1.3. Les problèmes posés par l’évaluation des politiques actives

Une grande partie des travaux portent sur les Etats-Unis et le Canada, lesquels ont une longue tradition d’évaluation des programmes du marché du travail, les autorités publiques ayant l’obligation légale d’évaluer leurs programmes. Rares sont les pays européens qui ont procédé jusqu’à une date récente à de telles évaluations. Les contraintes budgétaires rendant impérative l’utilisation plus rationnelle des dépenses publiques, certains pays comme la Norvège, le Royaume-Uni ou la Suède ont commencé à évaluer leurs politiques actives d’emploi au début des années 1990, la France qu’au milieu des années 1990.

Il convient de rester prudent quant à la généralisation des conclusions pouvant être tirées à la fois des études macro-économiques et micro-économiques. En effet, il existe des difficultés d’évaluation liées, d’une part, à la conception des programmes actifs, et d’autre part, aux méthodes d’évaluation elles-mêmes.

Premièrement, les programmes constituent rarement un ensemble stable. Ils changent constamment en totalité ou partiellement. Grubb (1995) souligne par exemple la forte tendance du Congrès des Etats-Unis à répondre à des problèmes spécifiques par un nouveau programme au lieu d’introduire de nouveaux objectifs dans les programmes existants 13 . Il en résulte une prolifération de dispositifs pouvant faire double emploi et se révéler « déroutants » pour les employeurs, les chômeurs et l’évaluateur (Martin, 2000).

Deuxièmement, il existe peu de données sur les effets à long terme des mesures actives. Certaines études effectuées aux Etats-Unis suivent les individus jusqu’à cinq à six ans après leur participation au dispositif (Grubb, 1995, 1999, Stanley et al., 1998). D’après Grubb (1999), les résultats des évaluations montrent notamment que pour les programmes de formation, tous les avantages qui ont pu être tirés d’une participation ont tendance à disparaître au bout de quatre ou cinq ans. Par ailleurs, les dispositifs ne concernent en général qu’un effectif de petite taille. Si les résultats se révèlent significatifs pour les participants, il est difficile de préciser quelle serait leur rentabilité si l’on augmentait leur taille ou leur couverture géographique. L’évaluation nécessite également de mesurer l’impact des mesures sur les non-participants. Ainsi, en ciblant une catégorie spécifique de chômeurs (les jeunes, les chômeurs de longue durée etc…) ces programmes sont susceptibles d’entraîner des conséquences négatives sur les salariés non concernés, qu’il s’agisse d’effet de substitution ou de déplacement. Enfin, l’utilisation d’une méthode d’évaluation particulière est susceptible de conditionner fortement les résultats (Heckman, Ichimura et Todd, 1998).

Outre la mise en perspective de leurs effets macro et micro-économiques, le débat sur l’efficacité des politiques actives d’emploi porte également sur la pertinence des mesures ciblées sur certaines catégories de chômeurs comme les travailleurs licenciés dans le cadre des conventions de conversion.

Notes
13.

L’OCDE (1999b) fait observer qu’en 1995, il y avait aux Etats-Unis 163 dispositifs fédéraux pour l’emploi et la formation des adultes et des jeunes sortis du système scolaire, administrés par 15 organismes contre 125 dispositifs en 1991. Ces chiffres ne tenaient pas compte des très nombreux dispositifs analogues au niveau des Etats.