6.2.3. Mettre en scène des lieux pour les rendre attractifs

Comme nous l’avons montré à propos des fêtes, des foires et des marchés, la présentation d’un produit permet la découverte d’une région mais elle se fait de manière innovante sur les Salons S.R.G. puisqu’il s’agit de faire découvrir différentes régions et que les représentants des O.T. sont souvent présents, donnant des allures de Salons de vacances.

Producteurs comme membres des offices du tourisme soulignent le lien étroit entre produit et région. Ainsi la personne de l’O.T. de Domfront remarque que les producteurs qu’elle accompagne ont été ravis qu’elle vienne, ajoutant que d’eux-mêmes ils font la promotion de la région, parce que ‘«’ ‘ y a toujours des questions "Vous êtes de quelle région ? Qu’est-ce qu’y a à voir ?" Et là, le fait qu’y ait une personne qui travaille en office de tourisme, des fois, ça les soulage, eux. »’ La plupart des exposants précisent que l’intérêt du salon est de faire connaître à la fois le produit et la ville. ‘«’ ‘ C’est la promotion et la communication d’un territoire au travers d’un produit. Et nous, le village porte le nom du produit et le produit porte le nom du village. Enfin, c’est grâce au nom du produit qu’on a le nom du village’ » (Saint-Nectaire). ‘«’ ‘ Tout se marie tellement bien : les producteurs, la région, les costumes. C’est un tout. A mon avis, le commerce, c’est pas une chose, c’est un tout. Faut d’l’ambiance, il faut des bons produits, il faut faire goûter, il faut… Faut sélectionner les produits. Ce qui fait que les gens aient envie de venir, d’acheter »’ affirme une personne d’un office du tourisme d’Alsace, qui propose une identité de l’Alsace. Les producteurs de Najac, la productrice de Saint-Aubin et les personnes des O.T. d’Alsace mettent leur région, leur appartenance régionale en image par le port du costume régional, traditionnel. Tous pensent que le public aime les voir ainsi. Une personne de l’Alsace ajoute même que tous les sites devraient faire un effort de décoration du stand et de présentation de costumes. ‘«’ ‘ Pour nous, c’est pas drôle, ça nous fait des épaisseurs. On a vingt kilos de plus, c’est pas rigolo. Mais il faut aussi pouvoir leur montrer (aux chalands) que les régions de France, c’est aussi des costumes, c’est une tradition. Les gens, ils aiment beaucoup.’ » On assiste à une mise en image, à une mise en scène des régions à travers quelques éléments identifiants et évocateurs. Bien plus, il s’agit d’établir des éléments susceptibles d’évoquer un imaginaire, un espace rêvé et donc séducteur afin de susciter un déplacement. La démarche ne s’inscrit pas dans une recherche d’authenticité ou de vérité scientifique, mais dans une entreprise de séduction.

‘« Dans un univers médiatisé, la promotion de l’offre passe nécessairement par une "mise en image" des produits. Un tel fonctionnement impose que la présentation soit facile à identifier, suggère un environnement agréable et suscite l’achat. (…) On privilégie désormais l’aspect saisissant de ces représentations aux dépens de significations plus riches, religieuses, sociales ou économiques. 360  »’

Il ne s’agit plus d’un faire-savoir tel que nous l’avons vu dans l’échange producteur/consommateur, mais d’un faire-image dans lequel le producteur est exposé non plus pour établir une médiation avec un consommateur mais pour séduire un touriste.

Le président de l’office du tourisme d’Arèches-Beaufort explique ‘«’ ‘ Nous venons pour faire la promotion de notre région, puisque nous sommes une région touristique, et pour vendre du fromage de Beaufort. Mais enfin, nous considérons que la promotion de la région passe par la promotion du produit : le beaufort ’». Il ajoute que l’association avec les producteurs est essentielle car ‘« Nous sommes une région où les producteurs ne peuvent se passer des touristes et les touristes ne peuvent se passer des agriculteurs’ ». Pour les uns, cela apporte un complément d’activité, pour les autres, il s’agit de répondre à leur quête d’authenticité ou du moins de bons produits.

