Moyens

  • Prudence

La Personne étant libre en soi, sa construction est exclusivement d'ordre endogène. Former, ce n'est pas imposer une forme mais permettre le surgissement des virtualités humaines. La theoria fournit sa règle à la praxis.

« Ce n'est pas le terreau qui fait la plante, il la favorise ou la défavorise, mais la croissance accomplit le don de Dieu que chacun porte en soi. Former, c'est mettre quelqu'un à même d'exprimer sa virtualité, le potentiel qu'il a reçu en partage « 137 . La pédagogie au service de l'enfant, au service de l'humain, au service de Dieu qui l'a fait tel qu'il est, se doit d'être respectueuse de chaque création et de son pouvoir d'auto-création. La règle de la prudence, règle de conduite à respecter pour permettre à chacun de développer son humanité, est la non-directivité, la moindre intervention. Elle refuse de diriger la croissance, mouvement naturel, assure la Liberté d'apprendre, la liberté de se construire. Par une attitude facilitante, non-directive, le pédagogue se doit d'écarter tout ce qui pourrait entraver le développement de cette liberté et, en particulier, sa propre autorité qui chercherait à la contraindre.

Apprendre, c'est non assimiler des contenus de connaissance mais découvrir par soi-même, par sa propre expérience et à partir de ses propres potentialités qui, en s'exerçant, se développent. Chacun ayant à faire oeuvre de lui-même, la non-directivité impose un changement d'attitude, une nouvelle relation pédagogique exempte de pouvoir, une nouvelle relation aux autres, une nouvelle conception de la profession d'enseigner. Le professeur traditionnel se veut professeur de la vérité, celui qui dit ce qu'il convient de savoir, celui qui sait par opposition à ceux qui ne savent pas, celui qui sait transmettre les vérités et « il y a un métier pour ça « 138 . L'apprentissage ne pouvant être qu’œuvre personnelle, la pédagogie non-directive constitue une ouverture confessante de la profession d'enseigner qui, « par son aspect même de témoignage personnalisé, ne peut constituer un acte professionnel. Au plus fort de sa portée singulière, il appelle l'universalité : affaire de chacun, affaire de tous « 139 .

La personnalisation est basée sur l'expérience de l'autonomie et de la participation qui s'épanouiront à force de s'exercer. Seule une attitude facilitante, non directive mais présente, permet à chacun de faire sa propre expérience en se confrontant à soi, au groupe, aux choses, chacun apprenant ainsi peu à peu à se passer de direction, à respecter l'autre, à participer à l'existence d'une communauté et à prendre des initiatives. Elle suppose le respect de l'autre, sa reconnaissance comme Personne afin que chacun puisse trouver en lui-même les ressources de son propre développement. Toute imposition extérieure viendrait nier la valeur fondamentale de la Personne. Reconnaître l'autre comme Personne c'est le reconnaître libre, capable d'être la seule cause de ses actes, de ses pensées. Par conséquent, c'est le reconnaître comme capable de choisir, de disposer de soi par une attitude active, de se réaliser à travers les événements sans les subir, et le lui permettre.

  • Médiété

Les élèves doivent donc avoir l'initiative de leurs propres apprentissages et prendre en charge les situations. Une classe n'est pas un lieu de transmission de connaissances ; elle est avant tout un groupe humain, un groupe de relations et d'échanges, un lieu communautaire et non un lieu de pouvoir. Le pédagogue adoptera une attitude facilitante, qui seule permet la personnalisation, et reconnaîtra la place essentielle de la relation humaine. Former l'homme autonome suppose de renforcer les capacités personnelles, ‘«’ ‘ apprendre à ceux qui sont transitoirement sous sa direction à se passer précisément de cette direction ’ ‘«’ 140 . Former l'homme participant nécessite que la priorité soit donnée à la cogestion. Former l'homme détenteur d'une expérience, c'est mettre l'accent sur l'acquisition d'une attitude, favoriser la mise en route des personnes et non se contenter de transmettre des savoirs, lui permettre de prendre conscience de ses capacités, d'acquérir la confiance en soi pour devenir capable de se changer et donc de continuer à croître. Une attitude facilitante doit permettre à l'enfant d'avoir l'initiative de ses apprentissages, de disposer de la liberté d'explorer, de faire des expériences au sein du groupe, de faire l'expérience de l'autonomie, de la responsabilité, du dialogue. C'est le groupe qui prend en charge la situation pédagogique et non le maître, et c'est ainsi que s'opère le passage de l'enseignement magistral à l'apprentissage personnel.

Etre non-directif, ce n'est pas tout programmer d'avance, mais ce n'est pas non plus tout laisser faire. C'est laisser chercher, mais ne pas abdiquer toute autorité, laisser chercher tout en se positionnant comme adulte responsable, ne pas chercher à s'imposer, à imposer un type de pensée ni laisser divaguer. C'est trouver la juste distance dans la relation, entre effacement, permettant à l'autre d'être et d'exercer ses potentialités, et présence active, disponible, en réponse à la demande, en évitant les deux excès, le complexe du tout prêt à cuire et le laisser faire.

Notes
137.

Daniel Hameline et Marie-Joëlle Dardelin, La liberté d'apprendre - Situation II, op. cit., p. 37.

138.

Ibid., p. 33.

139.

Ibid.

140.

Daniel Hameline, La liberté d'apprendre. Justifications pour un enseignement non-directif, op. cit., p. 46.