- PREMIERE PARTIE -
DANIEL HAMELINE, LOUIS LEGRAND,
ANTOINE DE LA GARANDERIE
ET
LE PROBLEME DE LA TECHNIQUE PEDAGOGIQUE

Après les désillusions, celle de l'Education Nouvelle, celle de la non-directivité, celle des réformes de structures, la pédagogie semble marquer un retour à plus de modestie. Ecartées les prétentions utopiques, finis les rêves creux, la pédagogie ne peut se satisfaire de principes formels sans souci pour les résultats concrets de son action. Il s'agit de promouvoir une réelle transformation scolaire et sociale, de revenir sur terre et d'agir en se donnant les moyens de produire des résultats crédibles. Il y a du possible, et c'est à sa réalisation que doivent concourir tous les efforts. L'échec scolaire n'est pas une fatalité inéluctable. En se centrant sur l'apprentissage, sur l'enfant concret, sur ses capacités, ses besoins, sa réalité mentale, ses procédures, ses stratégies, ses possibilités, il est possible de l'aider à dépasser ses limitations premières. Refuser de perfectionner sa pratique, c'est préférer l'injustice à la justice, renoncer à la perfectibilité et accepter l'ordre scolaire et social donné. La pédagogie ne peut céder devant les faits ; elle ne peut non plus se contenter de discours inopérants, ni être simple improvisation. Elle appelle des moyens concrets et structurés d'action, au service de la liberté de chacun et de l'égalité de tous.

Daniel Hameline, Louis Legrand et Antoine de La Garanderie participent de ce mouvement, à la recherche des meilleurs moyens de concrétiser les idées généreuses. Contre tout fatalisme, ils viennent nous rappeler que notre fonction est éducative et que nous ne pouvons céder devant les faits ; contre tout idéalisme rêveur, ils viennent aussi nous rappeler que nous ne pouvons nous satisfaire de propos généreux sans souci de concrétisation, et qu'il nous faut toujours mettre des moyens au service de nos fins. Entrer dans la pédagogie par les objectifs, différencier la pédagogie, apprendre à apprendre, c'est se mettre au service de chaque enfant, se soucier de ce qu'il est et de qu'il deviendra, refuser que nul ne reste en chemin, et se donner les moyens de conduire chacun à la réussite. C'est faire un effort de rationalisation pédagogique, analyser la situation concrète, repérer les moyens et les obstacles, perfectionner son action et la rendre plus efficace, augmenter ce qui peut être méthodiquement acquis afin de ne pas abandonner l'apprentissage aux talents individuels socialement, psychologiquement déterminés.

Mais ces propositions n'acquièrent-elles pas une portée problématique dans une action qui se veut aussi oeuvre d'humanisation, de liberté et non simple procédé technique de programmation ? L'effort de rationalisation, ne tend-il pas à imposer sa propre logique au détriment des fins qu'il prétend pourtant servir ?