La rencontre producteurs/consommateurs : valoriser l’échange économique

Nous avons pu remarquer combien les fêtes, les foires et les marchés étaient particulièrement bien adaptés à la distribution de produits frais et de produits régionaux. En effet, leurs caractéristiques originales font d’eux des lieux privilégiés de valorisation des productions alimentaires. D’une part, ils répondent parfaitement aux besoins des petits producteurs qui ne peuvent ou ne veulent entrer dans les réseaux de distribution moderne. D’autre part, ils favorisent la mise en valeur d’une production voire d’une filière, en communiquant auprès du ‘«’ ‘ grand-public’ ». Aujourd’hui ils jouent un rôle économique qui relève de deux ordres différents. Le premier renoue avec la fonction traditionnelle des marchés qui est l’écoulement des marchandises, dans laquelle le producteur retrouve une place dans la commercialisation de ses productions. Le deuxième ordre joue sur le long terme. Fonction récente, il s’agit ‘«’ ‘ d’éduquer »’ le consommateur pour qu’il découvre le produit et apprenne à le consommer. Les deux ne sont pas totalement distincts puisqu’ils s’appuient sur la communication et l’information sur les produits et sur les techniques de travail. De plus, comme nous l’avons montré, les deux défendent une qualité (qualité du produit d’une filière et qualité du travail du producteur qui lui garantit la fidélité de sa clientèle). Par ces deux méthodes (information et recherche de qualité), le producteur s’attache avant tout à défendre son produit – par l’appartenance à une filière – et sa production personnelle pour assurer sa commercialisation à long terme (et donc être indépendant des fluctuations de l’offre et de la demande imposée par les négociants).

Au cours de l’échange marchand, on enregistre que les producteurs, sous le prétexte de conseiller les consommateurs, produisent un discours patrimonial qui procure de la valeur ajoutée au produit. Le choix du produit n’est pas négligeable puisque celui qui est classé parmi les S.R.G. doit posséder un lien historique au lieu. L’argument patrimonial est convoqué pour faire la démonstration d’une qualité et pour donner des clefs de compréhension favorisant la consommation du produit. Il s’agit de modifier des pratiques à long terme en apportant des informations qui favorisent la consommation du produit et en légitimant une spécificité. La revendication de la dimension patrimoniale permet d’élaborer un discours sur la spécificité ‘«’ ‘ culturelle’ » du produit et de l’identifier tout en le distinguant. Dans cette approche, les fêtes, les foires et les marchés apparaissent non seulement comme les vecteurs du discours patrimonial, et comme des médiateurs, mais leurs caractéristiques propres le renforcent.

Les fêtes, les foires et les marchés sont eux-mêmes perçus comme relevant des pratiques culturelles propres à un lieu et à une histoire. Par là-même, ils sont garants de l’authenticité des produits qu’ils exposent. Ils donnent une valeur ajoutée au produit et au message délivré par le producteur. Ils légitiment et confortent le discours patrimonial qui ne se réalise pas hors de la culture mais in situ.

Dans le même temps, les producteurs se mettent en exposition, se réappropriant la phase de commercialisation et participant activement à la valorisation de leur production. De manière individuelle ou collective ils prennent en charge la valorisation des produits et des filières et revendiquent une patrimonialisation dans une logique simplement économique ou dans une perspective de reconnaissance. Les fêtes, les foires et les marchés deviennent des lieux de médiation, ils sont des messagers et ils apportent de la valeur au message. Lieux de transmission horizontale, ils sont des lieux de découverte de l’autre à travers l’apprentissage de pratiques non connues, et de découverte de soi en s’éduquant pour changer ses habitudes. Les fêtes, les foires et les marchés peuvent être assimilés à des centres d’interprétation en donnant à voir et à comprendre une partie de la société à ses autres membres. Les dimensions symboliques, survalorisées, favorisent la découverte de l’Autre, d’un produit, initiant plus facilement le dialogue. La rencontre directe producteur/consommateur est sollicitée par les deux parties et se décline à travers une recherche de qualité et de sens.

Face à l’augmentation des ‘«’ ‘ objets comestibles non identifiés’ » selon l’expression de C. Fischler, à l’industrialisation de la production et à l’angoisse du risque alimentaire, les consommateurs sont demandeurs de produits sur lesquels peut leur être garantie une qualité sanitaire et organoleptique. La rencontre avec les producteurs, ‘«’ ‘ certificateurs’ » d’authenticité et de singularité, pour reprendre les termes de J.-P. Warnier, marque une recherche d’éléments prouvant une qualité. Les fêtes, les foires et les marchés remplissent en eux-mêmes un rôle de garantie, leur perception, mêlée d’imaginaire social les ayant définis comme temples des ‘«’ ‘ bons’ » produits.