Ainsi sur le salon, les producteurs parlent aussi de la région pour évoquer la spécificité de leurs produits, et lorsqu’il y a une personne de l’O.T., chacun se répartit la tâche, comme sur le stand de Domfront où l’un parle de ses produits et l’autre du ‘«’ ‘ Pays »,’ le bocage de Haute-Fontaine. Le rôle des producteurs et celui des agents du tourisme sont souvent jugés comme étant complémentaires. L’agent de développement de Salers observe ainsi que la promotion de leur territoire et de leurs produits se répartit entre le syndicat des quatre cantons et le Comité Départemental du tourisme (C.D.T.). Ce-dernier se rend exclusivement sur les salons touristiques où ‘«’ ‘ ils [les représentants du C.D.T.] s’appuient largement sur l’image de Salers, nous, on n’a pas besoin de venir en complément de leur action. Mais par contre, nous, on cible notre promotion sur les événements gastronomiques’ » qui sont mieux adaptés à leur produit. L’intérêt de ces Salons, c’est aussi de faire venir les gens chez eux. Le salon S.R.G. fonctionne un peu comme un salon de vacances. Toutes proportions gardées, certains traits le rapprochent du salon Mahana, le ‘«’ ‘ salon des vacances et des voyages’ » qui a lieu chaque année à la Halle Tony Garnier de Lyon, en mars. Près de 200 stands tenus par des O.T., des C.D.T. ou des agences de voyages présentent des idées de destinations en France ou à l’étranger. Chaque stand est décoré pour présenter le pays ou la région. Une personne présente la région et ses atouts. Quelques dépliants sont distribués, accompagnés d’un guide hébergement. Cartes géographiques et affiches présentent les ‘«’ ‘ caractéristiques’ » du pays et ses principaux atouts. Sont surtout valorisés l’intérêt architectural, l’environnement, et les loisirs (randonnée, plongée, plage…). Ce sont essentiellement les activités ludiques qui sont mises en avant. La dimension gastronomique est très peu mise en exergue sauf pour les pays étrangers ou les régions du sud-ouest où des dégustations sont proposées. Des jeux concours permettent de gagner des séjours en France ou à l’étranger.

Les salons S.R.G. remplissent un peu cette fonction étant donné qu’ils permettent de faire découvrir une région par le biais de la gastronomie. Celle-ci, on l’a vu n’est pas un but de voyage, mais elle est placée dans un ensemble et fait souvent partie des activités permettant la découverte de la région. Les séjours gastronomiques mis en place par l’association S.R.G. intègrent la découverte des paysages et des savoir-faire des hommes. Ce qui ressort aussi de ce salon qui a lieu en décembre est qu’il permet de réaliser une promotion hors saison touristique. Certains sites en effet ne connaissent l’affluence qu’en période estivale. ‘«’ ‘ Le but, c’est d’augmenter la fréquentation hors période scolaire. C’est pas facile. Encore, nous, on a l’avantage de ne pas être très très loin de Paris, donc on a les week-end. Mais y a beaucoup de concurrences, donc… faut toujours être là pour leur dire "venez donc chez nous, en Normandie"»’ observe la représente de l’O.T. de Domfront. Ceci est d’autant plus valorisé que de plus en plus de producteurs étendent leur activité à l’accueil touristique. Dans ce but et pour inciter les gens à venir, quelques sites effectuent un tirage au sort avec, à la clef, un séjour offert. Ainsi par exemple la productrice de Saint-Aubin offre une semaine de camping ‘«’ ‘ à la ferme’ » pour une famille. A Domfront, l’office de tourisme offre une semaine en mobile-home pour cinq personnes.

Plusieurs représentants de sites, en particulier des producteurs, ont reçu la visite de personnes qui les avaient rencontrés sur un Salon S.R.G.. Cela ne s’observe que sur une faible proportion du public, et surtout cela n’est pas toujours évident à estimer pour les offices de tourisme. ‘«’ ‘ C’est clair que peut-être les gens vont venir à Domfront, ils vont pas forcément passer par la cave ou à l’office de tourisme., alors comment savoir qu’y a des auvergnats dans le secteur ? (…) Il s’est trouvé par hasard après le salon de Beaufort, que M. et Mme B. ont eu des beaufortins la semaine qui a suivi ou quinze jours après. Ils étaient venus au salon des S.R.G., ça leur a donné l’idée de venir leur rendre visite’  » explique la personne de l’office de tourisme. D’autres sites comme Nyons affirment ainsi avoir eu la visite de personnes venues d’abord sur un salon S.R.G. ‘: ’ ‘«’ ‘ Les gens qui étaient déjà venus, reviennent [sur le stand]. Et quand les gens descendent en vacances dans le sud, maintenant, ils passent au moulin ».’

Notes
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V. Patin, op.cit., p.98.