4.4.2. Déterminants de l’adhésion à une convention de conversion

La probabilité d’adhérer au dispositif est estimée à partir d’un modèle probit. Le passage par une convention de conversion est représenté par une variable indicatrice T qui prend la valeur 1 si le chômeur licencié adhère à une convention, et la valeur 0 sinon. Cette variable est supposée être déterminée par un indice latent T * lui-même linéairement dépendant d’un vecteur de variables explicatives Z et d’un résidu v, de sorte que l’on peut écrire :

Le tableau 7 présente les résultats des estimations du modèle probit et les effets marginaux associés. Les variables explicatives introduites permettent de mettre en évidence l’impact des caractéristiques individuelles, du passé professionnel et des contraintes spatiales (colonne 2) sur la participation à une convention de conversion.

Tableau 7 : Probabilité d’adhérer à une convention de conversion
Variables
Coefficients
(T de student)
Effets marginaux
(T de student)
Coefficients (1)
(T de student)
Effets marginaux (1)
(T de student)
Constante -1.1765 -0.4122 -1.8618 -0.7127
(8.172)*** (8.035)*** (9.166)*** (8.964)
Femme de moins de 25 ans -0.0843 -0.0335 -0.0422 -0.0162
(0.444)ns (0.444)ns (0.175)ns (0.175)ns
Femme entre 25 et 39 ans -0.2462 -0.0951 -0.0401 -0.0192
(3.222)*** (3.048)*** (0.418) ns (0.522)ns
Nationalité française 0.2645 0.1074 0.282507 0.1092
(3.291)*** (3.348)*** (2.791)*** (2.822)***
Ouvrier qualifié 0.1105 0.0427 0.0699 0.0245
(1.295)ns (1.254)ns (0.681)ns (0.647)ns
Employé 0.2069 0.0836 0.1694 0.0644
(2.548)*** (2.605)*** (1.707)* (1.692)*
Profession intermédiaire 0.1385 0.0543 0.1673 0.0642
(1.098)ns (1.080)ns (1.014)ns (1.023)ns
Cadre supérieur 0.3061 0.1153 0.2112 0.0839
(2.354) ** (2.189)** (1.712) * (1.408)ns
Niveau d’études d’enseignement supérieur 0.3353 0.1353 0.3447 0.1295
(3.658)*** (3.696)*** (2.978)*** (2.930)***
Ancienneté dans l’emploi précédent [3 ; 5 ans[ 1.0887 0.4332 1.0887 0.4174
(10.683)*** (10.668)*** (8.803)*** (8.773)***
Ancienneté dans l’emploi précédent [5 ;10 ans[ 1.1493 0.4547 1.0924 0.4157
(11.375)*** (11.627)*** (8.895)*** (8.805)***
Ancienneté dans l’emploi précédent [10 ans et plus[ 1.0574 0.4161 1.1722 0.4462
(10.163) *** (9.934)*** (9.221) *** (9.131)***
Taille de l’ancienne entreprise : 100 à 199 salariés -0.0281 -0.0117 -0.0224 0.0107
(0.345)ns (0.365)ns (0.224)ns (0.280)ns
Taille de l’ancienne entreprise : plus de 200 salariés -0.3996 -0.1611 -0.5017 -0.1959
(4.445)*** (4.491)*** (4.633)*** (4.724)***
Licenciement collectif sans fermeture 0.3004 0.1611 0.2921 0.1321
(3.296)*** (4.589)*** (2.913)*** (3.813)***
Licenciement économique individuel -0.2382 -0.1014 -0.2522 -0.1038
(1.753)** (3.340)*** (1.873) ** (1.909)**
Secteur d’activité du dernier emploi : agriculture 0.9195 0.3614 1.0051 0.4166
(2.593)*** (2.564)*** (2.484)*** (2.571)
Secteur d’activité du dernier emploi : industrie 0.1183 0.0479 0.1229 0.0477
(1.714)* (1.714)* (1.721)* (1.486)ns
Région Nord 0.1197 0.0486 0.0874 0.0345
(1.742)* (1.773)* (0.958)* (0.992)ns
Posséder une automobile ( - )   0.2691 0.1448
      (2.887)*** (3.206)***
Recevoir des allocations d’aide au logement ( - )   -0.2837 -0.1091
      (3.448) *** (3.470)***
Distance domicile-aires urbaines : proche [0 à 15 km[ ( - )   0.3372 0.1321
      (4.0232)*** (4.120)***
Distance domicile-ALE : proche [0 à 4 km[ ( - )   0.8721 0.3318
      (6.714)*** (6.674)***
Nombre d’observations : 1912   1667  
Log-vraisemblance -1193.297   -794.093  
Ratio de vraisemblance (2) 257.897***   330.101***  
% de prédictions correctes 66   72  
(***) significatif au seuil de 1% ; (**) significatif au seuil de 5% ; (*) significatif au seuil de 10% ; (ns) non significatif ; (2) Ratio de vraisemblance =2(LnL-LnLR), avec LR la fonction de vraisemblance restreinte.
(1) : estimation avec contraintes spatiales incluses. D’autres variables caractéristiques des conditions d’accès aux modes de transport ont été introduites dans l’estimation sans apporter de contribution statistiquement significative.

