1.3.1. Localisation des emplois et coûts de la recherche

A partir d’un modèle de recherche stationnaire, Holzer, Ihlandfeld et Sjoquist (1994) ont cherché à identifier, pour les jeunes noirs et les jeunes blancs, les relations entre la recherche d’emploi, les déplacements domicile-travail et la localisation des emplois 52 . Dans leur modèle, les individus déterminent, à chaque période, la distance optimale à parcourir pour accéder à des opportunités d’emplois en comparant la recette marginale et le coût marginal de la prospection. La probabilité de recevoir une offre d’emploi acceptable est définie comme une fonction croissante de la distance parcourue et sa fonction réciproque détermine la durée escomptée de séjour dans l’état de chômage conditionnelle à la distance de prospection optimale. A l’équilibre, toute augmentation du coût unitaire de déplacement réduit la distance de prospection et par là même le taux de sortie du chômage. De plus, la prise en compte des pratiques discriminatoires des employeurs à l’égard des noirs réduit le rendement attendu d’une augmentation de la distance de prospection pour ces derniers. Or, de par la décentralisation des emplois en périphérie, ces individus supportent également par leur localisation en centre-ville les contraintes de coût de déplacement les plus fortes.

Les estimations économétriques effectuées sur données américaines ne réfutent pas les prédictions du modèle de recherche. Elles font clairement apparaître que l’absence de possession de voitures pour les noirs ainsi que leur concentration dans le centre-ville réduisent de manière sensible leur distance de recherche et de ce fait augmentent leur risque de survie dans l’état de chômage. L’élasticité de la durée de chômage à l’éloignement des emplois est ainsi trois fois plus élevée pour les travailleurs noirs que pour les blancs. L’ensemble de ces éléments conduit finalement à souligner le caractère discriminant du gain marginal lié à la distance parcourue pendant la prospection.

A partir d’une estimation non-paramétrique puis paramétrique de modèles de durée, Rogers (1997) s’est également intéressée à la question du spatial mismatch. L’analyse porte sur l’influence des coûts de transport, des coûts de recherche et de la distribution spatiale des emplois sur la durée des épisodes de chômage. Dans le modèle proposé, le taux d’arrivée des offres λ est une fonction décroissante de la distance aux emplois (m) alors que les coûts de déplacement domicile-travail (C D ) et les coûts de recherche (C R ) sont une fonction croissante de la distance aux emplois. La statique comparative sur la probabilité de sortie de l’état de chômage manifeste un effet ambigu de la distance aux emplois :

A l’effet direct négatif de la distance sur le taux d’arrivée des offres se superposent trois effets indirects de la distance aux emplois via le salaire de réserve. Tout d’abord, la réduction du taux d’arrivée des offres qui accompagne l’éloignement des emplois conduit à une baisse du salaire de réserve qui joue alors favorablement sur le taux de sortie du chômage (effet indirect 1). Ensuite, l’augmentation du coût de déplacement domicile-travail réduit le taux de sortie du chômage par l’augmentation induite du salaire de réserve (effet indirect 2). Cet effet négatif vient se cumuler à l’effet direct de la distance aux emplois sur le taux d’arrivée des offres. Enfin, un troisième effet indirect tient à la sensibilité du taux de sortie du chômage à l’augmentation du coût de prospection (effet indirect 3). Lorsque la distance parcourue au cours de la recherche augmente, toutes choses égales par ailleurs, l’individu réduit son salaire de réserve, ce qui joue en faveur de la réduction de la durée de l’épisode de chômage. Au total, l’indétermination de la sensibilité du taux de sortie de chômage à la distance aux emplois conduit l’auteur à proposer l’estimation de plusieurs spécifications de modèles de durée non-paramétrique, puis paramétrique, à partir de données sur l’Etat de Pennsylvanie. Les résultats économétriques obtenus ne permettent pas d’apporter une conclusion nette quant à l’influence de la distribution spatiale des emplois sur la durée de séjour dans l’état de chômage.

L’activité de recherche des chômeurs implique des coûts plus élevés si elle se déroule non pas dans leur zone d’origine mais à l’extérieur. La décision de migration est donc associée à un coût de recherche supérieur durant la période de chômage. La dimension spatiale va directement intervenir au travers de l’efficacité de recherche des chômeurs (Wasmer et Zénou, 1999). Ils sont supposés avoir une efficacité de recherche supérieure dans leur région que dans les autres régions. Petrongolo et Wasmer (1999) montrent que l’efficacité de la recherche des chômeurs est environ 7 à 8 fois plus faible autour de leur région que dans leur propre région. En d’autres termes, la localisation des chômeurs à proximité des opportunités d’emploi faciliterait le processus d’appariement. Les chômeurs peuvent également choisir de se localiser à proximité des emplois afin de pouvoir augmenter l’efficacité de leur recherche. Ainsi pour Wasmer et Zénou (1997) ou Coulson, Laing et Wang (2001), le lieu de travail des individus étant endogène et leur localisation résidentielle étant fixée, les chômeurs anticipent les coûts de déplacement auxquels ils auront à faire face lors de l’acceptation d’un emploi et de fait l’intègrent dans leur processus de recherche d’emploi, ce qui aura pour conséquence directe d’influencer leur salaire de réserve. La distance aux emplois baisse donc directement l’intensité de la recherche et de fait réduit son efficacité à travers son impact sur les coûts de la recherche.

D’autres études ont parallèlement mis en évidence un éventuel arbitrage entre le niveau de salaire et le temps de déplacement domicile-travail du nouvel emploi proposé.

Notes
52.

Holzer, Ihlandfeld et Sjoquist (1994) rapportent qu’une étude concernant les jeunes bénéficiaires de prestations sociales dans l’est de la Virginie révèle que 26% des individus interrogés estiment qu’une pénurie de transport constitue une barrière importante à l’obtention d’un nouvel emploi.