6.2.5. … mais un réseau interne qui se constitue sur des relations amicales

Une dimension non anticipée par les représentants des sites prend aujourd’hui une place essentielle : la nature de la relation qui s’est établie entre eux. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de souligner qu’elle avait permis de préserver la vie associative et de surmonter la disparition du C.N.A.C.. En effet, les Salons ont généré des liens entre les sites qui sont souvent des liens d’amitié tissés entre deux individus plutôt que des liens d’intérêt économique créés entre villes, producteurs ou O.T..

Nous avons vu qu’il existait des relations de ce genre puisque quelques-uns échangeaient des produits ou en laissaient en dépôt dans les commerces locaux, mais cet aspect est anecdotique en terme quantitatif. La plupart des sites affirment ne pas développer de réseau commercial qui leur permettrait d’être disponible en permanence sur le site qui accueille le Salon. Les projets communs peuvent être discutés lors de ces rencontres, mais le plus souvent ils ont été élaborés ailleurs au cours des assemblées ou lors de rencontres spécifiques – par téléphone ou de visu. De manière générale, les sites relèvent aussi la difficulté à travailler ensemble, d’autant qu’il leur est parfois difficile de sensibiliser et de mobiliser les acteurs locaux (restaurateurs…). Les salons sont d’autant moins une occasion de développer des projets entre sites que ce sont parfois les producteurs seuls qui sont présents, envoyés à la demande de l’O.T. et qu’ils ne sont pas toujours activement impliqués dans la démarche S.R.G., qui est plutôt l’affaire de l’O.T. ou de la mairie. Les salons S.R.G. sont en ce sens des lieux commerciaux et des vitrines des régions, les produits devenant les ambassadeurs des régions. Les salons ne sont pas des lieux de réflexion pour les sites, ils sont destinés au public ; ils sont démonstrations, expositions des produits, des régions et du label. Ils donnent à voir.

L’ensemble des sites nous ont particulièrement souligné l’aspect convivial que génèrent ces salons, n’hésitant pas à parler de club ou de groupe d’amis voire de grande famille pour désigner l’association. Les représentants des sites se retrouvent d’une année sur l’autre sur un même salon voire sur d’autres salons. Des sympathies se créent. Certains précisent que le salon de Billom en particulier est très convivial.

Les salons sont un très bon moyen pour que les sites apprennent à se connaître entre eux. L’approche se fait d’abord à travers les produits. La productrice de Saint-Aubin, comme d’autres sites, dit attendre le dernier jour pour faire un tour sous le chapiteau et ramener les produits des autres : ‘«’ ‘ Nous aussi, on découvre des produits qu’on ne connaissait pas, qu’on n’avait pas l’habitude d’acheter, de trouver aussi »’. Un représentant de site ajoute : ‘«’ ‘ L’année dernière, ça nous a fait connaître des gens avec qui on a sympathisé et si on a besoin de leurs produits dans l’année, ils nous les envoient. Donc eux font connaître leurs produits et nous les nôtres »’ . Ces échanges ne passent pas par des réseaux commerciaux, ils se font dans un cadre privé, à titre personnel et sur de faibles quantités. Les exposants de Billom, à l’exemple de la productrice de miel de Billom, font également leurs achats ; ils deviennent aussi des consommateurs en découvrant et en achetant les produits des autres régions. Ce qui est le plus souvent mis en avant est la richesse des échanges. Ainsi une personne de Saint-Nectaire résume : ‘«’ ‘ C’est très agréable [ces salons]. On découvre plein de choses. On découvre des produits, on découvre des gens, on découvre des régions au travers des produits. (…) C’est vrai que ça donne envie d’aller… de découvrir les terroirs’ . » De la même façon que le public, les exposants découvrent des régions et des produits qu’ils souhaitent mieux connaître. Néanmoins, ils se déplacent plus facilement vers des sites parce qu’ils font partie du même ‘«’ ‘ club’ » et surtout parce qu’ils y ont, maintenant, des attaches affectives. Il est ainsi très fréquent qu’un exposant se rende en vacances sur un autre site et passe saluer ses ‘«’ ‘ amis’ », pour leur acheter des produits. Voire même, ils sont hébergés chez eux. Le directeur de la sucrerie de Bourdon est ainsi allé en vacances avec son épouse à Najac et à Salers. Les producteurs de calvados (Domfront) sont allés rendre visite à d’autres producteurs rencontrés sur un salon. Des invitations pour participer à des manifestations gastronomiques s’échangent et chacun prend plaisir à retrouver les autres. Du coup, les informations circulent mieux et les actions se décident plus facilement : on s’engage plus facilement quand on connaît les gens, qu’on leur fait confiance et qu’on les apprécie. Surtout, les salons permettent aux sites de se connaître entre eux, de s’approprier le label et de le faire vivre. Ces salons sont une dynamique importante de la vie de l’association. Au sein de l’association, on nous a souvent fait remarquer que les sites les plus actifs sont ceux qui vont sur les salons ou mieux, ceux qui les organisent.

A Billom, le salon se prolonge le samedi soir par un repas réservé aux représentants des sites et aux organisateurs. En 1999, B. S. était également présente au buffet servi dans une salle de la mairie et proposé pour 100 F. Entre soixante-dix et quatre vingt personnes étaient présentes – alors que les organisateurs en attendaient plus. Le repas fut suivi d’un karaoké organisé par un animateur. Chacune des sept tables se levait tour à tour pour chanter. Cette soirée renouvelée chaque année sous des formes différentes contribue à créer l’ambiance, l’échange convivial. La première année, ce fut un simple repas. Organisé en dernière minute, peu de monde était venu. Par la suite, il est envisagé de proposer un repas sur le thème de l’Auvergne composé d’une soupe à l’ail et d’une potée auvergnate. Il est aussi envisagé de l’ouvrir au public. Cette soirée rapproche les personnes qui ne peuvent pas trop communiquer sur le salon et qui passent ici un bon moment ensemble. Ce repas développe et entretient ‘«’ ‘ l’entre soi’ ».