1. La pédagogie non-directive

La praxis non-directive se règle toute entière sur la theoria qui lui sert de guide.

Une theoria

L'être humain est une Personne. Une Personne est une pure Liberté. Libre en soi, elle croît, se développe de son propre mouvement et ne dépend que d'elle-même. Autonome, non soumise, elle est capable d'assumer elle-même sa propre croissance sans se laisser imposer par quiconque. L'enfant est une Personne. « Considérer quelqu'un comme une personne, c'est admettre que le sujet humain détient en lui même la capacité d'assumer librement sa propre croissance « 132 . L'enfant possède des potentialités humaines qui ne demandent qu'à s'épanouir, ainsi que les ressources de son propre développement. La personnalisation étant d'ordre exclusivement endogène, l'éducation a pour seul rôle de permettre le développement de son mouvement naturel ; elle ne peut être que non-directive. Sans entrave, elle permettra à chaque enfant, par son mouvement propre, par sa propre expérience des relations, de se construire ; chacun y apprendra le dialogue et le respect.

D'une telle éducation découlera une Société meilleure, une Communauté fraternelle où les rapports humains seront exempts d'aliénation, où chacun sera ouvert à autrui, capable de respect, d'écoute et d'accueil. Chacun y sera acteur, centre d'initiatives ; chacun pourra participer, adhérer, critiquer sans se laisser imposer par quiconque, sans se fondre dans l'uniformisation ambiante. Une Société où les êtres sont des Personnes est une Démocratie. L'Homme du Nouvel Age est l'Homme démocratique, capable de vivre avec les autres sans se laisser aliéner, sans s'y fondre en préservant sa singularité, et sans aliéner les autres en étant capable de les comprendre et de progresser avec eux.

Au-delà des Idéesde Personne, Liberté, Démocratie, se trouve celle de Dieu. La pédagogie non-directive s'enracine dans une conscience chrétienne dont Daniel Hameline resitue le cheminement dans La liberté d'apprendre - Situation II. « ... l'humanisme chrétien... fournit à notre réflexion pédagogique ses enracinements et, en même temps, ses repères et ses registres « 133 . C'est l'Idéede Dieu qui impose la confiance dans les ressources humaines, confiance dans le don qu'il nous a fait et respect pour sa création.

« Chaque existence a son propre discours à tenir, chaque être humain, appelé d'En Haut par son nom..., est convié à y répondre par son mouvement même et qui n'est qu'à lui « 134 . Chacun est invité à comprendre, mais par lui-même, la vérité ne pouvant être imposée. Le problème pédagogique, qui se pose pour des croyants « éclairés « , consiste à convaincre sans inculquer. « L'invité à comprendre est invité à parcourir aventureusement les chemins de la connaissance au-delà même de ce seuil où la rationalité atteint non ses limites ou son contraire mais son exaltation dans une surrationalité bouleversante qui a nom Dieu et dont le signe est l'exaltation même du Fils de l'Homme « 135 .

Notes
132.

Daniel Hameline, La liberté d'apprendre. Justifications pour un enseignement non-directif, op. cit. p. 294.

133.

Daniel Hameline et Marie-Joëlle Dardelin, La liberté d'apprendre - Situation II., op. cit., p. 47.

134.

Ibid., p. 31.

135.

Ibid., p. 30.