4.3.2. Un dispositif en France : les conventions de conversion

En 2001, un peu plus de 84 600 personnes ont bénéficié d’un des dispositifs de reclassement accompagnant une restructuration, soit une diminution de 17% par rapport à 2000 (Brégnier, 2003). Avec 74% des personnes entrées dans un dispositif d’accompagnement, les conventions de conversion représentent la mesure la plus importante en termes d’adhérents. Les autres mesures regroupent les conventions de cellule de reclassement, les conventions d’allocation temporaire dégressive, les conventions de formation et d’adaptation, les conventions d’aide au passage à temps partiel et les congés de conversion (cf. Annexe 1.Cpour une description plus précise de ces dispositifs). Tous les secteurs économiques recourent à ces dispositifs d’accompagnement, mais c’est l’industrie qui les sollicite le plus, en particulier les secteurs des biens de consommation et des biens intermédiaires. L’encadré n°1 présente plus précisément le dispositif des conventions de conversion.

Encadré n°1 : Présentation du dispositif : les conventions de conversion
Le dispositif des conventions de conversion a été mis en place en 1987 par un accord interprofessionnel prévoyant également la suppression de l’autorisation administrative de licenciement. L’accord a été renouvelé en 1993. Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent proposer à l’ensemble des salariés compris dans une procédure de licenciement économique, la possibilité d’adhérer à une convention de conversion afin de les aider à se reclasser. La convention est, pour le salarié, un droit inscrit dans le Code du Travail. Cette mesure a été supprimée dans le cadre de la mise en place du PARE en juillet 2001. Conçue pour favoriser un reclassement rapide et ainsi prévenir le chômage de longue durée, la mesure consiste en une prise en charge individualisée et immédiate, durant une période de six mois, des salariés licenciés pour motif économique. L’accès à ce dispositif est réservé aux personnes physiquement aptes à l’emploi, de moins de 57 ans, et ayant au moins deux ans d’ancienneté dans l’entreprise d’origine. Ces conditions d’accès permettent de cibler une population supposée à risque. Le contrat de travail est alors rompu mais le salarié n’est pas inscrit comme demandeur d’emploi.
Pendant six mois au maximum, il reçoit en plus des indemnités de rupture du contrat de travail, une allocation spécifique égale à 83.4% du salaire antérieur les deux premiers mois, puis à 70,4% les mois suivants. L’allocation minimale était au 1
er juillet 2001, de 22.88 euros par jour. Le salaire mensuel moyen constaté sur les entrées de juillet 2001 était de 197.33 euros, se traduisant par une indemnisation mensuelle moyenne, à l’entrée en convention de conversion, de 1 644.77 euros. En l’absence de ce dispositif, une entrée directe dans le régime d’assurance-chômage, pour un salarié au même niveau de salaire, aurait donné lieu à une allocation mensuelle moyenne initiale de 1 132.09 euros. Par ailleurs, l’adhérent bénéficie pendant un an à compter de la rupture du contrat de travail d’une priorité de réembauche dans l’entreprise à condition d’en faire la demande dans les quatre mois suivant la date de rupture du contrat de travail. L’employeur qui reçoit une telle demande doit informer son ex-salarié de tout poste disponible correspondant à sa qualification (voir Annexe 1.C pour une description plus précise du dispositif). Les Unités Techniques de Reclassement, après une évaluation des besoins peuvent prescrire une formation en entreprise ou en organisme de formation (un peu plus de la moitié des adhérents ont suivi une ou plusieurs formations dans la limité d’une durée maximum de 300 heures).

Par exemple en 1999, près de 230 000 personnes se sont inscrites à l’ANPE à la suite d’un licenciement économique (voir figure 4). Parallèlement, 100 000 personnes sont entrées en convention de conversion, soit approximativement 30% de l’ensemble des personnes licenciées recherchant un emploi. Cette part qui avait beaucoup augmenté depuis 1987, date de la création du dispositif, est devenue relativement stable à partir de 1996 (voir figure 5).

Figure 4 : Nombre d’inscriptions à L’ANPE après un licenciement économique et après une convention de conversion et nombre d’entrées en convention de conversion
Figure 4 : Nombre d’inscriptions à L’ANPE après un licenciement économique et après une convention de conversion et nombre d’entrées en convention de conversion
Figure 5 : Evolution de la part des entrées en convention de conversion dans les licenciements économiques
Figure 5 : Evolution de la part des entrées en convention de conversion dans les licenciements économiques

Sources : MES-DARES-ANPE, Statistiques du marché du travail

Si l’on reporte le nombre de licenciements au nombre d’adhérents, la faible attractivité du dispositif tient sans doute à un manque d’information sur la mesure. En effet, la non-adhésion n’est qu’en partie expliquée par les conditions réglementaires d’entrée dans le dispositif qui imposent deux ans d’ancienneté dans le dernier emploi occupé : cette condition élimine à peine plus de deux licenciés économiques sur cinq. En pratique, l’incidence de la réglementation est plus ou moins restrictive selon le contexte dans lequel s’effectuent les licenciements. Ainsi, pour les établissements concernés par une fermeture, tous les salariés sont licenciés sans sélection possible : 45% des personnels concernés sont écartés de la mesure en raison des conditions d’ancienneté. En cas de licenciement économique partiel, les établissements en général de grande taille saisissent l’opportunité du licenciement pour rajeunir leur pyramide des âges et licencient en priorité les personnes ayant une grande ancienneté : seulement un tiers des personnes licenciées n’a pas accès à la mesure. Au contraire, au sein des établissements de petite taille, plutôt concernés par les licenciements économiques individuels, ce sont les derniers entrés, c’est-à-dire ceux qui ont moins d’un an d’ancienneté, qui sont licenciés de façon préférentielle : dans ce cas, près de la moitié des personnes licenciées ne peuvent accéder au dispositif (Cloarec, 2000).

