Une praxis plus fragile

Le lien entre poièsis et praxis pédagogiques se fait plus fragile au point que Daniel Hameline ressent la nécessité d'une nouvelle mise en garde.

La pédagogie par les objectifs porte en elle le risque de la démesure. Elle est souvent portée à privilégier le rationnel, le calcul sur le raisonnable. Emportée par son versant technique, l'action pédagogique devient insensée oubliant l'ordre humain des choses. Se centrer uniquement sur la technique, c'est pervertir l'action pédagogique. L'outil, qui se voulait moyen au service d'un projet d'autonomie, devient alors outil d'assujettissement, aussi bien pour l'élève qui n'est plus qu'un objet, que pour l'enseignant qui finit par s'y perdre. Une action pédagogique sensée suppose de soumettre la poièsis à la praxis. Tel est bien le but recherché par Daniel Hameline.

La praxis préconisée repose sur la prudence comme recherche du juste milieu entre le rationnel et le raisonnable, mais déterminer ce juste milieu suppose de raisonner à partir d'une theoria clairement posée. La force de la praxis repose toute entière sur sa relation avec la theoria. Sans ce fondement, la praxis ne peut suffisamment se déployer pour soumettre la poièsis et l'action pédagogique tend à devenir simple poièsis. Donner de l'ampleur au versant technique de l'action pédagogique sans ancrer fortement la praxis à la theoria qui lui sert de guide, c'est rendre aléatoire l'effort pour éclairer et infléchir la technique. Les mises en garde, le rappel à la prudence ne peuvent être suffisants pour équilibrer la praxis qui court le risque d'être emportée par la poièsis.