4.4. Probabilité d’adhérer à une convention de conversion 

L’application économétrique est conduite à partir des données individuelles issues de deux enquêtes élaborées par la DARES.

4.4.1. Présentation des bases de données et construction des échantillons

L’encadré n°2 présente les deux enquêtes mobilisées tout au long de cette thèse (voir Annexe 1.D pour une présentation plus étendue de la construction des deux enquêtes) : « Trajectoires des Demandeurs d’Emploi et Marché Local du Travail » et « Trajectoires des Adhérents à une Convention de Conversion ». Leur originalité réside dans la sélection d’individus entrant à l’ANPE à une certaine date, à un moment donné et non pas d’individus inscrits à la date de l’enquête. Ainsi les raisonnements portent sur des flux et non sur des stocks. Les deux enquêtes offrent un grand nombre de variables telles que : les caractéristiques individuelles et familiales, les trajectoires professionnelles précédant l’inscription à l’ANPE. Ce dernier type d’information permet de déterminer précisément quelle est la cause de départ de l’ancien emploi : démission, fin de contrat (CDD), licenciement économique (avec une distinction des causes : individuel, collectif avec et sans fermeture de l’entreprise). Les autres variables concernent le parcours de formation initiale, l’ancien emploi (ancienneté, qualifications, salaires…). Par ailleurs, de nombreuses variables sont liées aux contraintes spatiales des individus telles que la localisation résidentielle ou leur proximité aux emplois. Elles permettent de prendre en compte l’environnement des individus.

Afin d’évaluer l’éventuelle présence d’un biais de sélection à l’entrée d’une convention de conversion, nous avons sélectionné, à partir de la première enquête, un échantillon de contrôle composé des demandeurs d’emploi ayant été licenciés pour motif économique (les individus concernés par un licenciement collectif avec et sans fermeture d’emploi ou un licenciement individuel). Afin qu’il soit comparable en termes de caractéristiques individuelles à celui des bénéficiaires, il ne diffère de celui-ci que par le fait d’avoir adhéré ou non à une convention de conversion. Il est donc composé d’individus qui auraient pu bénéficier d’une convention de conversion, et qui donc respectent les conditions d’accès au dispositif, c’est-à-dire les personnes de moins de 57 ans, licenciées pour motif économique et ayant au moins deux ans d’ancienneté dans le dernier emploi occupé.

Encadré n°2 : Présentation des deux enquêtes
La première enquête, « Trajectoires des Demandeurs d’Emploi et Marché Local du Travail » (TDE), a été menée auprès des demandeurs d’emploi qui se sont inscrits à l’ANPE entre avril et juin 1995 et a pour but de suivre leurs trajectoires professionnelles jusqu’en 1998 (voir précisions sur l’enquête, Annexes 1.D ). Trois vagues d’interrogation ont été successivement menées en 1996, 1997 et 1998 permettant de reconstituer le parcours des individus de l’échantillon mois par mois. Le champ de l’enquête concerne 8125 individus sélectionnés pour la première vague, 6480 pour la deuxième et 5262 pour la troisième (attrition de l’échantillon initial). Les personnes interrogées résident dans huit zones géographiques (zones d’emploi) se trouvant dans trois régions de France : Cergy-Pontoise, Mantes, Poissy les Mureaux (région Ile-de-France), Roubaix et Lens (région Nord-Pas-de-Calais), Aix-en-Provence, l’Etang de Berre et Marseille (région Provence-Alpes-Côte-d’Azur). En complément et parallèlement à cette première enquête, une deuxième a été réalisée (à peu près dans les mêmes conditions et avec des questionnaires similaires) sur des individus adhérant à une convention de conversion. C’est l’enquête : « Trajectoires des Adhérents à une Convention de Conversion ». Il est possible de prendre en compte l’environnement (contexte local) de l’individu dans les estimations. Cependant, les analyses concernant nos deux échantillons ne pourront porter sur les huit zones d’emploi qui ne sont distinguées que dans la première enquête. Par ailleurs, il faut noter que ces enquêtes ne concernent qu’un échantillon particulier, probablement non représentatif de l’ensemble des chômeurs licenciés au niveau national.

L’échantillon total regroupant les deux sous-groupes est de 1912 observations. Il convient également de noter l’existence possible d’un biais de sélection lié au fait que les données ne nous permettent de considérer que les licenciés économiques qui sont entrés au chômage et non ceux qui ont été directement reclassés par exemple par mutation. Ainsi, les estimations proposées ne tiennent pas compte des flux d’emploi à emploi. Le tableau 6 présente les statistiques descriptives pour les deux sous-échantillons : non-adhérents et adhérents.

