principale fonction l’aide financière et technique notamment pour l’organisation de circuits de visites et la formation de guides-conférenciers. Depuis 1985 l’association vise aussi une sensibilisation des populations locales. 317

  • «  Les plus beaux Détours de France »

Cette association à laquelle adhère la ville de Louhans est animée par la société de X. L., adjoint au maire de Sarlat – non adhérente. Cette association a été créée en novembre 1998 à l’initiative du maire de Loches (Touraine), M.Descamps, ancien ministre du tourisme dans le gouvernement de Jacques Chirac en 1986. Cette association regroupe 52 villes de 2 000 à 20 000 habitants qui ont la volonté d’animer et de développer leur ville par le tourisme. Ce réseau constitué regroupe des villes qui ne sont pas sur un axe principal de circulation mais qui valent le ‘«’ ‘ détour’ ». Pour obtenir ce label, les villes doivent posséder un intérêt touristique de qualité. Les autres critères retiennent le fait d’être reconnues, d’avoir des monuments inscrits ou classés, de posséder du charme, une ‘«’ ‘ identité’ », de posséder l’ambiance d’un marché ou des lieux festifs, et de proposer un hébergement et un accueil de qualité. Cette association veut offrir un label de qualité touristique. Elle vise essentiellement la communication (édition de cartes routières Michelin…) et envisage une promotion commune avec les ‘«’ ‘ plus beaux villages de France ».’

  • «  Les plus beaux villages de France »

Ce label regroupait 135 sites en 1995. Il concerne les communes rurales de moins de 2 000 habitants choisies pour l’intérêt de leur patrimoine culturel et naturel. Elles doivent posséder un monument historique ou un site classé ou inscrit.

  • «  Terroir et patrimoine »

Ce label, que possède Romans, a été mis en place par la Fédération nationale des offices de tourisme et des syndicats d’initiative. En 1998 elle comptait 23 villes. Il s’agit en fait d’un programme élaboré sur une journée pour découvrir la ville à travers son patrimoine architectural et un repas spécial. Des restaurateurs s’associent à l’opération pour proposer, pour moins de cent francs, un menu (entrée, plat, dessert) à base de produits régionaux.

  • «  Paysage de reconquête »

Ce label a été attribué par exemple aux sites de Guérande, d’Amiens et des Dombes. Il a été accordé par les services du ministère de l’Environnement et par ceux des Chambres d’agriculture. Il devait recenser et labelliser cent sites dans l’objectif de sensibiliser le public à la conservation des paysages. Il concernait des paysages ‘«’ ‘ fondés sur des cultures ou des spécificités locales liées au travail des hommes et à l’histoire des lieux’ » 318 ; il associe produit et paysage. Ce label était assorti d’une prime de 150 000 francs destinés à l’entretien du paysage. Aucune suite n’avait été donnée. Néanmoins on retrouve un certain nombre de ‘«’ ‘ paysage de reconquête’ » parmi les S.R.G. et le ministère de l’environnement semble vouloir relancer l’idée à travers les ‘«’ ‘ paysages remarquables du goût’ ».

Notes
315.

C.Pigeassou, V.Jacquot, G.Bui-Xuan, J.Gleyse : » Les labels dans les services sportifs. Paradoxes et enjeux » in M.Thiard, Marques et labels touristiques, op.cit., p.79.

316.

L. Bérard et Ph. Marchenay : « Les procédures de patrimonialisation du vivant et leurs conséquences » in D.Poulot (dir.), Patrimoine et modernité, 1998, p160.

317.

V. Patin : Tourisme et patrimoine en France et en Europe, 1997, p.67.

318.

L.Bérard et Ph. Marchenay in D.Poulot (dir), Patrimoine et modernité, op.cit., p.160.