3.1. Investissement en formation

Au fondement de la théorie du capital humain, dont le développement est principalement dû aux contributions de Mincer (1958), Schultz (1961) et Becker (1962), se trouve l’idée simple que les compétences individuelles s’acquièrent et se déprécient tout au long de la vie. Leur acquisition est coûteuse et nécessite du temps, mais leur effet est durable. Une seconde hypothèse stipule que les compétences accumulées déterminent la capacité productive des individus, leur aptitude à exercer des fonctions productives et rémunérées. L’accumulation en capital humain relève d’un arbitrage entre le temps et les ressources nécessaires à sa production, d’une part, et son rendement anticipé, d’autre part. Le capital accumulé est humain car il est intrinsèque à l’individu. La formation est donc considérée comme un investissement engendrant des revenus futurs plus élevés. En opérant cet investissement les individus considèrent d’une part le coût d’opportunité des revenus refusés pendant leur période d’apprentissage, et d’autre part, le revenu espéré sur le marché du travail après une formation.

Les théories alternatives les plus importantes à celle du capital humain englobent notamment les hypothèses de filtrage (screening), développées par Arrow (1973) et de signal, développées par Spence (1973). Elles se différencient de la théorie du capital humain par le fait qu’elles reposent sur l’hypothèse d’asymétrie informationnelle entre l’employeur et l’employé. Plus particulièrement, elles considèrent que l’employeur utilise le niveau d’éducation ou de formation des individus pour les identifier. En effet, le coût d’opportunité lié à l’acquisition de connaissances est plus faible pour les individus étant dotés de plus d’aptitudes, ce qui leur permet ainsi de signaler sur le marché du travail leur plus grande productivité. La théorie du signal s’appuie sur l’hypothèse que les employeurs ignorant les capacités réelles d’un demandeur d’emploi à l’embauche fondent leurs décisions de recrutement sur les signaux émis par les travailleurs tels que leur niveau de formation, leurs emplois précédemment occupés ou les causes de départ de cet emploi. Cette théorie est souvent évoquée pour expliquer que le passage par un dispositif de réinsertion ne conduit pas toujours à un meilleur reclassement des adhérents. Il se peut en effet que la participation à un tel programme envoie un signal négatif aux employeurs potentiels quant au faible niveau de productivité des participants. Les employeurs peuvent donc utiliser cette information comme moyen de sélection des candidats à l’embauche. Les résultats attendus du passage par une formation pour des adhérents à un dispositif public de reclassement sont complexes. Eberwein, Ham et Lalonde (1997) ont montré notamment que la participation dans des formations en classe augmente la fréquence d’embauche mais ne réduisait pas la durée de l’épisode de chômage.

Par ailleurs, des caractéristiques individuelles observables (telles que le niveau d’études, le niveau de qualification de l’emploi précédent) et non observables (telles que la motivation, la confiance en soi et en son potentiel) influencent la décision individuelle de se porter candidat à une formation. Les personnes qui estiment avoir des chances de tirer profit d’une formation seront plus nombreuses à y accéder par rapport à celles qui pensent ne pas pouvoir en tirer parti. Les caractéristiques individuelles des premières seront vraisemblablement associées à une plus grande chance de sortir du chômage, et ce même en l’absence de formation. A l’inverse, les personnes qui estiment ne pas pouvoir échapper au chômage sans suivre une formation, se portent également candidats. Ces personnes ont probablement des caractéristiques individuelles moins avantageuses que les personnes éligibles ne se portant pas candidates. De là découlent des biais de sélection. En effet, la participation à une formation peut impliquer des caractéristiques personnelles inobservées par l’évaluateur, étant corrélées positivement avec les chances de quitter l’état de chômage.

Dès lors que l’on considère d’abord la décision d’adhérer à une convention de conversion et ensuite celle de suivre une formation, on se retrouve confronté à deux types de sélection successives : une première à l’entrée dans le dispositif et une deuxième à l’accès à une formation. L’estimation conduite ici tient compte de la sélection sur les inobservables. En effet, il existe notamment des coûts non monétaires dus à la désutilité en termes d’effort, liés à un investissement dans une formation qui ne sont pas directement observables. Les bénéficiaires qui n’ont pas décidé de suivre une formation peuvent avoir des caractéristiques impliquant des coûts non monétaires plus élevés notamment liés à leur niveau d’éducation.

Avant de présenter le modèle économétrique estimé, la section suivante présente la population étudiée.