1.2.2. Espace et information

Selon Kahn et Low (1990), la recherche d’emploi est avant tout une recherche d’information. La collecte de cette information sur les postes vacants, rendue indispensable par la forte incertitude régnant sur le marché du travail, dépend pour ces auteurs, non seulement de l’effort de recherche mais aussi des modes de recherche mobilisés par les individus. Les individus étant plus ou moins localisés à proximité des emplois, ont un accès différent à l’information. Il y a notamment une concentration géographique des emplois relativement à la population. L’existence de marchés locaux de l’emploi renforce l’hypothèse que l’espace est loin d’être uniforme, et qu’il se structure en zones géographiques. Les définitions statistiques des zones d’emploi, en usage dans la plupart des pays, reposent sur l’exploitation des navettes domicile-travail permettant d’identifier des pôles et d’agréger des communes autour de ces pôles. Les individus se trouvant géographiquement proches des emplois possèdent une meilleure information sur ces derniers. Wasmer et Zénou (1997) montrent que les individus localisés loin des centres ont plus de difficultés à trouver un emploi. La dispersion spatiale des individus est un déterminant direct d’asymétrie d’information, la distance interagissant avec la diffusion de l’information.

Les individus résidant loin des emplois ont une information sur le marché du travail plus pauvre que ceux qui vivent à proximité des emplois. Par exemple, certaines entreprises annoncent leurs emplois en utilisant uniquement des supports locaux d’information (journaux ou affiches posées sur leurs vitrines), ce qui exclut les candidats vivant loin de ces emplois (Turner, 1997). Ceci est particulièrement vérifié pour les jeunes et les travailleurs moins qualifiés qui ont plus souvent recours à des moyens de recherche plus informels pour trouver un emploi (Holzer, 1987). De plus, les demandeurs d’emplois ont plus de difficultés à identifier les employeurs potentiels dans des zones distantes qu’ils ne connaissent pas (Ihlandfeldt et Sjoquist, 1990). Cela implique des coûts de recherche plus élevés.

L’éloignement des emplois est également susceptible d’avoir une forte implication en termes de réseaux sociaux. Un grand nombre d’emplois sont trouvés par l’intermédiaire d’amis ou de membres de la famille, surtout pour les non-qualifiés. Environ la moitié des emplois aux Etats-Unis ont été trouvés via des contacts personnels. Ainsi parmi les jeunes entre 16 et 23 ans, 66% d’entre eux ont utilisé des réseaux informels de recherche, alors que seulement 11% utilisent les agences locales pour l’emploi et 10% les journaux (Holzer, 1988) 51 . Les réseaux de contacts personnels servent de relais d’information sur les différentes opportunités sur le marché du travail (Margolis et Simonnet, 2002). L’information se transmet généralement de bouche à oreille, et dans de nombreux cas, cette méthode constitue une alternative importante à la recherche d’emploi par des méthodes plus formelles. Dès lors, le statut des amis et des membres de la famille du chômeur devient important. Si ce dernier vit dans des quartiers éloignés des emplois, alors la probabilité qu’il ait des amis et des membres de sa famille eux-mêmes au chômage est plus élevée. Il sera alors plus difficile d’obtenir de leur part de l’information sur les emplois disponibles. Les moyens de recherche informels se révèlent également plus efficaces dans un espace restreint (Holzer et al., 1994).

Les difficultés d’accès aux emplois dégradent les performances sur le marché du travail. Il est important de vérifier si cette hypothèse conserve sa pertinence en Europe.

Notes
51.

Dans l’enquête TDE, on observe qu’en moyenne entre 40 et 50% des individus déclarent mobiliser leur réseau pour rechercher un emploi.