Moyens

L'unification du collège, s'accompagnant de l'alignement des programmes sur celui de l'enseignement secondaire, exclut, de fait, les élèves défavorisés. Ni les moyens politiques, ni les moyens pédagogiques permettant de réaliser le collège unique ne sont mis en oeuvre.

Louis Legrand rappelle que l'appartenance de classe détermine les centres d'intérêts et les dispositions intellectuelles, et que la nature d'un système détermine la nature des relations.

L'adoption du code série ou celle du code intégré est un choix politique qui repose sur des conceptions différentes de l'éducation et des valeurs mises en oeuvre. Le code série implique des rapports hiérarchiques, un enseignement basé sur des programmes nationaux et des structures en filières plus ou moins nobles ; l'enseignant y est l'homme d'une discipline dont la fonction est légitimée par le diplôme ; les personnes sont isolées. Le code intégré implique une certaine liberté laissée aux acteurs de base qui peuvent adapter programmes et méthodes ; l'enseignant travaille en équipe, l'essentiel étant l'apprenant et ses conditions d'apprentissage, la formation sociale et l'absence de ségrégation ; ce code permet le développement des relations. Le code série implique la centralisation au nom de l'unité nationale et de la Justice, comme égalité de droit, et fonde l'élitisme républicain, entraînant compétition et justifiant la sélection sociale. Le code intégré privilégie la décentralisation et d'autres valeurs : le vécu relationnel, l'important n'étant pas dans le savoir mais dans la vie en commun, le respect de la diversité, la tolérance, la Justice comme équité, visant l'égalité de fait par la prise en considération des handicaps sociaux et la recherche des moyens de compensation. Une praxis éducative, ayant pour fin la réalisation de tous, ne peut s'en tenir à une Justice formelle qui, appliquée strictement, légitime les inégalités. Elle se doit d'avoir pour droite règle l'équité, conciliant Idée de Justice et prise en compte de la réalité et imposant une organisation en code intégré. C'est dans une telle organisation que peuvent se développer les objectifs généraux de l'éducation, l'épanouissement de soi, la socialisation et l'autonomie.

‘«’ ‘ C'est pourquoi la condition institutionnelle fondamentale de toute unification scolaire est la décentralisation et le pouvoir local de définir démocratiquement des projets d'établissements, comprenant la détermination des programmes et des méthodes au vu des populations scolaires qu'il convient de traiter. Bien entendu, la référence à des objectifs terminaux nationaux demeure possible et souhaitable ’ ‘«’ ‘’ ‘ 194 ’ ‘. ’La médiété consistera à s'approcher concrètement au mieux possible de la droite règle, en donnant aux équipes et établissements une certaine autonomie afin de leur permettre de s'adapter à la diversité des situations, mais la décentralisation et les différences constatées ne doivent pas faire oublier la fin qui doit rester la même pour tous. C'est là que le cadre national demeure souhaitable.

D'un point de vue pédagogique reste irrésolue la prise en compte de la diversité des élèves. Si le collège unique est bien structure unique, il oublie cependant que ses objectifs doivent être les mêmes pour tous et que leur atteinte n'est possible qu'à condition de différencier la pédagogie. Il s'agit de conforter l'unification du système en évitant la dérive vers la reconstitution de filières ségrégatives. Il ne peut exister une seule méthode valable pour tous et pour tout, aussi est-il nécessaire de puiser dans la variété. La différenciation pédagogique, domaine de la technologie, relève de la poièsis, à condition toutefois de la soumettre à la praxis,‘»’ ‘ à condition de l'utiliser dans toute son ampleur impliquant l'autonomie de l'élève et pas seulement dans un créneau étroitement balisé par l'enseignement programmé ’ ‘«’ ‘’ ‘ 195 ’ ‘.’

Notes
194.

Louis Legrand, Les politiques de l'éducation, op. cit., p. 85.

195.

Louis Legrand, Les politiques de l'éducation, op. cit., p. 85.