Des images pour identifier des lieux touristiques

Dans un processus de valorisation touristique, les fêtes, foires et marchés sont pensés en terme d’image, de faire valoir et d’emblème des communes. En effet, on observe qu’ils sont utilisés comme moyen de médiatiser, au sens de publiciser, un lieu. L’image des fêtes, foires et marchés est mobilisée par les instances publiques ou associatives, en particulier les municipalités, les comités des fêtes, les confréries ou les groupements professionnels.

L’observation du rôle de la place marchande dans la commune permet de comprendre les différents degrés de valorisation de son image : alors qu’à Sarlat, le marché n’est qu’élément de tradition locale qui participe à renforcer la constitution d’un patrimoine gastronomique du sud-ouest, la mise en exposition du celui de Saint-Christophe-en-Brionnais, par une symbolisation effrénée, doit assurer le devenir de cette commune. Les procédures de valorisation n’y seront pas les mêmes et leur patrimonialisation n’aura ni la même envergure ni les mêmes enjeux. On remarquera toutefois que, dans tous les cas, la valorisation des fêtes, des foires et des marchés qui véhiculent des notions et des images positives participe à la mise en tourisme des lieux. Cette dernière est de plus en plus perçue comme une ressource par les agriculteurs et par les petites communes qui voient là un moyen d’encourager un développement économique. De manière plus générale, il s’agit d’emblématiser des lieux, de leur procurer du sens ou de les identifier. A Espelette, il s’agit de revendiquer une identité pour les communautés locales, qui se construit sur l’emblématisation du piment autour duquel se construit une tradition, par la fête qui lui est consacrée.

L’emblématisation des fêtes, des foires et des marchés, définis comme des lieux ‘«’ ‘ à voir’ », traduit par ailleurs l’intérêt croissant pour un tourisme gastronomique qui peut s’inscrire dans un séjour touristique, associé à d’autres pratiques de loisir. Ce tourisme, soutenu par différents Ministères, trouve son intérêt dans la valorisation de particularismes, de découverte d’une culture et de compréhension de l’Autre. Il trouve ainsi tout son intérêt dans la création d’une Europe culturelle. Le produit régional, composé d’un terroir et de savoir-faire, détermine des manières de faire et de consommer, culturellement acquises. L’alimentation est ainsi considérée comme moyen d’approche de l’Autre au même titre qu’une langue ou idiome. Apprendre à se découvrir, c’est se comprendre.

La désignation S.R.G. accélère la démarche de mise en valeur touristique. Par sa procédure d’attribution, elle tend à qualifier des sites et à désigner des hauts-lieux touristiques. Cette appellation accordée par un organisme interministériel est d’abord ressentie comme une récompense. L’observation des modes d’appropriation de cette marque, au niveau local, témoignera de la manière dont chacun négocie sa place au niveau national et comment chaque site envisage son devenir. Nous avons vu ainsi que les acteurs locaux entraient dans la démarche S.R.G. quand ils percevaient leur intérêt, quand le label était interprété comme pouvant répondre à leurs besoins et quand il était adapté, c’est-à-dire quand il était introduit dans les pratiques et l’identité locales. Pour ce faire, les acteurs locaux doivent s’y retrouver et estimer que leurs projets peuvent s’y réaliser. Le label sera approprié par son adaptation au local et par la personnalisation de la démarche globale.

Nous appuyant sur les caractéristiques propres aux marques collectives, nous avons souligné que cette démarche s’inscrit dans un processus d’identification et de communication touristique qui repose sur des emblématisations. Témoignant de sa proximité avec une certaine élite, le label S.R.G. a d’abord été approprié par les journalistes locaux et les journalistes gastronomiques. Malgré ses potentiels, le label S.R.G. a tardé à être approprié localement conduisant à un manque de visibilité et de lisibilité par les populations touristiques et locales alors même que les manifestations comme les salons S.R.G. sont attractives. Ceux-ci reformulent une certaine idée des fêtes, des foires et des marchés en proposant une version qui se veut plus pédagogique.

Cette démarche traduit autant des enjeux politiques qu’économiques à travers la valorisation des lieux. Les instances politiques nationales ou locales s’engagent dans ces démarches, mais on rencontre également les forces associatives et les producteurs. S’amorcent actuellement des processus qui associent des valorisations des produits et du tourisme au sein desquels l’ethnologue doit s’impliquer. Suscitée par de nouveaux enjeux, la convocation du patrimoine se répand, en particulier dans la mise en valeur touristique des sites (monuments, communes, ‘«’ ‘ pays »…).’ L’ouverture sur de nouveaux usages du patrimoine est donc à interroger et à accompagner. Dans la quête de spécificités que nous avons décrite au cours de ce travail, nous enregistrons la mise en image d’une identité. Nous avons montré comment elle résulte de sélections, de constructions et d’imaginaires. Elle est ici comprise comme une image de marque. Néanmoins, l’ethnologue doit veiller à ce que ces mises en scène ne deviennent pas des lieux de crispations identitaires et de rejet de l’Autre.