6.2.1. S’exposer pour développer son commerce

Apparaissant comme une place marchande, un des premiers intérêts des Salons est leur fonction commerciale. Le salon étant en soi un investissement (dans le voyage, l’hébergement, le matériel…), les producteurs doivent trouver un intérêt économique, que ça ‘«’ ‘ vaille le coût ».’ Ainsi la personne de l’office du tourisme de Domfort souligne : ‘«’ ‘ quand on leur dit ’ ‘[aux producteurs]’ ‘ : c’est un salon qui peut être très porteur pour vous, c’est à dix heures de chez vous, il faut partir tout le week-end… Faut pouvoir convaincre. Et maintenant, d’une année sur l’autre, on n’a même plus besoin de poser la question’ ». En effet, les salons S.R.G. se révèlent être globalement une réussite commerciale pour les sites. La première année, par un excès de prudence, les sites s’étaient rapidement retrouvés en rupture de stocks. Beaucoup risquant de souffrir du trajet, aujourd’hui encore, certains produits manquent en fin de week-end. Ainsi le dimanche, il ne restait plus de cresson frais. D’autres, comme les huîtres, ne peuvent être conservés trop longtemps, demandant ainsi une prudente gestion du stock. Tous ou presque reconnaissent qu’économiquement, le salon de Billom est un bon salon.

Plusieurs producteurs ont relevé la fidélité de la clientèle. Sur les sites de Domfront, Najac ou Nyons on a remarqué que des gens ayant acheté des produits l’année précédente, reviennent acheter. Ils connaissent le produit, ils ont pu l’apprécier tout au long de l’année, ils ont pu tester la différence avec des produits du commerce (comme le Calvados ou l’huile d’olive), et comme ils connaissent son producteur, ils peuvent retourner vers lui. Avec l’achat, le producteur glisse généralement son propre dépliant souvent composé d’une partie détachable faisant office de bon de commande. Avant la manifestation il n’est pas rare que les producteurs signalent à leurs clients du dernier salon qu’ils reviennent à nouveau.

Un aspect commercial intrinsèque apparaît. En effet, pour certains sites, c’est l’occasion de trouver un nouveau point de vente. Ainsi Nyons laisse quelques bouteilles d’huile d’olive à l’épicier qui pourra lui en recommander directement. Le producteur d’huile d’olive essaye de trouver des points de vente partout près des salons pour que ses clients – et peut-être leurs connaissances – puissent se réapprovisionner tout au long de l’année. Une personne d’un office de tourisme a aussi eu un contact avec un salon de thé pour lui commercialiser ses produits. L’éleveur de Saint-Christophe-en-Brionnais souhaite également trouver des clients sur la région et se dit prêt à se déplacer pour les livraisons. ‘«’ ‘ On est dans une région d’élevage charolais, dans une région rurale, donc si on veut développer la vente directe, faut se déplacer à l’extérieur. Sans aller trop loin, mais aller là où y a des gens qui sont intéressés par la viande charolaise »’. Les salons sont ainsi un moyen de trouver de nouveaux clients et d’étendre le marché.

En effet, pour les sites des autres régions, c’est l’occasion de présenter leurs produits, peu connus sur le salon où ils s’exposent. Mais c’est aussi, pour les exposants locaux, une occasion d’étendre leur clientèle locale. Le salon attire du monde et il concerne un public venu d’un vaste territoire. La provenance de la clientèle passe de la commune à la région. Ainsi en est-il pour les producteurs de vin d’Egliseneuve et pour les producteurs (de miel, d’ail…) qui sont présents les lundis matins sur le marché de Billom. Ceux-ci observent que leur clientèle n’est pas la même que celle du marché hebdomadaire. Ils voient passer des clients habituels mais ceux-ci ne font pas leurs achats vers eux, les réservant pour le marché hebdomadaire. Sur les salons S.R.G., il s’agit en effet d’une clientèle urbaine, moins locale, plus jeune et plus familiale. De plus, les producteurs font remarquer qu’il y a ‘«’ ‘ encore’ » des locaux qui ne savent pas qu’ils sont présents sur le marché hebdomadaire car ils n’ont pas l’occasion de s’y rendre, les lundis matins. ‘«’ ‘ Pourtant je le fais depuis plus de 20 ans’ » nous apprend une productrice de miel à propos du marché de Billom pour qui ce salon est un moyen de rencontrer de nouveaux clients qui ne viennent pas sur le marché et de leur dire qu’elle est présente sur les marchés de Billom, Cournon…

