6.3. Des manifestations plébiscitées mais un label non-identifié

Sur le salon S.R.G. de Billom, nous avons pu constater que le public appréciait cette manifestation. L’animation et le thème l’intéressent énormément. Le fait que l’entrée soit payante a néanmoins entraîné quelques protestations, voire quelques rebroussements de chemin.

Les salons S.R.G. connaissent un réel succès auprès des visiteurs. Celui de Guérande n’avait pas été renouvelé car il n’avait pas trouvé son public mais les autres attirent entre 8 000 et 16 000 visiteurs sur un week-end. Le public vient de tout le département et des départements limitrophes. Economiquement, nous avons vu que les sites y trouvaient leur compte. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est la fidélisation du public pour ces salons, comme ont pu le vérifier les exposants à Beaufort et à Billom (ceux de Najac et de Salers sont trop récents pour pouvoir faire un tel constat).

Les manifestations organisées dans le cadre de la Semaine du goût remportent également un vif succès. Opération née en 1993, et largement médiatisée, elle jouit d’une reconnaissance de la part du public. Le label ‘«’ ‘ Semaine du goût’ » possède une vraie notoriété et les animations organisées sont plébiscitées par tous comme ayant un réel intérêt et un vrai sens. En effet, on se félicite et on encourage l’apprentissage du goût, la conservation des saveurs, de plats… A ce titre l’appellation S.R.G. est parfois confondue avec la Semaine du goût, par la proximité de l’appellation et des animations.

Mais le label S.R.G. est quasiment inconnu du public. Nos observations ont pu vérifier que peu de personnes avaient entendu parler du label et encore moins savaient ce qu’il signifie.

La population locale semble très peu informée. Parfois, elle en a entendu parler dans les journaux : le nom ‘«’ ‘ S.R.G.’ » et le logo ont été lus au fil d’un article annonçant la manifestation. Quelques-uns ont également repéré les panneaux dans la ville, mais la plupart ne les avait même pas vus et c’est par nous qu’ils apprirent où ils se trouvaient, après nous l’avoir demandé. Les touristes eux, n’ont jamais entendu le sigle ‘«’ ‘ S.R.G.’ ». De manière générale, peu de gens savent ce que ce label signifie et, sur notre interrogation, ils en donnent leur propre interprétation.

‘«’ ‘ Site remarquable du goût’ » signifie pour tous que le site a de très bons produits, de haute qualité gustative. La population locale ajoute alors, le plus souvent : ‘«’ ‘ c’est normal’ », pour confirmer le choix du site qui, à leur sens, possède de bons produits, issus de savoir-faire locaux… Il leur semble justifié que le site ait ce label. Parfois on nous rétorque que c’est une bonne idée car il faut conserver les saveurs. Ainsi à Saulieu, une personne venue en famille au repas du dimanche midi, pour manger de la ‘«’ ‘ bonne viande’ » constate ‘: ’ ‘«’ ‘ On parle bien souvent du goût. Mais enfin, à part la viande, qu’est-ce qui a du goût, maintenant ? Vous achetez n’importe quoi, ça n’a plus de goût… »’ Le logo couvre ainsi les notions de bon goût, de produits de terroir, de saveurs (marquées et variées)… face aux produits aseptisés et homogènes des grandes surfaces. ‘«’ ‘ Nous, ici, on est encore habitué ’ ‘[à avoir de bons produits, qui ont du goût]’ ‘ mais en ville… »’ remarque une personne âgée. Par ailleurs, alors même que les passants entendent ce nom de ‘«’ ‘ S.R.G.’ », ils ne semblent pas y prêter attention. Ils ne le re-connaissent pas. Par ‘«’ ‘ Salon des sites remarquables du goût’ », nous avons constaté qu’ils comprenaient ‘«’ ‘ Salon du goût’ ». Cette distinction n’est pas pure rhétorique, les deux termes ne renvoyant pas aux mêmes idées. En effet, le second terme désigne des salons de ‘«’ ‘ bons produits’ » alors que le premier désigne des salons de sites qui ont des produits à présenter. Pour les chalands, l’appellation est liée à des produits et à des manifestations qui évoquent le goût, mais non à des lieux. Le label S.R.G. n’a pas été identifié par le public.

Les représentants des sites eux-mêmes confirment que le label n’est pas connu. Les producteurs ou éleveurs locaux ne sont pas toujours informés. Tous les sites sont conscients de ce manque de reconnaissance. L’agent du développement, à Salers, observe ainsi que les gens ne connaissent pas le label ou ne savent pas ce que ça veut dire. Ainsi, même si leurs actions rencontrent le succès, il précise : ‘«’ ‘ On sait pas si les gens, par exemple, qui rentrent dans un restaurant, ils sont rentrés parce qu’il y avait le menu site du goût ou s’ils ont pris le menu site du goût au lieu de prendre un autre menu’ ». De la même façon, la personne de l’office de tourisme de Domfront remarque : ‘«’ ‘ Les gens, quand ils arrivent sur notre territoire, aux entrées de ville, on a le panneau S.R.G. Donc quelquefois, ça va faire "tilt" dans leur tête, peut-être qu’ils l’auront déjà vu quelque part, ou ils vont se rendre compte qu’on a un label et ils vont s’y intéresser, mais…(…) Je trouve pas qu’ils viennent pour ça ’ ‘[parce que Domfront a le label].’ ‘ Je sais qu’à l’O.T., les gens nous demandent des adresses de caves, sans savoir qu’il y a des labels derrière »’. Le label S.R.G. parfois apposé à côté d’autres labels passe totalement inaperçu. Il n’a pas été identifié, ce qui est somme toute regrettable puisque tel devrait être son rôle. En effet, en tant que label touristique destiné à augmenter la notoriété et l’attraction des sites, il ne remplit pas son rôle.

