Chapitre 3 : Evaluation micro-économique de l’impact des conventions de conversion sur la durée de chômage

La légitimité même des programmes publics d’emploi et de formation étant source de nombreux débats aux Etats-Unis, l’évaluation des politiques actives d’emploi s’y est développée et institutionnalisée de façon plus ancienne qu’en France. L’évaluation de tels dispositifs se révèle essentielle afin d’établir si les modifications observées en termes de reclassement sont effectivement attribuables ou pas au programme évalué ou si elles sont principalement dues aux caractéristiques propres des individus.

Le dispositif français des conventions de conversion préfigure le Plan d’Aide Personnalisé (PAP) proposé au sein du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE) mis en place depuis le 1er juillet 2001, par certains aspects : incitation financière, suivi individualisé dès le début de la période de chômage, possibilité renforcée d’accéder à des programmes de formation. De ce point de vue, les enseignements que l’on peut tirer de l’analyse des conventions de conversion sont d’une grande utilité au moment de la montée en force de cette réforme, et de manière plus générale, concernant la population ciblée, la durée du programme et l’impact de la participation à un dispositif en termes de signal sur le marché du travail. Si nous disposons aujourd’hui, pour le cas français, d’un ensemble de travaux et de résultats économétriques relatifs à l’évaluation des effets des passages par des emplois aidés sur le devenir des jeunes chômeurs bénéficiaires (Bonnal, Fougère et Sérandon, 1997, Magnac, 1997, Brodaty, Crépon et Fougère, 2001, 2002a), nous manquons d’études statistiques consacrées à l’efficacité des dispositifs de réinsertion des licenciés économiques.

Ce chapitre 69 propose une évaluation micro-économique des conventions de conversion sur un des indicateurs d’efficacité traditionnellement observés dans le cadre des dispositifs de reclassement : la durée du chômage. Cet indicateur est d’autant plus important que l’objectif principal du dispositif est d’accélérer le retour à l’emploi. Alors que les évaluations menées au niveau macro-économique centrent l’analyse sur les impacts des politiques actives sur l’emploi et le chômage à un niveau global, les évaluations micro-économiques examinent l’impact de mesures spécifiques sur des indicateurs individuels.

Concernant les méthodes d’évaluation de dispositifs publics de réinsertion, on note le développement important, au cours des dix dernières années, de nouvelles méthodes d’estimation économétriques. Nous présenterons, dans un premier temps, les différentes méthodes d’estimation afin de mettre en évidence à la fois leurs apports et leurs limites. En effet, l’utilisation d’une méthode d’évaluation particulière est susceptible de conditionner fortement les résultats.

Concernant l’évaluation micro-économique de dispositifs actifs de reclassement, il convient d’accorder une attention soutenue aux caractéristiques intrinsèques des dispositifs, telles que leur durée ou leur contenu en formation. Dans cette perspective, l’évaluation économétrique proposée ici à partir des données des enquêtes « Trajectoires des Demandeurs d’emploi et Marché Local du travail » et « Trajectoires des Adhérents à une Convention de Conversion » réalisées par la DARES se fera en deux temps. D’une part, une analyse plus générale portera sur l’impact de la mesure sur la durée de chômage. Elle permettra notamment de mettre l’accent sur l’impact de la durée passée en convention de conversion. D’autre part, une analyse portant sur la spécificité du dispositif en termes d’investissement en formation, identifiera les effets d’une telle décision sur la durée de chômage ainsi que sur la probabilité de retrouver un emploi.

Les résultats des estimations montrent qu’il existe un biais de sélection à l’entrée en convention de conversion : la participation au dispositif n’est ni systématique, ni aléatoire. L’estimation de la variation moyenne de la durée de chômage résultant d’un passage en convention de conversion révèle qu’un tiers, ou au plus 41% (selon le critère de mesure retenu) des bénéficiaires voient leur durée moyenne de chômage baisser. A l’inverse, la durée de chômage de plus de la moitié des chômeurs licenciés n’ayant pas adhéré au dispositif aurait pu être réduite par un passage en convention. Les résultats relatifs à l’accès à une formation au cours du programme révèlent les mêmes tendances et montrent que le dispositif crée à ce niveau une hétérogénéité entre bénéficiaires.

Ce chapitre est organisé de la manière suivante. La première section présente une synthèse des contributions méthodologiques récentes en termes d’évaluation. La deuxième section présente le modèle économétrique et les résultats de l’estimation de l’impact des conventions de conversion sur la durée de chômage. Le modèle économétrique spécifique à l’analyse de l’impact de la formation sur la durée de chômage ainsi que les commentaires des résultats feront l’objet d’une troisième section. La dernière section conclut ce chapitre.

Notes
69.

Ce chapitre se fonde en partie sur des travaux en commun avec Denis Fougère.