En non-directivité : la nature comme Liberté

En pédagogie non-directive, nature et liberté se confondent. La nature étant originairement bonne, tout ce qui l'entrave compromet la liberté. S'il en est ainsi, si la liberté est le don de Dieu que nous avons tous reçu en partage, ce don n'est-il pas sacré ? De quel droit interviendrions-nous ? Certes, la non-directivité préconise une moindre intervention, mais elle reste une intervention, devenant dès lors contradictoire avec elle-même. La contradiction ne peut être levée qu'à condition de poser deux ordres différents, celui de la nature et celui de la Liberté.

La bonté de la nature, qui sert de guide à la pédagogie non-directive, ne peut être qu'une Idée, une simple hypothèse désignant ce que pourrait être la Liberté de l'homme non aliéné par les contraintes sociales. Cet état n'existe pas, n'a jamais existé. La nature humaine n'est pas pure Liberté, mais elle peut être pensée comme telle, à condition de ne pas en faire une certitude d'où se déduiraient les règles de la pratique. La pédagogie non-directive nous transporte dans le monde nouménal. Non transposable dans la réalité, ce modèle possède cependant une force, celle de l'idéal ; sa force est une force d'opposition, permettant de juger la réalité présente par rapport ce qu'elle devrait être : la Liberté et non des méthodes impositives et la soumission. L'enfant est un être naturel, mais différent des autres choses de la nature ; sans assistance, soumis à sa seule volonté, il ne peut que développer sa sauvagerie et non sa dignité. Il ne peut spontanément se construire, car ce serait supposer qu'il existe un plan préétabli du développement de la Liberté, ce qui serait contradictoire. Il faut donc bien intervenir pour le discipliner et rechercher des moyens concrets d'action. La pédagogie non-directive nous rappelle que cette intervention ne peut être un simple dressage conduisant à la soumission.

Pour Kant, la conception de la nature comme ensemble de phénomènes, régis par la loi de la causalité et pouvant être connus, en appelle bien une autre, l'Idée de Nature. La Nature peut être pensée comme un Tout ordonné, l'Homme étant le seul être de la nature capable d'en saisir le sens. Cette Idée de Nature fait de l'Homme l'espèce dernière, la fin dernière de la Nature. La Nature peut aussi être pensée comme création de Dieu, suprême Liberté qui a fait de l'Homme le seul être à son image, capable de dépasser la nature, seul être capable de Liberté, fin dernière de la création. Dieu et la Nature ne peuvent être connus ; personne ne peut les démontrer, ni leur donner un contenu concret. Nous ne pouvons donc en déduire des règles d'action. L'entendement qui voudrait en faire des phénomènes déraisonne et tombe en contradiction avec lui-même. Si Dieu avait créé l'homme à son image que resterait-il de la Liberté qui ne peut être que cause d'elle-même ? Si la nature était Liberté, à quoi bon la pédagogie ? il suffirait de laisser faire la nature. Mais, même si aucune réalité ne peut leur correspondre, Dieu, Liberté et Nature demeurent nécessaires comme principes de réflexion, permettant de juger la réalité présente, de ne pas s'en satisfaire et de rechercher des moyens de l'améliorer.