Producteurs locaux et producteurs venus des autres sites observent unanimement que la clientèle du salon est d’un genre nouveau, différente des marchés qu’ils connaissent. Tous en effet la définissent comme étant ‘«’ ‘ à la recherche de bons produits’ » (Alsace, Najac), de ‘«’ ‘ produits de terroir’ » (Billom), de ‘«’ ‘ produits typiques, de produits simples, sans conservateurs, sans colorants…’ » (Najac), pour lesquels ils sont ‘«’ ‘ prêts à payer plus cher’ » (Alsace). Un producteur d’Egliseneuve observe : ‘«’ ‘ les sites du goût, ils ont des produits de qualité supérieure, par rapport à un marché…’ » et ‘«’ ‘ le client est de plus en plus demandeur de cette amélioration de la qualité’ », ce qui tend à l’inciter à s’aligner sur le même niveau que les sites, à proposer des produits de qualité sur un tel salon où les gens se disent amateurs de bons produits.

Les producteurs désignent une nouvelle clientèle dont ils observent l’originalité des pratiques. La disposition même des allées impose le cheminement des chalands entre les étaux. Les personnes passent ainsi, selon un même sens, dans les allées qui les conduisent de l’entrée jusqu’à la sortie du chapiteau, en passant d’abord devant les étaux des sites puis devant ceux des producteurs locaux. Si la plupart ne perçoivent pas de concurrence particulière avec les sites des autres régions, un producteur local se dit être peu satisfait des ventes effectuées sur le salon, sachant qu’il a dû, pour y participer, renoncer à deux marchés sur lesquels il a sa clientèle habituelle. Pourtant il se dit prêt à revenir l’année suivante – en laissant le soin à son associé, de se rendre sur les marchés hebdomadaires – car le type de la clientèle présente l’intéresse. Ce qu’il observe, c’est que ‘«’ ‘ les gens achètent beaucoup de produits qui sont hors Auvergne, plus que des produits d’Auvergne. Les produits qui viennent de l’extérieur sont pas connus, c’est nouveau, c’est pas de la région. A mon avis, ils travaillent plus [dans le sens du nombre de transactions effectuées et du chiffre d’affaires réalisé] que les produits qui sont plutôt connus ’».

La productrice de miel, qui fréquente le marché de Billom et se dit satisfaite du salon, observe qu’à la différence du marché, sur le salon, ‘«’ ‘ les gens vont partout’ » tandis que sur le marché hebdomadaire, ‘«’ ‘ les gens ils vont toujours au même endroit, dans les mêmes allées, vers les mêmes producteurs’ », traduisant ainsi des pratiques marquées par l’habitude. Ce qui caractérise le salon, illustré par ces deux observations, c’est qu’il laisse place à la nouveauté, à la découverte et à une certaine curiosité qui peut être liée à l’aventure. Il s’y développe aussi une idée de voyage, en retrouvant les sensations des vacances passées ou imaginées pour un proche avenir, et en découvrant des produits et des saveurs nouvelles. Ce qui est valorisé par les producteurs c’est, plus que sur les marchés hebdomadaires ou dans les magasins régionaux de produits de terroir, qu’il y a un contact direct entre le producteur et le consommateur où l’un apporte une information à l’autre. Dans les magasins spécialisés, ce sont des vendeurs qui sont présents. ‘«’ ‘ Tandis que là, on explique comment c’est fait, on fait goûter les noix, les noisettes, on fait sentir l’huile… »’ explique un producteur d’huile.