Pourtant, malgré ce constat, les représentants des sites n’hésitent pas à dire que le label ‘«’ ‘ apporte un plus’ », ‘«’ ‘ qu’il est valorisant’ », voire même que ‘«’ ‘ c’est un label prestigieux’ ».

G. C. de Louhans affirme ainsi au cours de la remise des panneaux aux Quatre Glorieuses : ‘«’ ‘ Les retombées ne sont pas appréciables, mais c’est un label que les gens recherchent, apprécient parce qu’il représente un bon produit, un bon savoir-faire’ ». Au cours de la même réunion, P.V. de Saint-Christophe-en-Brionnais ajoute : ‘«’ ‘ Le label S.R.G. est un label extraordinaire qui apporte un plus, entre autres au consommateur’ ». On s’aperçoit que l’estimation des effets du label ne sont pas les retombées réelles, mais celles que l’on attend, celles que le label est censé apporter. Il semble aux représentants des sites que le label répond aux attentes du site et à celles des consommateurs. Il correspond à des attentes contemporaines qui ont un intérêt non négligeable (mettre en valeur un site, répondre aux attentes des consommateurs en quête d’information et de bons produits). Il contient un potentiel mais ce dernier n’est pas valorisé. Ainsi, pourrions-nous dire que le label n’est prestigieux et valorisant que pour les représentants des sites. Ils y ont vu un intérêt lorsqu’on leur a remis le label et aujourd’hui, ils sont encore persuadés qu’il a un potentiel à exploiter. En fait, chacun le voit ainsi parce qu’il a été donné par un comité interministériel, parce qu’il ‘«’ ‘ regroupe des produits d’élite’ » et parce qu’il ‘«’ ‘ répond à une demande’ ». Ainsi, le label possède tout ce qu’il faut pour réussir : il est soutenu par les plus hautes autorités, il a un contenu de qualité et le support est attendu par les populations, il correspond à une demande sociale et culturelle. Ce qui lui manque, est d’avoir une identité repérable et d’être valorisé. En effet, le seul moment fort sur chaque site est l’organisation d’animations pendant la Semaine du goût. En tant que sites ‘«’ ‘ du goût’ » ceux-ci se font un devoir de participer à la manifestation, mais il s’agit parfois de la seule animation liée au goût et à la gastronomie durant toute l’année. Du coup, le label ‘«’ ‘ S.R.G. »’ ne peut être distingué de celui de la ‘«’ ‘ Semaine du goût’ ». De plus, comme le relève justement l’agent de développement de Salers, ‘«’ ‘ on a plus répondu à une demande que de la susciter’ ». Les circuits de visites d’exploitation ou la découverte des plats locaux correspondaient une demande qui existait depuis longtemps à laquelle ils ont simplement répondu en organisant et gérant l’offre. Ainsi manque-t-il au label d’être identifié c’est-à-dire reconnu et distingué.

Avec l’aide de la chef de projet, les membres de l’association S.R.G. concentrent leurs efforts pour rendre visible leur association et leurs actions et pour forger une identité repérable par le grand public. Pour l’instant, aucune retombée n’a pu être enregistrée. Les sites sont entrés dans une phase très active de mise en place d’un processus efficace. Après la réalisation d’événements ponctuels qui ont permis de fidéliser un public satisfait mais qui a peu contribué à la reconnaissance du label S.R.G., après l’effervescence désordonnée due à la jeunesse de l’association (à son manque de recul et de mise en œuvre de compétences), l’association semble prête à agir. Les retombées sont aujourd’hui envisageables. Celles-ci sont à penser en termes d’image et concernent la reconnaissance du label par les populations touristiques entraînant une augmentation de la fréquentation des sites. Elles sont surtout à penser en termes de politiques locales puisque c’est à cette échelle que les bouleversements sont attendus. Lorsqu’il est approprié, le label S.R.G. est inscrit dans des objectifs de valorisation d’une production locale ou de revitalisation d’une commune. Cernés avant l’apparition du label, ces enjeux trouvent en lui une aide, un soutien.

Il s’agit de voir aujourd’hui comment les projets vont se développer, comment ils vont être appropriés collectivement par les populations locales, puisqu’avant d’être une destination touristique ou un espace de projets, le territoire est un espace de vie. Il serait intéressant d’accompagner la mise en place de ces projets, d’observer comment les populations et les acteurs locaux se les approprient et s’y impliquent. Face à la perspective d’une création de fédération d’associations, le lien qui va s’établir entre local et global (ou collectif) pourrait être interrogé pour comprendre comment se met en place un réseau d’actions visant un développement local. Les S.R.G. relèvent surtout d’une démarche de mise en valeur touristique, même si intégrés à d’autres éléments, ils peuvent participer au développement local. Il s’agit donc de voir aujourd’hui comment les projets S.R.G. sont appliqués au local.