But

Faire efficace, la poièsis a pour but l'atteinte d'un résultat précis, observable, évaluable, témoignant du progrès de l'apprentissage.

Moyens

Tout l'effort de la poièsis consiste à trouver la règle exacte, issue de la connaissance de la nature de l'enfant que lui apportent les sciences de l'éducation (psychologie, physiologie, sociologie, pédagogie... ) et adaptée à tel ou tel cas particulier, à bien choisir entre différentes stratégies afin de produire l'effet attendu dans telle situation concrète. Elle est un faire, choisissant des outils pédagogiques adaptés et reposant sur une certaine habileté à les utiliser, faire qui vise un effet observable évaluable (telle faculté, tel apprentissage, tel savoir, tel comportement... ). La poièsis pédagogique est organisation du parcours, recherche de la maîtrise de la matière-enfant, réalisation de plans préétablis et vérification. Si le résultat n'a pas été atteint, c'est que le procédé a été mal raisonné ; il faut donc le parfaire en complétant ses connaissances, soit de l'enfant en général, soit de l'enfant particulier. L'enfant est objet de connaissance, d'observation, lieu d'une action qui s'exerce sur lui afin qu'il présente la forme souhaitée, qu'il réponde aux exigences qui lui sont imposées, qu'il s'adapte au parcours tracé.

La poièsis pédagogique, modelage de la matière, intervention sur la nature de l'enfant n'a cependant de sens qu'au service de la praxis. Elle n'a sa raison d'être que si elle ne fonctionne pas pour son propre compte, mais seulement au service du bien de l'enfant et du bien de tous. Formes de l'action concrète, praxis et poièsis obéissent chacune à leur logique propre, se fixant leurs fins et leurs moyens. L'action pédagogique concrète est ainsi lieu de tension entre des exigences contradictoires, souci moral et souci technique, souci d'humanisation et souci d'adaptation. Elle se doit pourtant d'assurer une cohérence d'ensemble qui n'est possible qu'à condition de ne pas perdre de vue la fin absolue, l'humanisation, la supériorité de la praxis sur toute poièsis qui n'est que fin relative, moyen au service de la praxis. La poièsis, dont le seul souci est l'efficacité technique, ne constitue pas une fin en soi ; ses résultats concrets doivent rester soumis aux fins éducatives, tout apprentissage rester un acte d'humanisation, telle ou telle acquisition rester un moyen qui permette à chaque enfant de se construire, de progresser en humanité, en moralité, en liberté.Seule la praxis peut en orienter l'usage, afin que l'action pédagogique concrète ne soit pas simple procédé de fabrication conforme, de production d'un objet fini sur le modèle de n'importe quelle production, simple modelage de comportements, simple adaptation. C'est elle qui impose de voir en chaque enfant bien plus qu'un simple objet à façonner sur lequel exercer son habileté de façon à l'amener à se conformer à ce qui est exigé de lui.

Mais la praxis ne se construit pas de son seul mouvement ; elle prend appui sur la theoria qui donne sa raison d'être, son sens à l'ensemble de la démarche, la justifiant et la rendant compréhensible, et qui pose l'Idéal vers lequel l'action concrète doit s'efforcer de tendre. C'est la theoria qui permet de fixer les fins humaines de la praxis et d'en justifier les moyens. Si la theoria ne suffit pas à développer la praxis parce qu'elle se développe aussi avec l'expérience, elle seule permet de l'instaurer et de diriger son développement, de consolider l'effort permanent pour, quelles que soient les circonstances, rester fidèles aux Principes. Sans theoria, la praxis pédagogique ne peut que perdre sa valeur morale et l'action concrète se réduire à une simple poièsis, oublieuse de l'humain sans la prise en considération duquel aucune éducation ne saurait être.