3. Licenciement et retour à l’emploi : une question de réglementation? 

La protection de l’emploi permet tout d’abord de défendre les droits individuels des salariés, tels que la liberté d’opinion, la liberté syndicale ou le droit de grève. Mais elle est également justifiée par son impact sur le fonctionnement de l’économie en permettant d’améliorer l’équité et l’efficacité. Dans cette perspectives quatre justifications se distinguent : la protection du volume de l’emploi ; la protection des risques de perte de revenu ; la protection du pouvoir économique des salariés, c’est-à-dire de leur pouvoir d’achat et de leurs conditions de travail ; et la protection de la « valeur sociale » de l’emploi, qui peut différer de sa valeur privée dans la mesure où l’emploi est un élément essentiel du tissu social (Cahuc, 2003).

Les caractéristiques du marché du travail américain : mobilité du facteur travail et faible réglementation de l’emploi, ont souvent été considérées comme les causes d’un taux de chômage plus faible que celui des pays européens. Le statut légal des salariés aux Etats-Unis est perçu à travers la doctrine de l’« employment at will », selon laquelle les employés peuvent être licenciés sans qu’il n’y ait de préavis ou de versement d’indemnités de licenciement. Cette pratique n’est cependant pas utilisée de manière systématique 31 puisqu’une loi rendant obligatoire un préavis de 60 jours a été notamment votée en 1988 ; elle s’applique en cas de licenciement avec fermeture de l’établissement et de licenciement collectif.

Au contraire, l’intégration communautaire traduite notamment dans la directive sur l’information et la consultation des travailleurs, impose un « modèle continental », caractérisé par la consultation et l’élaboration d’un plan social. En Europe, le licenciement économique pour motif économique est encadré par la loi, qui à travers des procédures d’information, de consultation et d’appui de la part des pouvoirs publics, protège les salariés en soumettant les réductions d’effectifs à des restrictions strictes. Malgré l’existence de la directive communautaire ayant comme objectif d’harmoniser les règles en matière de licenciements collectifs pour motif économique, les législations et les pratiques nationales en la matière demeurent différentes. La France se singularise notamment par une relative complexité des procédures de licenciement et par l’accent mis sur les reclassements.

Les différences de modalités de licenciement et leurs implications en termes de coût de licenciement peuvent expliquer l’hétérogénéité des parcours des licenciés économiques sur le marché du travail. L’objet de la section suivante est de s’intéresser aux liens existants entre mesures de protection de l’emploi et trajectoires des licenciés économiques en mettant l’accent sur l’impact des coûts de licenciement sur la demande de travail et sur l’analyse des flux d’emploi et de main-d’œuvre.

Notes
31.

Muhl (2001) met en évidence deux exceptions de cette doctrine dans certains Etats, un licenciement est injustifié s’il n’a pas de justification ou s’il est inéquitable.