1.1. Le modèle de base de recherche d’emploi

La présentation de la théorie de la recherche d’emploi qu’offre cette section se veut la moins formalisée possible, l’objectif étant de pouvoir appréhender par la suite les questions relatives à la prise en compte des contraintes spatiales dans le processus de recherche d’emploi. Dans sa version de base, le modèle de recherche d’emploi considère la situation à laquelle fait face un salarié au chômage à la recherche d’un emploi (Lippman et Mc Call, 1976) : il reçoit des offres d’emploi et subit des coûts de recherche. Lorsqu’une offre lui est faite, il l’accepte ou il la rejette, et dans ce dernier cas il continue sa prospection. On suppose que l’individu à la recherche d’un emploi maximise la valeur actualisée de la somme de ses revenus futurs en horizon infini et qu’il est neutre face au risque. Il bénéficie d’un revenu représenté par les indemnités chômage. Il subit par ailleurs des coûts de recherche qui prennent trois formes :

  • les coûts d’identification des entreprises, de visite, de transport et de présentation personnelle aux entretiens ;
  • les coûts d’opportunité liés au temps consacré à la recherche ;
  • le coût psychologique en termes d’incertitude liée à la position de demandeur d’emploi (Stigler, 1962).

Dans un tel modèle, le taux instantané de sortie du chômage, ou taux de hasard, est constant au cours du temps. Le salaire de réserve augmente et le taux de sortie du chômage diminue lorsque le revenu du chômeur croît et que les coûts de recherche baissent. Lorsque le taux d’arrivée des offres augmente, le salaire de réserve augmente. Dès lors, la résultante de ces effets totaux sur le taux de sortie du chômage est ambiguë. En effet, le taux d’arrivée des offres a un effet direct positif sur le taux de sortie du chômage et un effet indirect négatif induit par la hausse du salaire de réserve. Enfin, quand le taux de préférence pour le présent augmente, le salaire de réserve diminue et le taux de sortie augmente. L’encadré n°1 présente le modèle élémentaire de recherche d’emploi.

Encadré n°1 : Le modèle élémentaire de recherche d’emploi
Encadré n°1 : Le modèle élémentaire de recherche d’emploi

Le modèle élémentaire de recherche d’emploi a été étendu dans plusieurs directions afin d’appréhender les différentes dimensions du comportement de prospection :

  • en intégrant une probabilité de non renouvellement du contrat de travail (Burdett et Mortensen, 1980) pour la recherche en situation d’emploi ;
  • en rendant l’effort de recherche déployé par les demandeurs d’emploi endogène (Mortensen, 1986), en remettant en cause l’hypothèse de neutralité face au risque ou de durée illimitée de l’emploi accepté ou encore de constance du salaire de réserve (Van den Berg, 1990) ;
  • ou enfin en intégrant le rôle des intermédiaires de recherche (Bull, Ornati et Tedeshi, 1987 ; Fougère, Pradel et Roger, 1996).

La littérature a également introduit l’effet des attributs personnels des chômeurs et des stratégies de prospection déployées au cours du processus de recherche. Ces différents amendements ont notamment permis de rendre compte de l’hétérogénéité des comportements de recherche des individus sur le marché du travail. L’introduction de l’environnement spatial dans les modèles de recherche d’emploi va également dans ce sens en complétant l’analyse du comportement de prospection des salariés. Dans sa « parabole des îles », Phelps (1970) fait référence à la dimension spatiale dont la résultante est l’existence de coûts associés à la mobilité déployée au cours de la recherche d’emploi pour la production d’information. « J’ai trouvé instructif de peindre l’économie comme un groupe d’îles entre lesquelles les flots d’information ont un coût. Pour connaître le salaire offert sur l’île adjacente, le travailleur doit consacrer une journée à voyager vers cette île pour comparer son salaire au lieu de passer une journée au travail ». Phelps (1970) montre ainsi que lorsqu’une récession économique touche l’archipel et si les travailleurs pensent que la récession est propre à leur île, il peut être rationnel de leur part de mettre en œuvre une stratégie de recherche pour localiser les meilleures opportunités d’emploi et ainsi accéder à l’océan de prospérité. Les individus peuvent donc prospecter au sein de leur île ou bien à l’extérieur s’ils pensent que les salaires proposés dans les autres îles sont plus élevés.

Quoique restée peu explorée par le passé, la dimension spatiale a été incorporée dans des travaux récents cherchant à rendre compte de l’influence des inégalités spatiales existant sur le marché du travail sur l’efficacité de la recherche d’emploi.