3.2. Caractéristiques de la population des bénéficiaires

L’application économétrique est conduite à partir des données individuelles issues des deux enquêtes, présentées précédemment, menées par la DARES. Afin d’estimer l’efficacité des conventions de conversion à travers l’offre de formation, deux points doivent être précisés.

D’une part, le problème lié à la détermination du début de la durée de chômage apparaît encore dans ce cas. Contrairement aux estimations précédentes, l’analyse quant à la variable de résultat (durée de chômage) est ici restreinte à la population des seuls bénéficiaires, en faisant la distinction entre formés et non-formés. Dans ce cadre d’analyse, l’hypothèse que nous avons précédemment retenue qui est de considérer la date d’entrée en convention de conversion comme le début de la période de chômage semble être moins restreinte. En effet, la principale critique pouvant être adressée était que dans ce cadre l’on considérait que l’intensité de la recherche était la même pour les participants et les non-participants. La même limite prévaut ici dans la mesure où les individus formés sont également susceptibles d’avoir une intensité de recherche plus faible (Lalive et al., 2000). Cependant, étant donné que l’estimation se fait au sein d’une même population de bénéficiaires, cette hypothèse peut apparaître comme moins restrictive. Nous avons donc choisi de considérer que le début de la période de chômage correspondait à la date d’entrée dans le dispositif.

D’autre part, une difficulté apparaît également quant à la prise en compte de la diversité des formations proposées. Ces dernières prennent en effet plusieurs formes. L’encadré n°1 présente les formations proposées au cours d’une convention de conversion. Il paraît indéniable que le type de formation suivie (spécialité, informatique, langues etc…) ainsi que l’organisme formateur (entreprise/organisme technique) influencent différemment le retour à l’emploi. En effet, les individus ayant suivi une formation au sein d’une entreprise ont plus de chances de retrouver un emploi (Kodrycki, 1997). Cependant, face à la diversité des réponses, et également parce que ces formations sont pour la plupart de courte durée (1 à 2 mois) et que les bénéficiaires peuvent également en suivre plusieurs (au maximum trois), prendre en compte l’ensemble de ces informations dans les estimations est apparu complexe. De ce fait, nous avons choisi de ne pas distinguer les différents types de formations offertes. Dans le cadre de la deuxième estimation, nous prendrons toutefois en compte le nombre de formations suivies, afin de déterminer si ce comportement peut être considéré comme un signal en termes de motivation des adhérents sur le marché du travail.

Encadré n°1 : Convention de conversion et formations
Les Unités Techniques de Reclassement (UTR) s’engagent à construire et à réaliser avec l’adhérent un projet de reclassement professionnel précisé dans un plan d’action. En fonction des besoins de chaque adhérent et de son projet de reclassement, différentes prestations sont prévues :
- L’évaluation du niveau de compétences dans un métier donné (acquis professionnels théoriques et pratiques) qui peut se dérouler en entreprise ou en organisme technique.
- Le bilan personnel et professionnel qui permet de dégager ce qui sera utilisable dans un futur emploi.
- Les techniques de recherche d’emploi. Elles comprennent la préparation du curriculum vitae et des lettres d’accompagnement, les méthodes de ciblage des entreprises, l’exploitation des petites annonces, l’entraînement aux entretiens d’embauche.
- L’information sur la création d’entreprise, aide à l’évaluation du projet, perfectionnement et accompagnement de la création d’entreprise.
Lorsque la formation est indispensable au reclassement, après évaluation des besoins de formation, l’UTR peut prescrire une formation en entreprise ou en organisme de formation (dans la limite d’une durée maximum de 300 heures avec une possibilité de dépassement pour 20% des adhérents). Les UTR disposent d’un budget moyen d’environ 4200F par adhérent pour la mise en œuvre des prestations et des formations. Les formations suivies regroupent une grande diversité de spécialités. Ainsi, lorsque l’on observe le type de formations suivies (à partir de l’enquête « Trajectoires des Bénéficiaires de Convention de Conversion »), on note que la majorité se situent dans les domaines tels que : les langues vivantes, la comptabilité et la gestion et principalement en informatique. La plupart des formations (environ la moitié) ont lieu en entreprise.

Le Tableau 4 présente les statistiques descriptives pour les deux sous-échantillons. On observe ainsi que 47% des bénéficiaires ont au moins suivi une formation au cours du programme. 38% d’entre eux ont suivi une seule formation et seulement 9% plus d’une, c’est-à-dire au plus trois.

