1. Licenciement et retour à l’emploi : une question d’ajustement?

Avant de présenter l’impact d’un licenciement économique sur la durée de chômage, il convient d’identifier les groupes d’individus les plus exposés à un déplacement.

1.1. L’étendue du risque de déplacement

Bien qu’un déplacement est considéré comme un acte motivé par des conditions économiques, les études empiriques, principalement nord-américaines, ont mis en évidence que la probabilité d’être déplacé varie toutefois selon les caractéristiques individuelles, certaines catégories d’employés étant plus fortement exposées que d’autres à un licenciement économique. Les populations identifiées à risque sont ainsi les hommes, les individus de moins de 35 ans ou de plus de 54 ans et les moins éduqués (Farber, 1997, Polsky, 1999, Borland et McDonald, 2000). Ces travaux montrent également que la probabilité de licenciement est plus élevée dans les secteurs manufacturier ou du bâtiment, lesquels emploient en majorité des travailleurs peu qualifiés.

L’ancienneté dans l’emploi est souvent perçue comme une forme de « protection » contre le licenciement. Le système d’emploi américain est ainsi traditionnellement fondé sur un dualisme opposant d’une part les travailleurs disposant d’une certaine ancienneté dans l’emploi, peu menacés de mobilité involontaire, et d’autre part les travailleurs récemment embauchés, qui selon la règle du last-in first-out 22 sont les premières victimes d’un licenciement. La probabilité d’être déplacé se révèle ainsi inversement corrélée à l’ancienneté. Ce résultat, généralisé à un grand nombre de pays 23 , peut également refléter la qualité de l’appariement employeur-employé (Kuhn et Eberts, 2002).

Un déplacement n’est pas sans conséquence sur le marché du travail et n’affecte pas les parcours des individus concernés de la même manière. L’analyse de la spécificité des licenciés économiques par rapport aux autres types de chômeurs repose sur l’ampleur de leurs coûts de reclassement. Dans cette perspective, Ruhm (1991) a analysé les trajectoires des salariés déplacés aux Etats-Unis en distinguant les coûts ayant un effet persistant sur les trajectoires des licenciés économiques, définis en tant que « scar », des coûts qui n’ont qu’un effet transitoire, appelés « blemishe ». Concernant la durée de chômage, il montre que les suppressions d'emploi conduisent à des « blemishes ». Cet effet doit être nuancé si l’on observe les marchés du travail européens, notamment la France, où les effets d’un licenciement économique sur la durée du chômage apparaissent plus persistants.

Notes
22.

Selon cette doctrine du « dernier rentré, premier sorti », l’employeur peut licencier le salarié à tout moment, sans aucune justification, dès lors qu’il ne porte pas atteinte à ses droits individuels.

23.

Kuhn et al. (2002) examinent la situation des travailleurs déplacés dans dix pays industrialisés : Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, Pays-Pas, Danemark, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique et France.