2.3.2. Estimation avec intégration de la durée de la convention dans la durée de chômage

Pour les bénéficiaires de convention passés directement en emploi à l’issue de la convention, la durée de chômage correspond à la durée de leur convention ; cette durée est strictement inférieure à 6 mois pour 146 d’entre eux. Les résultats de l’estimation des paramètres du modèle défini par les équations (1) à (3), obtenue par maximisation de la fonction de vraisemblance (4), sont reportés dans le tableau 2. Le tableau 1 (voir Annexe 3.C) contient les estimations du même modèle, dans lequel toutefois les corrélations ρ 0 et ρ 1 sont supposées être nulles. Dans ce dernier cas, il n’y a plus de biais de sélection induit par les variables inobservables. Le test des rapports des vraisemblances permet de rejeter l’hypothèse d’absence de corrélation : il y a donc bien un biais de sélection dû aux variables inobservables. Etant donné que les déterminants de la décision de participation au dispositif ont déjà fait l’objet de commentaires au cours du premier chapitre, nous ne présentons que les résultats relatifs aux durées de chômage.

Concernant l’impact du dispositif sur les durées de chômage, on retrouve que les hommes jeunes de moins de 25 ans, les ouvriers qualifiés et cadres supérieurs, les diplômés de l’enseignement technique court et de l’enseignement supérieur, ainsi que les travailleurs de nationalité française ont des durées moyennes de chômage plus courtes, qu’ils soient ou non passés par une convention. Les résultats montrent par ailleurs que les régresseurs n’influencent pas de la même manière, ou avec la même ampleur, les logarithmes des durées de chômage des participants et des non-participants. Toutefois, les durées de chômage des employés et des salariés des professions intermédiaires ne sont pas significativement plus courtes en l’absence d’un passage par une convention, alors que leur durée de chômage après passage par une convention est réduite. Ces catégories socioprofessionnelles sont celles qui bénéficient le plus des conventions en termes de réduction de la durée de chômage. Les femmes de plus de 40 ans ont pour leur part des durées moyennes de chômage plus élevées. Concernant la variable indicatrice de région, celle-ci a un effet sur la durée de chômage sans passage par la convention, alors qu’elle n’en a aucun sur la durée de chômage après passage par une convention. De ce point de vue, le passage par une convention atténue les différences régionales en termes de durées de chômage. Enfin, si l’on analyse l’impact de la cause du licenciement selon que l’individu a participé ou non au dispositif, les résultats montrent que les salariés licenciés de manière sélective (licenciement collectif sans fermeture ont des durées de chômage plus longues que les employés licenciés dans le cadre d’une fermeture de l’entreprise. Ce résultat est conforme à ce qui a été observé en Amérique du Nord (Gibbons et Katz, 1991, Doiron, 1995). En outre, le passage par une convention de conversion ne permet pas de baisser la durée de chômage de ces individus. Ces salariés semblent donc subir un stigma lié à la cause de leur licenciement, cet effet n’est pas atténué par le passage par le dispositif.

Tableau 2 : Résultats avec résidus corrélés (variable expliquée : durée de chômage)
Variables Paramètre T de Student Variables Paramètre T de Student
Vecteur γ 0     Vecteur δ 1    
Constante 0.2419 3.543*** Constante -1.2865 4.434***
Homme [40 ; 49 ans] 0.1903 1.915** Homme [50 et +] 1.1018 2.569***
Homme [50 et +] 0.6359 2.536*** Femme [26 ; 39 ans] 0.3002 1.796**
Femme [40 ; 49 ans] 0.3543 2.295*** Femme [50 et +] 0.554 1.306*
Femme [50 et +] 0.3814 1.319* Ouvrier qualifié 0.9103 2.965***
Profession intermédiaire -0.2428 2.129** Employé 0.9314 3.267***
Cadre supérieur -0.2997 2.183** Profession intermédiaire 1.6717 4.921***
Nord 0.2690 2.543*** Cadre supérieur 0.8699 2.426***
Secteur commerce -0.1817 0.512ns Paca -0.3283 2.266**
Secteur construction -0.0292 0.269ns Enseignement technique court 1.3448 5.106***
Secteur industrie 0.1564 1.742** Secteur commerce -0.2395 0.283ns
Secteur agriculture 0.0476 0.274ns Secteur construction -0.4303 1.476*
Vecteur γ 1          
Constante 0.0801 1.138ns      
Homme [- 25 ans] -0.3062 1.916**      
Homme [50 et +] 0.5128 2.967***
Cadre supérieur -0.2687 2.460*** Vecteur θ ( probabilité d’adhésion )
Paca -0.1996 2.692*** Constante -1.2218 9.429***
Enseignement technique court 0.1831 2.084** Licenciement collectif sans fermeture 0.1701 2.486***
Secteur commerce 0.3424 0.892ns Licenciement économique individuel -0.0905 1.292*
Secteur construction 0.0297 0.303ns Femme [26 ; 39 ans] -0.2283 3.211***
Secteur industrie -0.0109 0.136ns Ouvrier qualifié 0.2012 2.388***
Secteur agriculture 0.1424 0.905ns Employé 0.3416 3.981***
Vecteur δ 0     Profession intermédiaire 0.4249 4.212***
Constante 0.4444 2.198** Cadre supérieur 0.5951 4.901***
Homme [- 25 ans] -1.6162 2.899** Ancienneté [3 ; 5 ans[ 1.0304 10.853***
Homme [50 et +] -2.0869 3.791*** Ancienneté [5 ; 10 ans[ 1.1140 11.739***
Femme [26 ; 39 ans] -0.6006 3.786*** Ancienneté [10 et +] 1.0141 10.303***
Femme [50 et +] -0.5720 2.444*** Nord 0.1678 2.693***
Ouvrier qualifié -0.7055 3.178** Taille entreprise : + de 200 salariés -0.2681 3.171***
Nord -0.8389 3.968*** Taille entreprise : de 100 à 199 salariés -0.0467 0.626ns
Enseignement supérieur -0.2400 0.844ns Nationalité française 0.1318 1.771**
Secteur commerce -0.1813 0.194ns Secteur commerce -0.0485 0.239ns
Secteur construction 0.6139 2.304*** Secteur construction 0.0168 0.195ns
Secteur industrie -0.0994 0.461ns Secteur industrie 0.1221 1.728**
Secteur agriculture -0.0116 1.050ns Secteur agriculture -0.0326 0.982ns
         
