1.1. Evaluation macro-économique

L’un des objectifs principaux des politiques actives d’emploi étant de faire reculer le chômage, un critère principal pour évaluer leur efficacité consiste à mettre en relation les principaux agrégats macro-économiques, comme le chômage ou les salaires réels, et les indicateurs des dépenses consacrées aux mesures actives. Ce type d’évaluation (modèles théoriques et réfutations économétriques) s’attache à mesurer les effets nets des programmes sur l’emploi et le chômage global en distinguant des effets « d’aubaine », de « substitution » et de « déplacement ». Les évaluations doivent ainsi déterminer si les emplois aidés auraient été créés de toute manière en l’absence d’aides (effet d’aubaine), s’ils ont contribué à détériorer les perspectives d’emploi pour les individus non concernés par ces programmes (effet de substitution), ou s’ils ont supprimé ou remplacé des emplois non aidés dans d’autres secteurs de l’économie (effet de déplacement).

L’évaluation macro-économique des politiques actives d’emploi a fait l’objet d’une attention croissante dans la littérature empirique récente (voir par exemple Calmfors 1994, Calmfors et Skedinger, 1995, Nickell et Layard, 1999). Cinq types d’effets macro-économiques ont été mis en évidence. Les mesures de formation et de subvention d’emplois tendent premièrement à améliorer la qualité de l’appariement entre employeurs et employés. Cet effet se traduit par un déplacement de la courbe de Beveridge 10 vers l’intérieur 11 , c’est-à-dire une amélioration du processus de réallocation des emplois soit en raison d’une meilleure adaptation de la structure des qualifications à la demande 12 , soit en raison d’une plus faible incertitude des firmes quant à l’employabilité des participants aux programmes (Layard, 1986, Jackman et al., 1990). Ces mesures ont par ailleurs pour effet, d’une part, d’augmenter la productivité de la main-d’œuvre et, d’autre part, de maintenir l’offre de travail effective en réduisant l’effet de découragement associé au chômage de long terme. Cela implique également un accroissement de la concurrence pour les emplois disponibles, ce qui contribue à réduire la pression salariale (Layard, 1990). Le quatrième type d’effet de ces mesures est un effet de substitution selon lequel il devient plus rentable pour les employeurs de remplacer une catégorie de main-d’œuvre par une autre (les participants aux programmes). Enfin, les politiques actives, à l’opposé du troisième effet, peuvent aussi entraîner des effets négatifs sur la formation des salaires similaires aux effets des allocations chômages (Calmfors et Forslund, 1991). En réduisant les pertes de revenus associées au chômage, elles exercent une pression à la hausse sur les salaires. Cet effet est dû à une augmentation des demandes de la part des syndicats, mais aussi parce que les employeurs sont incités à proposer des salaires plus attractifs pour la main-d’œuvre.

L’efficacité des politiques actives doit également être évaluée à long terme en tenant compte notamment du niveau de compétitivité du pays (taux de change par exemple) ou la charge budgétaire et les moyens permettant de financer de telles mesures (taxes, rationnement, déficit). Enfin, Calmfors (1994) souligne que les effets positifs des politiques actives sur le niveau de chômage doivent être nuancés, ceux-ci pouvant être d’un ordre purement comptable si la baisse observée du niveau de chômage équivaut à l’augmentation du nombre de participants dans le programme. De fait, une réduction globale du niveau de chômage peut dissimuler des conséquences négatives au niveau individuel.

Notes
10.

Cette courbe décrit la relation entre le taux d’emplois vacants (nombre d’emplois vacants rapporté à la population active) et le taux de chômage. Elle montre l’existence d’imperfections dans la réallocation des emplois puisqu’elle implique la présence simultanée de chômeurs et d’emplois vacants.

11.

Calmfors (1994) estime que ce résultat peut s’expliquer par le fait que la plupart des études réalisées s’intéressent au lien entre emplois vacants et chômage déclaré. Or, les individus placés en programme actifs ne sont pas comptabilisés en tant que chômeurs déclarés.

12.

Le cadre théorique des modèles d’appariement est particulièrement adapté à ce type d’analyse, l’objectif des dispositifs actifs étant de permettre une meilleure adéquation entre l’offre et la demande de travail, par le biais à la fois d’une meilleure circulation de l’information et par la formation (Jackman, Pissarides et Savouri, 1990).