Ce qui est humainement préférable relève de la praxis, forme supérieure de l'action concrète, domaine de l'éthique et de la politique. La praxis est l'action proprement humaine, activité par laquelle l'être humain développe sa vertu, sa propre forme, son humanité. Activité immanente, perfectionnement de soi comme être humain, elle ne vise aucun résultat extérieur, aucune autre fin qu'elle-même, ‘«’ ‘ la bonne pratique étant elle-même sa propre fin ’ ‘«’ ‘’ ‘ 122 ’ ‘. ’
L'être humain, comme tout être, est un composé de matière et de forme. Se réaliser comme être humain, c'est réaliser au mieux sa forme, son essence, tendre vers le souverain bien humain. Le souverain bien est le bien suprême qui, supérieur à tout autre, constitue le but dernier de l'homme. Fin en soi et non moyen au service d'une autre fin, le souverain bien humain est le bonheur, bien auquel tout homme aspire et auquel tous les autres sont subordonnés. Cependant la vie heureuse ne se confond pas avec la possession de biens matériels, la jouissance et le divertissement. L'observation montre que l'homme sage, prudent, bon et juste, agit sans excès, ne se laisse pas dominer par ses passions, y introduit la raison et que cette vie raisonnable, où il se suffit à lui-même et écarte les comportements extrêmes, est source de bonheur. La vie heureuse est la vie vertueuse, action d'humanisation dans laquelle l'homme accomplit au mieux sa vertu, sa fonction d'être humain. La praxis comprend l'éthique et la politique qui, toutes deux, ont pour fin le bonheur, pour soi et pour tous les membres de la communauté.
Etre homme, c'est essentiellement agir selon la droite raison. La praxis est cette forme d'activité, exercice des vertus morales et introduction de la raison dans la passion. La praxis, disposition à vouloir le bien, est un acte qui, comme tout acte concret, est composé de matière : la médiété qui se développe avec l'expérience, et de forme : la droite règle qui lui sert de guide.
Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit., VI, 5, p. 286.