Tableau 6 : Description statistique des variables des deux sous-échantillons

Proportion d’individus ayant la caractéristique (en %) :

Non – adhérents

Adhérents
     
Moins de 25 ans 7.87 6.24
Entre 26 et 39 ans 50.44 45.74
Entre 40 et 49 ans 30.49 33.56
Supérieur à 50 ans 11.20 14.46
Femme 54.10 55.84
Nationalité française 77.94 84.95
Veuf 8.65 9.71
Marié 72.62 76.73
Célibataire 18.74 14.16
Niveau d’études    
Etudes primaires 12.74 12.87
1er cycle enseignement général 13.97 11.30
2e cycle enseignement général 9.19 7.72
Enseignement technique court 41.68 41.10
Enseignement technique long 8.12 8.99
Enseignement supérieur 14.30 18.02
Durée du dernier emploi en années    
Ancienneté [2 ;3 [ 22.82 5.94
Ancienneté [3 ;5 [ 24.85 30.30
Ancienneté [5 ; 10[ 25.46 33.17
Ancienneté [10 et +[ 26.87 30.59
PCS du dernier emploi    
Ouvrier non qualifié 23.98 17.47
Ouvrier qualifié 22.17 22.19
Employé 32.29 32.90
Profession intermédiaire 14.97 17.72
Cadre supérieur 6.59 9.72
Cause de licenciement    
Licenciement collectif sans fermeture 29.60 39.21
Licenciement collectif avec fermeture 30.71 29.70
Licenciement économique individuel 39.69 31.09
Tableau 6 : Description statistique des variables des deux sous-échantillons (suite)

Proportion d’individus ayant la caractéristique (en %) :

Non – adhérents

Adhérents
     
Région    
Ile-de-France 35.37 33.07
Nord-Pas-de-Calais 28.16 33.27
Provence-Alpes-Côte d’Azur 36.47 33.66
Secteur d’activité du dernier emploi    
Agriculture 1.98 3.01
Industrie 32.21 34.22
Construction 18.42 15.17
Commerce 21.63 21.74
S ervices 25.76 25.86
Taille de l’ancienne entreprise    
Taille entreprise : 1 à 49 salariés 65.12 65.96
Taille entreprise : 50 à 99 salariés 10.15 12.50
Taille entreprise : 100 à 199 salariés 7.05 8.01
Taille entreprise : + de 200 salariés 17.68 13.53
Nombre d’observations 902 1010
Distance domicile-aires urbaines    
Proche : [0 à 15 km[ 39.2 45.8
Assez éloigné : [15 à 45 km[ 49.2 42.1
Très éloigné : [45 à 65 km[ 11.6 12.1
Distance domicile-ALE    
Proche [0 à 4 km[ 65.9 87.4
Eloigné [4 et plus[ 34.1 12.6
Posséder une automobile 75.9 82.4
Recevoir des allocations d’aide au logement 38.4 25.5
Nombre d’observations 45 706 961

Si l’on compare l’échantillon des adhérents à une convention de conversion à celui des non-adhérents, on constate que le premier est composé d’individus plus âgés (14.5% ont plus de 50 ans contre 11% des non-adhérents), mariés (77%) et plus éduqués (18% ont accédé à l’enseignement supérieur contre 13% des non- adhérents). Concernant l’emploi précédent, les adhérents ont un niveau d’ancienneté plus élevé (30% ont plus de 10 ans d’ancienneté, contre 27% des non-adhérents), 10% d’entre eux étaient cadre supérieur (6% pour les non-adhérents), mais dans les deux cas ce sont les employés qui sont le plus représentés (environ 32%). Le secteur de l’industrie (environ 33%) et les entreprises de petite taille (environ 65%) sont les plus représentés. 69% des adhérents ont subi un licenciement collectif (59% des non-adhérents) et 31% ont connu un licenciement économique individuel (39% des adhérents).

Si l’on compare à présent la première colonne (année 1999) du tableau 5 présentant les caractéristiques des adhérents à une convention de conversion sur toute la France et la deuxième colonne du tableau 6 (année 1995), on peut voir que les proportions de femmes (55%) et la répartition des activités économiques sont assez proches. Notre échantillon est toutefois composé d’individus plus âgés, avec 14.5% des individus ayant plus de 50 ans, ce pourcentage s’élevant à 19.5% pour l’échantillon global. La proportion d’ouvriers s’élève à 17.5% dans notre échantillon, alors qu’elle n’est que de 11.6% pour l’échantillon national. Il existe en moyenne peu de différences entre notre échantillon restreint et celui des adhérents à une convention de conversion sur le marché du travail français.