           
         
Variables Paramètre T de Student Variables Paramètre T de Student
Vecteur β 0 (durée de chômage sans convention)   Vecteur β 1 (durée de chômage après convention)  
Constante 3.4912 15.218*** Constante 3.6024 21.207***
Homme [- 25 ans] -1.7853 8.586*** Homme [- 25 ans] -0.6475 4.165***
Homme [50 et +] -1.0301 0.962ns Homme [40 ; 49 ans] 0.3822 3.547***
Femme [40 ; 49 ans] 0.9999 2.926*** Homme [50 et +] 0.4256 1.393*
Ouvrier qualifié -1.0451 5.309*** Femme [40 ; 49 ans] 0.4661 4.547***
Profession intermédiaire -0.4250 2.736*** Ouvrier qualifié -0.6901 3.257***
Nord -0.6300 2.562*** Employé -0.5268 2.902***
Paca 0.4777 3.904*** Profession intermédiaire -1.0025 4.460***
Enseignement technique court -0.3182 2.650*** Cadre supérieur -0.7748 3.903***
Enseignement supérieur -0.6337 2.232*** Nord -0.0422 1.139ns
Femme à temps partiel -0.2467 1.085ns Enseignement technique court -0.8584 5.242***
Nationalité française -0.5356 3.754*** Enseignement supérieur -0.3364 2.904***
Secteur commerce -0.0740 0.099ns Homme célibataire 0.3580 3.373***
Secteur construction 0.2652 1.223ns Nationalité française -0.2112 1.995**
Secteur industrie -0.2169 0.967ns Secteur commerce 0.3829 0.600ns
Secteur agriculture -0.0924 0.277ns Secteur construction 0.0120 0.068ns
Licenciement collectif sans fermeture 0.1922 1.486* Secteur industrie 0.0843 0.651ns
Licenciement économique individuel 0.0953 0.677ns Secteur agriculture -0.0484 0.484ns
      Licenciement collectif sans fermeture 0.1894 2.017**
      Licenciement économique individuel 0.0409 0.495ns
Nombre d’observations 1912        
Valeur de la log-vraisemblance -3271.2025        
Les niveaux de significativité statistique des estimations sont indiqués par *** (1%), ** (5%), *(10%) et ns (non significatif).

Enfin, nous avons estimé à l’aide des formules (8) et (9) la variation moyenne du logarithme de la durée de chômage résultant d’un passage par une convention pour chaque catégorie de chômeurs, adhérant ou non à une convention (voir tableau 1, Annexe 3.D). On s’intéresse ici plus particulièrement au ciblage de la population concernée, c’est-à-dire aux individus qui ont vu leur durée de chômage baisser et à la proportion de non-adhérents qui aurait pu bénéficier d’une réduction après passage par le dispositif 81 . En effet, les études micro-économiques ont montré l’importance du ciblage des mesures actives en termes d’efficience.

De ce point de vue, l’estimation révèle qu’un tiers seulement des bénéficiaires de convention voient leur durée moyenne de chômage baisser après passage par une convention. Dans le modèle avec corrélations nulles (c’est-à-dire sans biais de sélection), cette proportion est d’environ 40%. A l’inverse, le passage par une convention aurait pu réduire le logarithme de la durée de chômage de plus de la moitié des chômeurs licenciés n’ayant pas adhéré. La même proportion est égale à 62% dans le modèle avec corrélations nulles.

Nous avons effectué une analyse complémentaire sur les variations moyennes des durées de chômage afin de cibler parmi les chômeurs licenciés n’ayant pas adhéré au dispositif quels types de population auraient eu le plus à gagner à un passage en convention de conversion. Les résultats montrent que, parmi les non-adhérents, les groupes d’individus ayant le plus à gagner d’un passage en convention sont les femmes, à l’exception des moins de 25 ans, les hommes de plus de 50 ans, les employés, les professions intermédiaires, et enfin les salariés dont l’ancienneté dans le dernier emploi était supérieure à cinq ans. Par exemple, parmi les femmes qui ne passent pas par une convention, 31% verraient leur durée de chômage baisser si elles passaient en convention, alors que pour les hommes non bénéficiaires, ce pourcentage ne serait que de 20%. Le même exercice révèle que 33% des employés et salariés des professions intermédiaires ne bénéficiant pas d’une convention auraient eu une durée de chômage plus courte s’ils en avaient bénéficié, la proportion équivalente étant de 18% seulement au sein des autres catégories professionnelles.

Prendre en compte la durée de la convention dans l’épisode de chômage, conduit à minorer l’estimation de la proportion d’adhérents qui gagnent à passer par une convention de conversion.

Notes
81.

Nous n’avons pas pu calculer la réduction moyenne de chômage exprimées en mois.