La prudence

L'action vertueuse ne se satisfait pas d'un rapport extérieur à la règle. Il ne suffit pas d'agir conformément à la droite règle, encore faut-il la faire sienne, la choisir délibérément et non s'y soumettre par contrainte, par hasard ou par ignorance. Ce qui fait l'action vertueuse, c'est sa forme, non pas essentiellement son contenu, sa médiété mais la disposition intérieure de celui qui agit, sa capacité à agir volontairement. L'homme juste est celui qui choisit délibérément de distribuer l'égalité, l'homme bon celui qui choisit délibérément de faire une action bonne. Faire sienne la droite règle impose de la rechercher par soi, rôle de la prudence, vertu intellectuelle et forme de l'éthique qui sert de guide aux vertus morales en acte.

La praxis désigne les actions volontaires, relevant du libre choix, choix rationnel, délibéré, réfléchi. ‘«’ ‘ Le bon délibérateur au sens absolu est l'homme qui s'efforce d'atteindre le meilleur des biens réalisables pour l'homme et qui le fait par le raisonnement ’ ‘«’ ‘’ ‘ 125 ’ ‘.’ La délibération ne porte pas sur la fin, action morale qui s'impose, mais sur les moyens de l'atteindre avec rectitude. L'éthique est donc vertu concrète, effort pour tenir la médiété conformément à la droite règle, dictée par la prudence que l'homme de bien doit posséder et non se laisser imposer.

La prudence détermine ce qu'il est bon de faire ou de ne pas faire dans telle ou telle situation. La règle qu'elle fixe n'est pas un absolu, car elle doit aussi prendre en compte la situation toujours particulière. Mais cette règle ne peut dépendre d'une forme quelconque de l'opinion ni varier selon les situations ; elle est le résultat d'une pensée consciente qui tend à atteindre un bien avec les moyens qui lui conviennent. Si la prudence doit connaître les faits particuliers, elledoit aussi connaître les règles générales de la conduite, règles déduites des principes. Elle dépend donc d'une science plus haute, la theoria. ‘«’ ‘ Le sage doit donc non seulement connaître les conclusions découlant des principes, mais encore posséder la vérité sur les principes eux-mêmes ’ ‘«’ ‘’ ‘ 126 ’ ‘.’

Notes
125.

Aristote, Ethique à Nicomaque, VI, 8, op. cit., p. 292.

126.

Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit., VI, 7, p. 290.