Par ailleurs, les contraintes spatiales subies par les individus peuvent influer à la fois sur le processus de recherche d’emploi et sur la participation à un dispositif de reclassement (Fredriksson et Johansson, 2003). Dans le cas des licenciés économiques, la suppression de poste peut résulter d’un contexte local en déclin (secteur, chômage régional) ce qui peut conduire les individus désirant retrouver un emploi comparable au précédent à consentir une mobilité spatiale. Les individus moins mobiles (famille, propriétaires etc…) peuvent au contraire choisir de participer à une convention de conversion afin de pouvoir bénéficier des contacts entre les Unités Techniques de Reclassement (UTR) et les employeurs locaux. La construction de certaines variables spatiales introduites dans les estimations nécessite d’en préciser le contenu. Conformément à l’hypothèse de spatial mismatch (Kain, 1968), le taux d’arrivée des offres d’emploi varie selon le lieu de résidence en fonction de la proximité aux emplois, ces derniers n’étant pas distribués uniformément dans l’espace. La distance aux Agences Locales pour l’Emploi (ALE) permet d’évaluer la proximité de l’individu aux opportunités d’emploi relevant de la zone de compétence de l’ALE dont il dépend. Cette distance a été évaluée en recoupant les informations des enquêtes (notamment le lieu du domicile) avec le fichier des zones de compétences des 840 ALE fournit par l’ANPE. On calcule sur cette base une distance à vol d’oiseau entre la commune de résidence et l’ALE dont dépend la commune ou le quartier de résidence 46 . Au-delà des opportunités d’emploi de la zone de compétence de l’ALE, la distance aux emplois occupés influence l’accès à l’emploi en affectant la circulation de l’information à la fois directement et par le biais du réseau social. Les bassins d’emploi sont ici appréhendés par le biais des Aires Urbaines (Zonage en Aires Urbaines mis en place par l’INSEE, Le Jeannic, 1996) qui permettent de délimiter des zones de plus petite taille, cohérentes du point de vue des migrations alternantes 47 . Dans le cas des pôles urbains limités à une commune centre, on a calculé une distance à vol d’oiseau entre la commune centre et la localisation de l’individu 48 .

On peut ainsi noter que plus de 87% des adhérents (seulement 66% pour les non-adhérents) sont domiciliés à proximité d’une agence locale de l’ANPE (moins de 4 km), mais que 54% d’entre eux (61% pour les non-adhérents) sont assez ou très éloignés du centre des emplois (de 15 à 65 km). Par ailleurs, 87% de la population des adhérents possèdent un véhicule (76% des non-adhérents), cette variable permet d’appréhender les contraintes de déplacement voire de mobilité rencontrées par les chercheurs d’emploi. Les premiers résultats descriptifs semblent notamment confirmer le fait que la nature du licenciement, l’ancienneté et les contraintes spatiales peuvent influencer l’adhésion au dispositif.

La section suivante présente le modèle et les résultats de l’estimation des déterminants de l’adhésion à une convention de conversion.

Notes
45.

Pour les variables spatiales, l’échantillon renseigné est restreint.

46.

Les 840 Agences Locales de l’ANPE implantées sur le territoire national de l’emploi couvrent 398 bassins d’emploi. La notion de bassin d'emploi utilisée est celle définie par l'ANPE. Il s'agit de regrouper les différentes Agences Locales dont les zones de compétence sont inclues sur un même bassin d'emploi au sens INSEE afin de rapprocher l'activité de l'Agence du fonctionnement effectif des marchés locaux de l'emploi. Les regroupements opérés portent essentiellement sur les grandes agglomérations où plusieurs agences locales se partagent un même grand bassin d'emploi. En ce qui concerne les villes moyennes, il existe une quasi-correspondance entre zone de compétence de l'Agence et bassin d'emploi.

47.

Au sens de la partition géographique du territoire national retenue par l’INSEE, un pôle urbain est une unité urbaine qui offre au moins 5000 emplois sur son territoire et qui n’est pas sous la dépendance directe d’un pôle voisin plus important. Une unité urbaine de plus de 5000 emplois est dépendante d’une autre unité urbaine voisine quant au moins 40% de la population active qui réside dans la première travaille dans la seconde et les communes qui ont été préalablement agrégées sur la base du même critère de 40% de migrants alternants.

48.

Pour les pôles urbains ayant plusieurs communes centres (cas de Lille, Béthune et Valenciennes dans notre échantillon), on a calculé une distance moyenne aux communes centres pondérée par les emplois présents dans chaque commune centre (somme des distances euclidiennes à vol d’oiseau multipliées par l’effectif des emplois dans chaque commune centre).