3.4. Présentation des résultats

Les résultats de l’estimation des paramètres du modèle défini par les équations (1) à (4), obtenus par maximisation de la fonction de vraisemblance (5), sont reportés dans le tableau 5. Etant donné que les déterminants de la décision de participation à une convention de conversion ont déjà fait l’objet d’estimation, nous ne présentons ici que les résultats relatifs à l’accès à la formation et aux durées de chômage.

Les variables individuelles introduites dans l’estimation de la décision d’accès à une formation font en partie référence à la théorie du capital humain. La probabilité pour un bénéficiaire de suivre une formation est plus élevée pour les femmes, les hommes ayant un niveau d’ancienneté plus faible dans leur précédent emploi (entre 2 et 3 ans) et les plus qualifiés. Certaines variables introduites permettent de mettre en évidence l’effet positif de l’accumulation passée de capital humain sur l’investissement futur. Ainsi, les variables relatives au niveau d’éducation atteint par les individus (niveau d’éducation égal à l’enseignement supérieur) confirment l’hypothèse selon laquelle, plus un individu a accumulé du capital humain dans le passé, plus cela facilite son prochain investissement.

Tableau 5 : Résultats du modèle avec résidus corrélés (formation)
Variables Paramètres T de Student Variables Paramètres T de student
Equation d’entrée dans le dispositif Durées de chômage des non-formés
Constante -1.3942 -11.116*** Constante 2.0803 4.973***
Licenciement collectif sans fermeture 0.2663 4.222*** Homme [- 25 ans] -0.2847 -0.722ns
Femme [26 ; 39 ans] -0.2171 -2.784*** Homme [50 ans et plus[ 1.0884 5.203***
Ouvrier qualifié 0.2537 2.710*** Femme [40 ; 49 ans] 0.4654 2.496***
Employé 0.3605 4.084*** Femme [50 ans et plus[ 1.2572 3.603***
Profession intermédiaire 0.4261 4.180*** Homme [40 ; 49 ans] 0.5139 2.556***
Cadre supérieur 0.5979 4.627*** Ouvrier qualifié -0.2166 -1.617*
Ancienneté [3 ; 5 ans[ 1.0810 10.400*** Employé 0.0473 0.251ns
Ancienneté [5 ; 10 ans[ 1.1749 11.395*** Profession intermédiaire -0.2453 -1.139ns
Ancienneté [10 ans et plus] 1.0927 10.517*** Cadre supérieur -0.4386 -1.603**
Nord 0.1815 2.721*** Nord -0.6765 -2.632***
Taille de la firme : plus de 200 salariés -0.3702 -4.215*** Enseignement supérieur -0.6474 -2.623***
Nationalité française 0.2188 2.767** Nationalité française -0.0964 -0.520ns
Equation d’entrée en formation  
Constante 0.4646 1.385* Durées de chômage des formés    
Homme [- 25 ans] -0.1433 -0.650ns Constante 3.6521 8.374***
Homme [26 ; 39 ans] 0.1485 1.519* Homme [- 25 ans] -0.2260 -0.675ns
Femme [26 ; 39 ans] 0.3178 2.950*** Homme [40 ; 49 ans] 0.3166 2.329***
Enseignement technique 0.4356 3.232*** Homme [50 ans et plus [ 0.2492 1.239ns
Enseignement supérieur 0.3467 3.170*** Femme [40; 49 ans [ 0.3171 2.517***
Ancienneté [3 ; 5 ans[ -0.5205 -2.494*** Femme [50 ans et plus[ 0.7111 3.992***
Ancienneté [5 ; 10 ans[ -0.5566 -2.595*** Ouvrier qualifié -0.1839 -1.154ns
Ancienneté [10 years and more] -0.2492 -1.342ns Employé -0.0176 -0.116ns
Homme marié -0.1119 -1.537* Profession intermédiaire -0.0716 -0.419ns
Femme mariée 0.0839 0.876ns Cadre supérieur -0.4788 -1.703**
Taille de la firme: plus de 200 salariés 0.2547 2.164*** Nord -0.0053 -0.054ns
Ouvrier qualifié 0.1709 1.646* Enseignement supérieur -0.3917 -2.566***
Employé 0.3008 2.057** Nationalité française -0.3564 -2.544**
Profession intermédiaire 0.0422 0.246ns  
Cadre supérieur 0.1216 0.571ns Coefficients de corrélation
Licenciement collectif avec fermeture 0.1867 1.438* 0 (adhésion et formation) -0.1801 -1.191ns
 
1 (adhésion et durée des non-adhérents) 0.1764 1.137ns
2 (formation et durée des non-adhérent) 0.0345 0.137ns
3 (adhésion et durée des adhérents) -0.2297 -1.421*
Nombre d’observations 1912   4 (formation et durée des adhérent) -0.8972 -3. 377***
Log-vraisemblance -2966.9268    

Les salariés employés dans une firme de plus de 200 salariés investissent également plus en formation. Ces individus disposent a priori d’aptitudes leur assurant de consacrer moins d’effort au cours d’une nouvelle formation. Concernant la taille de l’entreprise, on peut supposer qu’une grande firme offre en général plus de possibilités de formation que les plus petites et que leurs employés sont plus susceptibles d’avoir suivi une formation. De fait, les formés ont des coûts d’investissement en formation qui apparaissent plus faibles.