Tableau 4 : Description statistique des variables des deux sous-échantillons
Proportion d’individus ayant la caractéristique (en %)  Non-formés
Formés
Age entre 16 et 25 ans 6.40 2.95
Age entre 26 et 39 ans 26.14 28.06
Age entre 40 et 49 ans 49.96 58.02
Age supérieur à 50 ans 17.50 10.97
Femme 38.55 49.58
Nationalité française 16.80 13.08
Etre veuf 9.50 9.71
Etre marié 74.86 77.64
Etre célibataire 17.22 16.39
Niveau d’études
Etudes primaires 19.12 6.48
1er cycle enseignement général 12.05 15.19
2e cycle enseignement général 8.22 7.72
Enseignement technique court/long 46.85 49.61
Enseignement supérieur 13.76 21.00
Durée du dernier emploi en années
Ancienneté [2 ;3 [ 21.97 22.57
Ancienneté [3 ;5 [ 14.34 13.71
Ancienneté [5 ; 10[ 35.38 30.59
Ancienneté [10 et +[ 28.31 33.13
PCS du dernier emploi
Ouvrier non qualifié 19.75 12.61
Ouvrier qualifié 22.30 24.23
Employé 26.42 18.37
Profession intermédiaire 10.28 11.52
Cadre supérieur 21.25 33.26
Précédent emploi à temps partiel 9.12 8.12
Cause du départ du dernier emploi 
Licenciement collectif sans fermeture 40.60 37.76
Licenciement collectif avec fermeture 29.42 29.96
Licenciement économique individuel 29.98 32.28
Région
Ile de France 41.53 23.41
Nord-Pas-de-Calais 30.73 36.08
Provence-Alpes-Côte d’Azur 27.74 40.51
Tableau 4 (suite)
Proportion d’individus ayant la caractéristique (en %)  Non-formés Formés
Taille de l’ancienne entreprise    
Taille entreprise : 1 à 49 salariés 53.26 53.54
Taille entreprise : 50 à 99 salariés 12.95 11.01
Taille entreprise : 100 à 199 salariés 21.77 19.58
Taille entreprise : + de 200 salariés 12.02 15.87
Formation    
Participation à aucune formation 52.82  
Participation à une formation   38.05
Participation à plus d’une formation   9.13
Durée moyenne de chômage en mois 16 14
Durées de chômage censurées à droite 45 38
Nombre d’observations 537 473

Si l’on compare l’échantillon des adhérents non-formés à celui des formés, on observe notamment que ces derniers ont en moyenne entre 40 et 49 ans (58%). 49% des formés sont des femmes. Ils ont un niveau d’éducation plus élevé : 21% d’entre eux ont un niveau d’études correspondant à l’enseignement supérieur contre 14% pour les non-formés. 33% des individus formés sont cadres supérieurs contre 21% pour les non-formés. 33% des formés ont plus de dix ans d’ancienneté, cette proportion est de 28% pour les non-formés. Par ailleurs, les individus qui ont été licenciés à la suite de la fermeture de leur entreprise accèdent également plus à la formation. Il apparaît donc que la population des formés soit composée d’individus ayant des niveaux d’éducation et de compétences élevés.

En outre, il est possible que les individus ayant suivi une formation deviennent plus exigeants en termes d’emploi et de ce fait restent plus longtemps dans l’état de chômage afin de trouver un emploi qui correspondent à leur nouvelles exigences. Les formés ont une durée moyenne de chômage de 14 mois, alors qu’elle est de 16 mois pour les non-formés. Le rendement de la formation semble compenser une possible hausse du salaire de réserve. Les non-adhérents ont également moins de chances de sortir du chômage (45% des non-formés ont des durées de chômage censurées contre 38% pour les formés). L’estimation non-paramétrique (voir figure 7, Annexe 3.B) montre que les adhérents à une convention de conversion ayant suivi au moins une formation ont des taux de survie plus bas que les non-formés, ils sortent donc plus rapidement de l’état de chômage, et ce à partir de huit mois. En effet, le taux de sortie du chômage des formées baisse au cours de la formation : ces derniers se concentrent sur l’apprentissage plutôt que sur la recherche d’emploi. La participation à une formation semble créer ou renforcer une hétérogénéité parmi les bénéficiaires d’une convention de conversion.

La section suivante propose une évaluation des conventions de conversion sur la durée de chômage via la possibilité de suivre une formation.