5.3.1.3. Vouloir être permanent

Les implications de Saulieu et de Billom dans l’association S.R.G. ne sont pas identiques. Néanmoins, toutes les deux ont réalisé un dossier pour devenir site-permanent. Si à Saulieu l’appropriation est problématique puisque personne ne souhaite en prendre la charge, Billom a réussi la sienne et devient un modèle pour les autres sites.

A Saulieu, le Comice agricole qui est chargé du label S.R.G. au titre d’organisateur du concours, a permis que le label ne porte plus uniquement sur la fête mais qu’il s’étende à tout le site. ‘«’ ‘ Ce n’est plus le concours uniquement [qui est S.R.G.], parce qu’on était limité, par rapport à notre possibilité de communication. Là, c’est toute la gastronomie, c’est toute la restauration, c’est tout le tourisme, c’est tout l’élevage, c’est tout le savoir-faire d’une région qui au travers de ça va être médiatisé’  » dit G. R., seul à se rendre occasionnellement aux assemblées. Nous avons vu dans la deuxième partie que le Comice a mis en place un réseau d’accueil avec l’aide de l’association des restaurateurs et des métiers de bouche, d’un boucher et d’agriculteurs réunis autour d’une devise. L’enjeu est de participer à la valorisation de la filière et de la consommation de viande bovine auprès du grand public. Sans que demande lui ait été faite, G.R. a réalisé un dossier afin que Saulieu soit site-permanent, avec l’aide de l’agent d’animation du patrimoine, à la mairie, mis à disposition par cette dernière. Cela n’a pas été initié par la mairie, mais elle a donné son accord et un appui technique. Aujourd’hui que le dossier a été accepté, le Comice n’estime plus de sa responsabilité de gérer ce dossier et souhaiterait passer le flambeau à la mairie qui, elle, ne semble pas intéressée. Amer, G.R. fait observer ‘«’ ‘ J’ai donné le bébé, je l’ai élevé, je l’ai construit et personne le reprend. Tout le monde profite et affiche : Saulieu est S.R.G. (…) Seulement le risque [si personne le reprend et le valorise] c’est qu’un jour Saulieu ne soit plus S.R.G. Alors à ce moment là, je dirai : c’est normal, vous avez c’que vous méritez ’». G.R. pensait faire un cadeau, un don à la ville qui, elle, ne l’a pas accepté. Pour lui, elle fait une erreur et elle devrait saisir l’opportunité qu’il lui présente pour valoriser son image. Pour l’heure, il existe toutefois une structure dynamique qui s’est mise en place notamment avec M.T. restauratrice. Ainsi, si la mairie ne prend pas en charge la gestion et la valorisation de son image, il existe des acteurs locaux qui souhaitent mettre en valeur leur région, leurs produits gastronomiques et revaloriser l’image de leur profession. La mairie valorise le patrimoine architectural – son centre ville – et son patrimoine culturel à travers les œuvres de François Pompon 347 . Saulieu valorise sa gastronomie à travers l’image de Bernard Loiseau. N’est-ce pas aussi ce dernier que les acteurs locaux, restaurateurs, bouchers… cherchent à évincer symboliquement ? Du moins veulent-ils se faire entendre, se montrer, face à l’image écrasante de Bernard Loiseau tout en le respectant car il contribue à la notoriété du site. Il s’instaure ainsi une sorte de compétition entre deux images qui donnent l’opportunité aux acteurs locaux de se réapproprier leur lieu, de s’y investir et de le faire vivre.

A Billom, nous découvrons un autre cas de figure. Le label a été demandé par un membre de l’équipe municipale de l’époque. Le maire l’avait rangé dans un placard et il n’en est ressorti que lorsque J.J. ‘«’ ‘ maître’ » de la confrérie et organisateur actuel l’a redemandé. La mairie se désintéresse de ce label touristique, même si elle participe financièrement aux animations, met à disposition des aides techniques et paye la cotisation de l’association. Ses intérêts se portent sur la réhabilitation de la ville médiévale, classée Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et sur la demande A.O.C. de l’ail.

J.J. est un membre actif de l’association des S.R.G. Il fait partie du bureau et s’occupe du groupe de réflexion, chargé de l’organisation des Salons, créé en 2000. Le label S.R.G. est un moyen de communication. Pour J.J., il est aussi très important dans les échanges qu’il permet d’établir avec d’autres sites, et dans les nouveaux réseaux commerciaux qu’il développe. Par ailleurs, J.J. monte un groupe appelé ‘«’ ‘ Saveurs du Massif de Haute-Loire’ » avec Gérard Klein, dont l’idée est de proposer, dans un lieu, tous les produits A.O.C. ou label rouge de cette région. Relevant d’une démarche individuelle ou associative, les deux projets tendent à valoriser les produits d’une région.

Le label S.R.G. est surtout, pour eux, un moyen de médiatiser leur produit et leur site. Billom est devenue site-permanent en même temps que Saulieu, grâce à J.J. qui, avec sa confrérie, propose trois animations : la fête de l’ail, la fête de l’ail’ambic et, depuis 1998, le marché de Noël qui est un Salon S.R.G. L’action principale mise en place localement est l’organisation d’un Salon du goût qui vise autant à animer la ville qu’à valoriser ou à communiquer sur les S.R.G..

Décidé au mois d’août précédant sa création, le marché de Noël n’a pas reçu tous les financements promis, mais il a bénéficié d’une forte couverture médiatique. En effet, sur la requête de J.J., le marché a pu être jumelé avec l’opération appelée ‘«’ ‘ Le dimanche du piéton ’», organisée par le quotidien local La Montagne. J.J. réussit à en déplacer la date (du troisième au premier week-end de décembre) et le lieu (son périmètre habituel étant plus proche de Clermont-Ferrand). Ainsi trois circuits, passant tous par la ville médiévale ont fait une boucle plus ou moins longue (jusqu’à 20 kilomètres) autour de Billom. Ces randonnées attirent habituellement une moyenne de 1300 personnes. De plus, le jour même, le journaliste du journal régional de 19 heures de France 3 Auvergne présentait son émission en direct du marché de Billom. Les gendarmes estimèrent le nombre de visiteurs à 12 000 ou 13 000. Le revers de la médaille fut que le chapiteau loué pour l’occasion se révéla trop petit, créant une cohue qui valut de nombreuses insultes adressées aux organisateurs. Dans le questionnaire distribué par les organisateurs, les exposants répondirent qu’ils furent satisfaits. Malgré tout, ils déplorèrent le froid hivernal qui régnait sous le chapiteau dont les côtés avaient été relevés en cours de route pour permettre à la foule de s’échapper. L’année suivante, le chapiteau loué fut plus grand, mais des ‘«’ ‘ ratés’ » de communication conjugués avec un manque de chance firent qu’il y eut peu de monde le samedi. Le dimanche fut plus satisfaisant.

Notes
347.

Sculpteur, élève de Rodin, 1855-1933.