Une poièsis-praxis

Une pédagogie rationnelle se doit de fournir, avant le savoir, les moyens de son intelligibilité. ‘«’ ‘ L'élève a besoin de savoir ce qu'il doit faire pour réussir ’ ‘«’ ‘’ ‘ 259 ’ ‘.’ Certains comprennent spontanément, d'autres ont besoin d'être éclairés ; une pédagogie respectueuse de tous ne peut les laisser en chemin.

L'acquisition du savoir suppose un acte de connaissance qui peut être plus ou moins performant ; le rôle de l'enseignant est d'apprendre à l'élève à gérer ses projets de sens, à les structurer pour qu'ils atteignent leur but. Son action repose sur la connaissance des structures de projets de sens. ‘«’ ‘ C'est en effet en décortiquant les structures du projet de comprendre qu'on peut pourvoir la pédagogie d'instruments valables ’ ‘«’ ‘’ ‘ 260 ’. Cette connaissance sera communiquée à l'élève afin qu'il ‘«’ ‘ s'avise de ce qu'il doit faire pour accomplir des actes dont on peut dire qu'ils sont pédagogiques puisqu'ils sont devenus efficaces... ’ ‘«’ ‘’ ‘ 261 ’ ‘.’ Pour maîtriser le savoir, les élèves doivent en effet exécuter les actes de connaissance dans le sens qui doit être le leur, selon leur essence. ‘«’ ‘ Selon nous, la qualité des actes de connaissance est la cause nécessaire et suffisante pour être performant quel que soit leur objet ’ ‘«’ ‘’ ‘ 262 ’ ‘.’ Or, un acte de connaissance ne peut avoir lieu que si coexistent structures de projets de sens et structures de finalités de sens intégrant le pouvoir être, le projet de sens devant ‘«’ ‘ pour être efficace obéir à une norme : celle du maintien au cours de son actualisation de la présence du ’ ‘«’ ‘ soi-même’ ‘»’ ‘ se dirigeant vers tel but et l'atteignant ’ ‘«’ ‘’ ‘ 263 ’ ‘.’

Réussite scolaire et construction de soi ne peuvent être séparées, car comprendre c'est exister, car l'acte de connaissance est une forme concrète d'être au monde. Réussir scolairement impose de réussir chaque geste mental, ce qui n'est possible qu'à condition d'en faire un acte de sens en intégrant dans son projet, à partir de ses propres possibilités, les choses scolaires qui sont offertes. C'est agir en soi, sur soi et pour soi, apprendre à connaître, à entrer en rapport avec des significations, non pour s'y soumettre, non pour rencontrer un objet extérieur à soi mais pour, par cette rencontre, accéder à soi. La pédagogie ne peut être efficace que si elle permet à l'élève de se construire, et c'est pour autant qu'elle le permettra qu'elle sera efficace. La praxis est aussi poièsis, visée d'humanisation et visée d'efficacité, les deux fins se confondent et utilisent les mêmes moyens. Permettre à l'élève de se construire comme être au monde, c'est lui permettre de réussir scolairement et lui permettre de réussir, c'est lui permettre d'être au monde. Poièsis et praxis sont une seule et même chose.

Notes
259.

Antoine de La Garanderie, Critique de la raison pédagogique, op. cit., p. 71.

260.

Ibid., p. 201.

261.

Antoine de La Garanderie, Critique de la raison pédagogique, op. cit., p. 34.

262.

Ibid., p. 86.

263.

Ibid., p. 118.