5.2.7. Un label pour préparer son avenir

Comme nous l’avons montré au début de ce chapitre à travers des exemples précis, les fêtes, les foires et les marchés son souvent appelés à participer à des processus de mise en valeur touristique des communes, en les mettant en scène ou en les rendant attractives. Ils servent aussi à requalifier des territoires et à leur donner une identité qui apparaît pour souligner une spécificité dans des démarches de distinction entre les destinations touristiques. Par là même, ils mobilisent les acteurs locaux, essentiellement les producteurs qui, tout en se donnant à voir, donnent à voir une particularité du lieu, à travers un rapport étroit entre un lieu et un produit mis en perspective par une profondeur historique et une culture locale. Un développement économique est ainsi sous-jacent aux processus de mise en valeur touristique, en particulier dans le cas des fêtes, des foires et des marchés qui concernent des économies locales. Les fêtes, les foires et les marchés, parce qu’ils sont perçus comme reflétant une société, une culture locale, deviennent les représentants ou les ambassadeurs des communes. Ils les identifient et peuvent passer pour des signifiants, les classant comme étant ‘«’ ‘ à voir’ ». Les places marchandes deviennent ainsi des ‘«’ ‘ objets-ressources’ » intégrés dans des projets de développement définis ‘«’ ‘ en tant qu’action destinée à se projeter dans un avenir choisi’. 339  » Le projet, notion décrite par J.-P. Boutinet, est une intention, ‘«’ ‘ une action qui vise à changer le monde’. 340  » Classant le projet comme une ‘«’ ‘ anticipation opératoire, individuelle ou collective d’un futur désiré’ ‘ 341 ’ ‘ ’», J.-P. Boutinet en donne une définition : ‘«’ ‘ tout projet à travers l’identification d’un futur souhaité et des moyens propres à le faire advenir se fixe un certain horizon temporel à l’intérieur duquel il évolue.’ ‘ 342 ’ ‘ ’»

Les démarches dans lesquelles les villes s’inscrivent visent ainsi à combler un phénomène qui pourrait menacer leur avenir (disparition du marché à Saint-Christophe-en-Brionnais, exode rural à Saint-Aubin) et, plus largement, à encourager un développement économique en favorisant le tourisme ou en valorisant une production. Ainsi, comme le souligne J.-P. Boutinet, ‘«’ ‘ se doter d’un projet, c’est, dans le même mouvement, chercher à le construire et à vouloir le réaliser’. 343  »

Les sites qui ont adopté le label S.R.G. s’étaient tous, au préalable, engagés dans des projets : communication grand public (Saulieu), valorisation touristique du village (Saint-Aubin), développement local et touristique (Louhans). Si certains se sont munis d’outils opératoires (étude F.I.S.A.C., contrat de Pays…), d’autres ont plus de mal à atteindre leur objectif. Néanmoins, pour tous, le label S.R.G. est porteur de promesses et il est perçu non pas seulement comme une solution mais comme une valorisation de leur démarche. Il apporte une ‘«’ ‘ aura ’», il fait passer ‘»’ ‘ à un échelon supérieur’ ». Le label S.R.G. apporte de la valeur ajoutée, de la valeur symbolique. Renforçant des discours de communication, il accélère la publicisation des fêtes, des foires et des marchés. Il inscrit dans autre chose : un ‘«’ ‘ niveau supérieur »’ de communication, une nouvelle signification de ces manifestations. En effet, dans le même temps, le label cristallise les représentations des places marchandes, légitimant leur caractère identifiant et les intègre dans une démarche plus vaste dans laquelle ils servent à représenter ou à identifier une certaine idée de la gastronomie française. A travers les S.R.G., il s’agit autant de patrimonialiser des fêtes, des foires et des marchés pour désigner un bien commun que de les publiciser pour mettre en lumière des lieux ‘«’ ‘ à voir’ ». Un discours patrimonial a servi à justifier la désignation de ces lieux touristiques, il en émerge à nouveau pour les faire participer à un véritable développement, intégré au local.

Néanmoins, nous pouvons souligner que si les intérêts d’un label touristique sont compris, ils ne sont pas encore vraiment exploités de manière collective. Les sites qui s’approprient du label cherchent d’abord à l’adapter à leur propre contexte et à le mettre au service de leur développement local qu’il stimule ou légitime.

Notes
339.

N.Bétry, B.Botea, J.Miranda, M.Palisse : « L’ethnologue face au développement local », L’ARA, 2002, p.10.

340.

J.-P.Boutinet : Anthropologie du projet, 1993, p.53.

341.

Ibid., p.77.

342.

Ibid., p.77.

343.

Ibid., p.228.