Pédagogie et accompagnement

Il ne suffit pas de transmettre le sens et d'attendre de l'élève qu'il l'accueille. L'homme est être de sens et l'élève doit être reconnu comme tel. Ce n'est pas l'enseignant qui détient la clé du sens, mais l'élève qui doit, en tant que sujet, toujours être pris en compte. Socrate fut le pionnier de la pédagogie du sens. Il nous a enseigné le devoir de donner sens par soi-même, pas n'importe quel sens, mais celui qui est porté vers la vérité. Le sens ne peut être imposé. Le rôle du pédagogue est donc d'aider chacun à rencontrer le sens qui lui est immanent. De Montaigne, il faut retenir l'idée du pédagogue-guide qui, plutôt qu'un transmetteur de savoir, accompagne l'élève dans sa conquête de sens. Pour ce faire, il doit se mettre à sa disposition, suivre son allure en se réglant sur elle, autrement dit s'adapter à chacun en différenciant la pédagogie, en faisant varier les situations pour que chacun trouve son lieu de sens.

Reconnaître l'élève comme être de sens, c'est toujours se souvenir de la limite marquée par l'impossibilité d'enseigner le sens. Le pédagogue ne peut qu'aider chaque élève dans la conquête du sens, sans plus. En lui proposant des projets de sens, il se mettra à la disposition de son avenir. La pédagogie est avant tout affaire de sens. Avant les disciplines, avant l'exposé du savoir, il doit y avoir une place pour unepédagogie des projets de sens. Une matière scolaire ne peut avoir de sens qu'à partir du projet de sens de l'élève à son égard, acte d'anticipation de sens et non attente d'une révélation. Exercer son droit au sens suppose d'en connaître les moyens. Aussi le pédagogue doit-il, en plus de la connaissance de sa discipline, connaître les méthodes pour transmettre son savoir. L'enseignement des actes mentaux doit donc précéder celui du savoir, car sans moyens le but ne peut être atteint. Le moyen fondamental est projet de pouvoir être que la pédagogie doit intégrer.

Quel que soit la difficulté ou le handicap, il est nécessaire de porter un regard plus ouvert sur l'enfant et ses potentialités, en rejetant cette idée de l'inégalité innée des aptitudes. Pour Heidegger, l'homme est auprès des choses et avec les autres. Certains donnent la priorité à l'auprès des choses, d'autres à l'avec les autres. Ces habitudes peuvent évoluer ; il est toujours possible de mettre en place d'autres projets de sens. Cependant, le projet de sens originaire doit être respecté ; il doit servir de base pour le développement des potentialités, à partir de la prise de conscience des limites qu'il impose et des possibilités de le dépasser. La raison pédagogique consistant à ne pas nuire, il faut s'appuyer sur ce que l'élève réussit, sur ses projets de sens habituels, de façon à permettre la mise en place de projets complémentaires, nécessaires aux progrès de la connaissance.

Le projet de l'élève est le socle de la pédagogie. Il convient de rechercher où s'enracine le projet d'apprendre afin de mettre en oeuvre les aides adaptées qui rassureront l'élève. Il suffit ensuite d'accompagner la mise en oeuvre du projet d'apprendre, de «‘ donner le champ libre pour qu'il mette à l’œuvre son projet de connaître, la raison pédagogique faisant de l'accompagnement son principal motif d'action ’ ‘«’ ‘’ ‘ 113 ’ ‘.’

Notes
113.

Antoine de La Garanderie, Critique de la raison pédagogique, op. cit., p. 350.