Par ailleurs, les chômeurs qui peuvent subir un stigma quant à la nature de leur licenciement, notamment ceux qui ont été licenciés sans qu’il y ait fermeture de l’entreprise accèdent plus à la formation. Une interprétation possible de ce résultat est que ces individus se forment afin d’améliorer leur niveau de compétences. La théorie du signal explique l’investissement en formation par la volonté de l’individu de signaler ses aptitudes aux employeurs potentiels. Le fait de suivre une formation peut également être considéré sur le marché du travail comme un signal en termes de motivation des demandeurs d’emploi.

On retrouve que les bénéficiaires entre 40 et 49 ans, les catégories socioprofessionnelles les plus élevées (cadres supérieurs), les plus diplômés ont des durées moyennes de chômage plus courtes, qu’ils soient ou non passés par une formation. Concernant l’impact de la formation sur les durées de chômage, les résultats montrent que les régresseurs n’influencent pas de la même manière, ou avec la même ampleur, les logarithmes des durées de chômage des formés et des non-formés. Concernant les hommes de 50 ans et plus, les non-formés ont des durées de chômage plus élevées alors que l’effet n’est plus significatif pour les formés. Il semble que l’investissement en formation permettent aux hommes les plus âgés de signaler leur motivation sur le marché du travail. Cette distinction n’apparaît pas pour les femmes de 50 ans et plus, mais est confirmée pour la nationalité. Comme pour l’estimation précédente, la variable indicatrice de région a un effet sur la durée de chômage sans passage par une formation, alors qu’elle n’en a aucun sur la durée de chômage des non-formés. De ce point de vue, le passage par une formation pour les adhérents atténue les différences régionales en termes de durée de chômage. Par ailleurs, contrairement aux cadres supérieurs, les ouvriers qualifiés non-formés ont des durées de chômage plus courtes, alors que cet effet n’apparaît plus lorsqu’ils se sont investis en formation. De fait pour cette catégorie de travailleurs, il semble que les avantages d’une formation sont assez faibles. Enfin, nous avons introduit comme variables de contrôle les secteurs d’activité de l’emploi précédent des individus mais les résultats n’étant pas significatifs, nous ne les avons pas reportés dans les tableaux.

Les résidus des équation du modèle sont supposés être corrélés. On observe ainsi que l’hétérogénéité non observée favorisant la participation à une formation est négativement corrélée avec les déterminants non observés des durées de chômage (l’estimation de ρ 4 est négative et significative au seuil de 1%). La participation à la formation révèle des caractéristiques individuelles inobservées qui sont corrélées positivement avec les chances de quitter l’état de chômage. Il existe un biais de sélection à l’entrée en formation. Toutes choses égales par ailleurs, les adhérents qui suivent une formation ont des durées de chômage plus courtes. On retrouve le même résultat quant aux caractéristiques non mesurées favorisant l’entrée en convention et les durées de chômage des bénéficiaires ayant suivi une formation (l’estimation de 3 est négative mais faiblement significative au seuil de 10%).

Enfin, nous avons estimé à l’aide des formules (6) et (7) la variation moyenne du logarithme de la durée de chômage résultant d’un passage par une formation pour chaque catégorie d’adhérent, formés et non-formés (voir tableau 1 Annexe 3.D). L’estimation révèle que seulement 44% des adhérents formés voient le logarithme de leur durée moyenne de chômage baisser après passage par une convention. A l’inverse, le passage par une formation aurait pu réduire le logarithme de la durée de chômage de plus de la moitié des participants (56%). Si l’on compare ces résultats à ceux de l’estimation précédente relative à l’adhésion à une convention de conversion, la proportion d’individus qui voient leur durée de chômage réduite après passage par une formation est supérieure, mais elle reste néanmoins faible.

A partir de cette première analyse sur l’impact d’un passage en formation pour les adhérents, nous pouvons conclure que l’efficacité du passage en formation pour les bénéficiaires est relativement faible en termes de proportion d’adhérents ayant effectivement réduit leur période de chômage. De plus, une majorité des personnes qui ont choisi de ne pas suivre de formation auraient vu baisser leur durée de chômage. Ces résultats confortent l’hypothèse que non seulement ce sont les individus les moins à risque qui adhèrent à une convention de conversion et que parmi eux, ce sont ceux qui ont les coûts les plus faibles (les aptitudes les plus élevées) en termes d’investissement en capital humain qui accèdent à une formation (Cockx, 1999). Ces résultats sont conformes à ceux d’autres études sur l’impact de programmes de formation pour les chômeurs en général et pour les licenciés économiques aux Etats-Unis (Kodrycki, 1997). Une question se pose alors en termes de pertinence du ciblage du dispositif.

La motivation des chômeurs licenciés peut également expliquer leur participation à une formation. Cette interprétation oppose la théorie du capital humain et la théorie du signal. En effet, la théorie du capital humain explique l’investissement en formation par la volonté d’acquérir ou d’améliorer les compétences pour les travailleurs, alors que celle du signal explique cet investissement par la volonté de signaler ses aptitudes intrinsèques sur le marché du travail. Etant donné que la nature du licenciement peut également être perçue comme un signal sur le niveau de productivité des salariés concernés, ces derniers peuvent être incités à se former afin d’améliorer la qualité de leur signal. Le dispositif des conventions de conversion offre la possibilité aux participants de suivre plusieurs formations. Nous considérons ici que le nombre de formations suivies peut être interprété en tant que signal de la motivation des individus. La section suivante présente le modèle économétrique permettant de prendre en compte cette spécificité et d’estimer l’effet du nombre de formation suivies sur la probabilité de retour à l’emploi.