Chapitre premier
IDEES ET PRATIQUE PEDAGOGIQUE
L'IMPASSE THEORIQUE

Les Idées ne pouvant être connues, nous ne pouvons en déduire les règles de notre pratique. La pratique ne peut être application d'une theoria impossible, mais elle ne peut non plus être soumise aux circonstances, ni se réduire à une simple action technique, issue d'un savoir théorique. Que nous reste-t-il pour nous orienter ?

‘«’ ‘ L'éducation est le plus grand et le plus difficile problème qui puisse être proposé à l'homme ’ ‘«’ ‘’ ‘ 267 ’ ‘. ’Elle ne peut être ni une science, ni une technique. Pour se qualifier de science, elle devrait pouvoir connaître son objet. Pour le connaître, il lui faudrait le considérer comme un phénomène, comme un simple objet de la nature dont le comportement obéit uniquement au déterminisme. Or, l'homme n'est pas un simple objet ; il est d'abord Liberté. L'éducation se devrait donc de connaître laLiberté, chose impossible. La Liberté exclut la possibilité de faire de l'éducation une science. Pourtant l'éducation exige une intervention. L'homme est le seul être de la nature qui doive être éduqué, parce qu'il est le seul être capable de dépasser sa propre nature. Mais en intervenant sur la nature de l'enfant, notre action ne peut être qu'action scientifique et technique où la Liberté n'a pas de place. L'éducation est donc le lieu d'une antinomie, celle qui oppose nature et Liberté. Elle vise à former un être que nous ne pouvons pas véritablement connaître et ‘«’ ‘ qui, de par sa liberté, peut être infiniment de choses. Problème presque insoluble ’ ‘«’ ‘’ ‘ 268 ’ ‘.’ C'est à lui qu'il convient de se choisir et, pourtant, il nous faut bien intervenir. Mais comment, sans contradiction, envisager une cohérence d'ensemble ?

Notes
267.

Emmanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, traduction, introduction et notes par A. Philonenko, Paris, Vrin, sixième édition, 1989, p. 77.

268.

Alain Philonenko, in Réflexions sur l'éducation, introduction, op. cit., p. 26-27.