De l’usage des fêtes, des foires et des marchés, supports de projets de développements local et touristique

Les fêtes, les foires et les marchés trouvent de nouveaux champs d’action en débordant de leurs frontières propres. Ils ne transforment pas seulement les échanges qui s’effectuent dans l’espace qu’ils créent, ils exposent une image d’un lieu. Les municipalités prennent conscience de la place privilégiée qu’ils occupent dans la vie locale : ils entretiennent une sociabilité, ils conservent un dynamisme dont va profiter l’ensemble des commerces locaux et ils permettent d’exprimer une appartenance au lieu. Les fêtes, les foires et les marchés sont pris comme outils du développement économique local et touristique. Les places marchandes sont instrumentalisées. C’est leur contenu qui est valorisé, en tant qu’ils marquent une implication au local, qu’ils révèlent, reflètent ou ‘«’ ‘ soutiennent’ » une communauté locale. Ce n’est plus ce qui se passe sur les marchés, dans les échanges internes, fonctionnels des foires et marchés, mais ce qu’ils représentent en tant qu’entité abstraite qui va être utilisé comme atout. Deux tendances sont exprimées pour souligner l’intérêt et le rôle que jouent ces places marchandes aujourd’hui ; elles relèvent toutes deux de processus de valorisation : valorisation d’une économie locale et valorisation d’un territoire ou d’une ville. Ces valorisations ont chacune leurs propres contenus et leurs propres outils d’application. Elles ne mobilisent pas les mêmes acteurs sociaux et ne relèvent pas des mêmes pratiques ou objectifs. Pourtant, elles ont en commun le fait d’utiliser les fêtes, les foires et les marchés comme moyens d’expression, d’appropriation de pratiques sociales et de diffusion de discours portant sur l’identification d’un produit ou d’une région. Ce qui est ici appelé à faire sens est le rapport au lieu que les foires et marchés entretiennent, les marques d’appartenance qu’ils renouvellent.

Dans les deux cas, les fêtes, les foires et les marchés sont utilisés ou perçus en tant qu’objets patrimoniaux. Tout d’abord, il s’agit d’une forme de patrimoine social. Il émerge de manière ‘«’ ‘ spontanée’ » chez les différents individus qui se rendent à la manifestation. Leur démarche n’est pas guidée par une influence institutionnelle et les bénéfices qu’ils en retirent sont strictement personnels. Ils ne poursuivent pas d’intérêts personnels. Leur quête est purement ‘«’ ‘ émotionnelle’ ». Ce sont surtout des symboles, du sens qu’ils viennent rechercher à travers une ambiance, des produits et une mémoire collective vécue ou imaginée. Les places marchandes permettent de fixer des repères, de trouver des liens aux lieux et à des valeurs – imaginées et idéalisées – réconfortantes.

Ensuite, ce n’est plus tant les fêtes, les foires et les marchés qui sont importants que l’image qui les caractérise auprès du grand public et ce qu’ils peuvent apporter. Ainsi, ils permettent d’animer les communes et de créer un dynamisme parfois souhaitable. Ils permettent aussi d’identifier des lieux, ce qui sera utile dans la recherche de solutions pour un développement touristique. Celui-ci est renforcé voire suscité par le label S.R.G. qui trouve une expression plus grande depuis début 2002. Si ce label n’est pas récent, il exige depuis peu un réel investissement de chacun de ses membres. Les produits, identifiés à des lieux et les identifiant à leur tour, donnent une consistance au label. Celui-ci devient vraiment le représentant du goût. Parti d’un principe d’exemplarité, il tend à une certaine exhaustivité. Du moins les sites adhérents sont aujourd’hui pleinement conscients de l’intérêt et des contraintes de l’association dans laquelle ils se sont volontairement engagés. Cela implique qu’ils sont également très motivés et qu’ils ont une démarche active dans la proposition de projets locaux et dans la valorisation d’un label collectif.

Le thème identitaire qui se décline par exclusion et inclusion, en se distinguant de l’Autre, se trouve articulé à ces deux démarches. Pourtant il ne semble que secondaire. L’identité n’est pas une fin en soi. Elle est instrumentalisée pour répondre aux choix proposés par un développement économique et touristique. Au niveau national, l’enjeu se présente à long terme et s’aborde comme une manière de sauvegarder un patrimoine français et d’en construire un européen. Les caractéristiques des foires et marchés se trouvent à même d’articuler ces thèmes et de construire de la particularité.

‘Les deux fonctions majeures qui se dégagent aujourd’hui sont celles d’un « faire-savoir » de la part d’une filière qui cherche à valoriser un savoir-faire et à communiquer sur un produit et d’un « faire image » de la part des communes qui mettent en scène une foire et un marché pour valoriser une identité dans un objectif d’attraction susceptible d’avoir des retombées économiques.’

Les fêtes, les foires et les marchés ont toujours su s’adapter aux exigences et aux attentes de la société. On peut supposer qu’ils connaîtront de nouvelles transformations. Nous pouvons d’ailleurs nous demander si le modèle proposé par les Salons S.R.G. ne sera pas amené à se développer. En effet, ce ne sont pas les produits de la région concernée qui sont proposés mais ceux de l’ensemble des régions représentées par les sites. Les individus ne recherchent pas un lien à un lieu précis. Déracinés, ils ne sont pas sensibles à un lieu plus qu’à un autre. Le succès remporté par ces Salons tend à infirmer que les individus cherchent un rapport conceptuel au lieu. C’est le contact avec les régions, avec des produits de qualité qui prime. On peut ainsi dire que se compose un nouveau type de rapport à l’espace où le local est délocalisé. On tend en quelque sorte à développer la vente des produits locaux à l’extérieur de la région de production. L’association des S.R.G. réalise ce passage en créant des réseaux d’échanges de produits.