Le commentaire des résultats obtenus est effectué à partir de l’analyse des effets marginaux. La probabilité d’adhérer à une convention de conversion croît avec le niveau d’études, l’ancienneté, et est plus faible pour les travailleurs préalablement employés dans des établissements de plus de 200 salariés. Comme l’a montré Carrington (1993), les licenciés économiques anciens connaissent des coûts de reclassement plus élevés notamment dus à une perte de capital humain spécifique. Ces individus sont donc plus incités à bénéficier de l’aide à la recherche (aide à la préparation d’entretien) et des offres de formation (stages au sein d’entreprise ou en organisme de formation) proposées dans le cadre d’une convention de conversion. Les salariés qualifiés tels que les employés et les cadres supérieurs ont une probabilité plus forte d’adhérer au dispositif (par rapport aux ouvriers non qualifiés). Les travailleurs de la région Nord-Pas-de-Calais (par rapport aux régions Ile-de-France et PACA) et ayant la nationalité française adhèrent plus fréquemment à une convention de conversion. Les salariés issus du secteur de l’industrie adhèrent également plus à une convention de conversion. Ce secteur étant plus à même de connaître une récession, les salariés licenciés peuvent être incités à participer à une convention de conversion pour accéder aux formations et préparer une éventuelle reconversion. Enfin, les individus percevant des allocations d’aide au logement, cette variable permettant de contrôler indirectement le niveau de vie des individus, ont une plus faible propension à adhérer au dispositif.

Si l’on prend en compte les contraintes spatiales que subissent les individus (voir colonne 2 du tableau 7), on observe que les individus qui résident près des emplois (entre 0 et 15 km) ainsi que des ALE (entre 0 et 4 km) ont une plus forte probabilité d’adhérer à une convention de conversion. En participant au dispositif, ces salariés ont plus de chances de recevoir des opportunités d’emploi proches de leur domicile, sachant que les Unités Techniques de Reclassement (UTR) sont principalement en relation avec les entreprises locales. Les individus ayant de faibles contraintes de déplacement (posséder un véhicule) adhèrent également plus à la mesure. Le fait de percevoir des allocations d’aide au logement peut également refléter indirectement la situation des locataires. Contrairement aux propriétaires, ils peuvent être plus mobiles et chercher un emploi au-delà du périmètre d’action des UTR. En résumé, les personnes qui présentent de faibles contraintes spatiales, et a priori les moins mobiles, sont plus susceptibles de participer à une convention de conversion.

Par ailleurs, une attention particulière a été accordée à la cause de licenciement, conformément aux résultats mis en évidence par Gibbons et Katz (1991) et par Margolis (2002) pour la France. On observe ainsi que la probabilité d’adhérer à une convention de conversion est plus élevée pour les travailleurs ayant subi un licenciement collectif sans fermeture d’établissement, mais est moins forte pour les licenciés économiques individuels par rapport aux individus qui ont subi un licenciement collectif avec fermeture. Ces deux premiers types de licenciement pouvant être considérés comme plus sélectifs, on peut penser que les salariés concernés sont incités à accéder au dispositif, s’ils ont conscience de l’éventuel effet de signal lié à la suppression de leur poste. Ces travailleurs intégreront le dispositif afin d’améliorer la qualité de leur signal en termes de productivité sur le marché du travail, à travers notamment une formation. Pour expliquer le cas des licenciés économiques individuels qui ont une plus faible propension à devenir adhérents, nous avons regardé comment se répartissait ce groupe notamment en fonction de l’ancienneté dans l’emploi précédent. On observe qu’en moyenne ces individus ont un niveau d’ancienneté plus faible (seulement 15% des licenciés économiques ont 10 ou plus d’ancienneté, ce chiffre est de 33% pour les licenciés sans fermeture de l’établissement) par rapport aux autres catégories de licenciés. La plupart des travaux ont mis en évidence l’effet pénalisant de l’ancienneté sur le retour à l’emploi, son impact peut expliquer la différence de comportement entre licenciés sans fermeture d’établissement et licenciés économiques individuels. Ainsi, l’ancienneté dans l’emploi précédent accentue l’effet de signal lié à un licenciement sélectif.