Les personnes non reclassées après une convention de conversion s’inscrivent en général à l’ANPE. Leur nombre est de 60 000 en 1999, ce qui conduit à un taux d’échec apparent de près de 60%, si on rapporte ces entrées à celles en convention de conversion six mois auparavant. 40% des adhérents retrouvent un emploi dès la sortie du dispositif ou ne s’inscrivent pas immédiatement à l’ANPE. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’ils diffèrent leur recherche d’emploi ou qu’ils renoncent.

Quelle catégorie de population au sein des licenciés économiques est effectivement attirée par une convention de conversion? Le tableau 5 présente les principales caractéristiques des adhérents à une convention de conversion pour les années 1999, 2000 et 2001.

Tableau 5 : Caractéristiques des adhérents à une convention de conversion

Caractéristiques

1999

2000

2001
(1)
       
Genre      
Hommes 46.9 46.6 44.7
Femmes 53.1 53.4 55.3
Age      
Moins de 25 ans 2.4 2.1 1.3
25-29 ans 11.8 10.7 8.4
30-34 ans 17.3 16.7 15.5
35-39 ans 17.2 17.9 17.8
40-44 ans 16.2 16.6 17.2
45-49 ans 15.6 16.1 16.7
50-54 ans 14.7 15.6 16.4
55 ans ou plus 4.9 4.3 6.8
Qualification      
Ouvriers non qualifiés 11.6 11.5 11.6
Ouvriers qualifiés 23.1 18.3 15.5
Employés non qualifiés 9.2 10.1 9.6
Employés qualifiés 33.0 35.7 40.9
Techniciens, agents de maîtrise 14.7 14.8 10.4
Cadres, ingénieurs 8.4 9.6 12.0
Activité économique      
Agriculture, sylviculture, pêche 1.2 1.2 1.3
Industrie 39.1 38.5 39.4
Construction 5.9 5.8 4.7
Commerce 22.9 21.6 22.7
Services 30.9 32.9 31.9
Effectifs 100 177 75 392 55 489
(1) Situation à fin juillet 2001

Source : Unédic (proportions exprimées en %)

On observe ainsi qu’en 2001, l’âge moyen des bénéficiaires de convention de conversion tend à s’élever. Les nouveaux adhérents sont plus âgés, la part des 40 ans a augmenté de 4.5 points en un an. La tendance à la féminisation du dispositif se poursuit, les femmes représentant plus de 55% des adhésions. Ce mouvement va de paire avec une augmentation constante de la part des employés au détriment de celle des ouvriers. Parmi les nouveaux bénéficiaires de 2001, un sur quatre est un ouvrier contre la moitié en 1987. Les entrées en convention de conversion proviennent principalement du secteur de l’industrie, toutefois un tiers des bénéficiaires a exercé son dernier emploi dans le secteur des services et plus d’un sur cinq dans celui des commerces. De plus, selon l’ANPE sur l’ensemble de l’année 2001, 49,8% des adhérents ont bénéficié d’une formation.

Fin juillet 2001, avec environ 55 000 adhérents, les conventions de conversion, bien que supprimées dans le cadre de la mise en place du PARE (voir Annexe 1.C pour une description plus précise du PARE), demeurent la mesure la plus souvent mise en œuvre. Fin décembre 2001, il n’y avait plus que 10 200 allocataires contre 29500 un an auparavant, soit une baisse de 65%. Cette baisse importante est due pour une large part à l’extinction des conventions de conversion : seuls les salariés licenciés concernés par un licenciement antérieur à juillet 2001 demeurent alors éligibles. Malgré une progression notable des plans sociaux (le nombre de plans sociaux est passé de 890 en 2000 à 1053 en 2001, soit une progression de 18%), les entrées dans les autres mesures ont peu augmenté. En effet, le retournement conjoncturel, intervenu au cours de l’année 2001, a eu des effets sensibles sur le nombre de plans sociaux déposés, mais ne s’est pas immédiatement traduit par des mesures effectives auprès des salariés potentiellement touchés (Brégnier, 2003).

Après avoir mis en évidence les conditions d’entrée légales dans le dispositif, la section suivante a pour objectif, ce dispositif n’étant pas obligatoire, d’analyser les déterminants de l’adhésion à une convention de conversion. Nous présentons tout d’abord les deux bases de données utilisées et les statistiques descriptives respectives à nos deux sous-échantillons.