4.3. Créer une association pour que le label S.R.G. devienne support d’actions

Le label a été annoncé par ses créateurs un peu comme une récompense : ‘«’ ‘ Vous avez été sélectionnés pour faire partie des cent S.R.G. ’». De fait, tous les représentants des sites rencontrés ou leurs partenaires (restaurateurs…) trouvent qu’il est gratifiant d’être cité dans une liste ne comprenant que cent sites, alors même que peu d’entre eux savent ce que sont les S.R.G.. La rareté (cent) fait la valeur de la citation. Un double sentiment est exprimé. D’une part on observe une certaine fierté d’avoir été choisi. Souvent le label est ressenti comme étant la récompense de leur travail, de leurs efforts pour organiser une belle fête ou de la qualité de leurs concours. D’autre part les interlocuteurs trouvent qu’il est ‘«’ ‘ normal’ » que leur site ait été retenu car, pour eux, leur site est remarquable, original et de qualité gastronomique. Le label serait une reconnaissance de bon droit. Fierté et normalité d’être reconnu pour leur valeur sont deux sentiments qui se côtoient. Cela semble d’autant plus normal pour les sites qui jouissent déjà d’une certaine notoriété ou dont le produit est connu au niveau national : ‘«’ ‘ ce serait dommage de ne pas être S.R.G.’ », voire même cela serait injuste et incompréhensible. Pour ces sites, le label est une affirmation de la qualité de leur travail – de leur produit et de leur manifestation – et une légitimation de la reconnaissance déjà acquise.

Ces sentiments ressortent lorsque nous demandons aux organisateurs qui sont aussi chargés du label au niveau local, d’expliciter pourquoi il est ‘«’ ‘ sympa’ » d’avoir ce label. L’adjectif ‘«’ ‘ sympa »’ qui revient chez tous les représentants des sites souligne que l’annonce de leur sélection ne les gène pas et même qu’au contraire cela leur fait plaisir, mais il traduit aussi le fait que ce n’est pas une grande nouvelle, cela n’apporte pas un grand bouleversement, c’est juste plaisant. Le fait que les ministères pilotent l’opération apporte un caractère sérieux, officiel. Cela donne une plus-value à la reconnaissance. Récompense, honneur, légère indifférence, les plus petits sites voient aussi dans cette démarche l’opportunité de réaliser une communication nationale. En effet, il ne leur a pas échappé la mention d’apparaître dans un ouvrage ‘«’ ‘ répertoriant une centaine de sites remarquables en France, choisis autour de la gastronomie’ 324  ».

A l’origine, le recensement des sites ne devait aboutir qu’à l’obtention d’un label et à l’édition d’un ouvrage 325 . Le courrier accompagnant le questionnaire de sélection donne pour intérêt au label la mise en tourisme de lieux de production ou de commercialisation de produits liés à la gastronomie française. La démarche s’inscrit dans une dimension touristique, pourtant le seul projet qui ressort alors est cet ouvrage. Aucune trace d’une quelconque mise en valeur touristique. L’ouvrage se veut être le prolongement ‘«’ ‘ touristique’ » de l’inventaire culinaire, travail sérieux, scientifique. Il se veut être un guide pour les voyages. Le sous-titre est d’ailleurs explicite : ‘«’ ‘ Voyage à travers les terroirs de France’ ». Le président du C.N.A.C., le restaurateur A. Senderens, écrit dans l’avant-propos que ce guide est une ‘«’ ‘ véritable balade buissonnière à travers nos monuments du goût’ 326  ».

A l’issue de l’enquête cent cinq sites sont reconnus et labellisés par accord interministériel. Ces sites informés par courrier de leur citation, sont invités dès octobre 1995 à participer à la Semaine du goût en proposant des animations.

Pourtant, passé le stade de l’auto-satisfaction, certains sites ont souhaité créer une action autour de ce label qui leur était attribué, pour essayer de lui donner vie et de l’animer. C. P., représentant du site de Guérande, producteur et représentant des producteurs de sel, décide le premier d’animer ce label. Ayant reçu quelques années auparavant le label ‘«’ ‘ Paysage de reconquête »’ dont nous avons parlé plus haut, il ne voulait pas que le label S.R.G. ne soit qu’un label de plus qui n’apporterait rien. Le 4 décembre 1995, les sites de Banyuls, de Cognac, du Domfrontais, de Forcalquier, de Guérande, de Montagnon et de Pont-Aven, des représentants du C.N.A.C. et de l’agence Vitesse tinrent une réunion dans les locaux du C.N.A.C. au cours de laquelle fut constituée l’association des S.R.G. avec pour président C. P. et pour secrétaire général A. L., directeur du C.N.A.C.. Cette association se donna pour objectif la promotion des sites et l’aide à leur valorisation touristique.

Une cotisation de 2 500 francs 327 est demandée. Seuls les sites voulant adhérer à l’association paieront la cotisation. Le label ne pourra pas être retiré aux sites qui ne cotisent pas car il émane d’une décision ministérielle. Ainsi sur cent-vingt sites labellisés, soixante-dix adhèrent actuellement à l’association. Cet état n’est que partiellement accepté par les adhérents qui n’estiment pas normal que certains profitent d’une promotion collective sans en supporter les coûts et les investissements personnels.

Comme nous l’avons annoncé au début de ce travail, cette association évoluera en fonction de ses rapports au C.N.A.C. et suivant la maturité qu’elle acquerra au fil des années. On verra ainsi que, dans un premier temps, elle sera étroitement en lien avec le C.N.A.C.. Dans un deuxième temps elle améliorera son organisation. Enfin dans un troisième temps, elle trouvera son indépendance et sa voie.

Notes
324.

Courrier reçu par les sites, 1994.

325.

Les sites remarquables du goût, Voyage à travers les terroirs de France,parut en 1996 chez Albin Michel comme les Inventaires du patrimoine culinaire.

326.

Les sites remarquables du goût, Voyage à travers les terroirs de France,Paris, Albin Michel, 1996, p.4.

327.

cotisation pour l’année 2000.